Les leçons du Forum national des jeunes à Ottawa

Par Natalie Spagnuolo

Natalie Spagnuolo est membre du Comité de politique sociale du CD.  Doctorante en Critical Disability Studies à l’université York, elle est aussi boursière en doctorat du Programme de bourses d’études supérieures Joseph-Armand-Bombardier, du Conseil de recherches en sciences humaines.

J’ai eu le plaisir de représenter le Conseil des Canadiens avec déficiences au Forum national des jeunes, organisé par le Bureau de la condition des personnes handicapées à Ottawa.  Ce forum s’inscrivait dans un plus vaste processus de consultation visant à instruire l’élaboration d’une nouvelle loi fédérale sur les personnes en situation de handicap.

Un événement débordant d’énergie et réunissant plus de cent jeunes handicapés, de toutes les provinces et territoires.

En tant que représentante du CCD,  j’ai animé un groupe de discussion et, à la fin du forum, j’ai servi d’intervenante en plénière, aidant ainsi  à résumer les principaux enjeux et à les présenter à une plus vaste assemblée. 

Les jeunes – et à fortiori les jeunes en situation de handicap – sont rarement consultés par le gouvernement.  Par conséquent, plusieurs participants étaient nettement déterminés à s’intégrer dans le processus décisionnel qui instruira la nouvelle loi fédérale.

Leur préoccupation récurrente tout au long de la journée : « Comment puis-je rester impliqué(e) ? «

Pour plusieurs d’entre eux, la participation consiste à aller au-delà des groupes de consultation et des forums pour s’attaquer à la conceptualisation, l’implantation et l’application de la loi fédéral ainsi que faire preuve de leadership pour des initiatives gouvernementales visant les personnes handicapées et s’inscrire dans la planification stratégique.

Certaines participantes ont encouragé le gouvernement à appliquer l’inclusion en intégrant  les personnes avec des limitations fonctionnelles dans ses propres pratiques et ses événements ; point particulièrement important puisque  le gouvernement s’engage vers l’élaboration de nouvelles normes et pratiques pour le pays.  Plusieurs jeunes en ont profité pour transmettre leurs coordonnées à des agents gouvernementaux, espérant que les organismes fédéraux appliqueront d’équitables pratiques d’embauche et agiront comme centre pour les mesures d’emploi visant les personnes en situation de handicap.

L’expertise démontrée lors des discussions en groupes prouve, sans aucun doute, que c’est du vécu qu’émanent les connaissances les plus pertinentes en matière d’exclusion des personnes avec des limitations fonctionnelles.

Ces conversations ont également permis de dévoiler l’ampleur de la marginalisation économique, politique et culturelle subie par de nombreux participants.

Rien de bien nouveau pour celles et ceux qui sont déjà exclus  – mais  le nombre élevé  de jeunes subissant ces injustices est un avertissement :  un niveau d’action coordonnées et spécifiques s’impose pour améliorer la situation.

La pauvreté, le chômage et le sous-emploi ont été des préoccupations récurrentes des jeunes qui avaient en fait un même vécu.  Dénoncées également, les erreurs de jugement découlant des incompréhensions du handicap et de ses manifestations, qui dévalorisent les contributions des personnes handicapées et leur nient les aides pouvant faciliter ces contributions. 

Confirmé aussi, le profond et fréquent impact des obstacles environnementaux dans le système de transports sur le quotidien des jeunes en situation de handicap.  Et certains ont même dénoncé les problèmes auxquels ils ont été confrontés en se rendant au forum.

Toute la paperasserie avec laquelle doivent  jongler de nombreux participants  dans leur quotidien est la fois chronophage et vecteur d’inaccessibilité aux critères d’admissibilité.   De plus, le manque d’uniformisation et de normes communes pancanadiennes et pan-régionales  a été soulevé.

Seules quelques-unes des nombreuses formes d’exclusion ont émergé des discussions lors des sessions en petits groupes.

La plupart des participants ont réclamé une loi suffisamment proactive et rigoureuse pour régler  les problèmes et enjeux soulevés.  Bien sûr, les priorités recueillies lors de la session de consultation du 1er novembre illustrent à peine l’immensité des problèmes existants. 

Lors de la plénière de clôture, des participants ont regretté le caractère limitatif du dialogue actuel car le forum ne traduisait pas la diversité des collectivités actuelles de personnes en situation de handicap. L’absence des personnes noires handicapées et des personnes de couleur avec des limitations fonctionnelles a été dénoncé par une participante lors de la période de Q-R.  Elle a invité les organisateurs à  rejoindre ces groupes à l’avenir.

Ces discussions doivent se poursuivre afin que le gouvernement puisse entendre non seulement les collectivités oubliées lors de cette consultation mais tous ceux et celles qui sont déjà marginalisées au sein de leur propre communauté de personnes handicapées.

Afin de permettre à cette discussion de maintenir son élan, un participant a créé le groupe « Accessible Canada Young Leaders » sur Facebook.  En plus du groupe officiel de discussion dirigé par Engagement HQ , certains  travaux se poursuivent déjà sur cette  plateforme.

Nous devons continuer à avancer pour régler  les nombreux problèmes systémiques de la situation actuelle.  Notre défi, c’est d’y arriver en habilitant/autonomisant  les personnes les plus touchées et celles qui sont vraiment en jeu :  les personnes en situation de handicap.