La culture, les musées et les galeries : une question d'accès selon John Rae

Le Congrès « Collaborations, collections, communautés – Rendre les musées et les galeries du Canada inclusifs et accessibles », premier du genre au Canada, a eu lieu au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, du 1er au 4 octobre 2009. Mais en ce qui a trait à l'accès aux musées et aux galeries, le Canada traîne derrière de nombreux pays. Espérons que ce Congrès, très opportun, incitera les chefs de file de ce secteur à rendre leurs édifices, leurs collections et leurs programmes accessibles aux personnes avec des déficiences.

Pourquoi, se demanderont sans doute certains, insister sur l'accès aux musées quand d'autres questions cruciales sont encore en suspens? Les personnes handicapées ont le droit d'accéder à tous les secteurs de la vie. Les musées et les galeries d'art sont des fenêtres sur le passé. Ils offrent en outre de nombreux programmes éducatifs aux étudiants et à tous les membres de la société. Nous y avons droit aussi, comme nos concitoyens.

John Rae examine une réplique

John Rae examine une réplique au Musée Larco de Lima, Pérou

J'adore l'histoire! Pour moi, les musées sont les dépositaires des différentes civilisations qui se sont manifestées autour du monde. Le plus important, pour une personne aveugle comme moi, c'est d'être capable de toucher certaines œuvres d'une collection. On peut vous décrire les artéfacts, c'est très utile et certaines personnes y excellent. Avoir des esquisses de peintures ou d'objets avec des lignes en relief ou encore avoir des répliques d'œuvres, c'est bon aussi! Ces solutions, très bénéfiques certes, ne remplaceront jamais le toucher de l'œuvre ou de la sculpture qui vous permet d'en saisir l'essence profonde et de mieux la capter.

La vue vous permet d'apprécier un objet d'une certaine manière – à laquelle je n'ai pas accès. Mais même si je l'avais, plus vous utilisez vos sens, plus vous suscitez des réactions différentes et plus vous multipliez vos perceptions appréciatives de l'œuvre en question. Il est primordial d'utiliser tous ses sens, même si vous y voyez. C'est pourquoi le toucher, l'accès tactile est si important pour moi.

On peut bien sûr rétorquer que l'huile de vos doigts risque d'endommager des œuvres irremplaçables. En tant qu'amoureux de l'histoire, la préservation des œuvres d'art me préoccupe autant que les conservateurs. Mais on pourrait y pallier en utilisant des gants ultra-minces.

Plusieurs musées maximisent déjà leur accès aux personnes handicapées. Mon préféré est le Ny Carlsberg Glyptotek à Copenhague. C'est un musée privé possédant une collection de statues des temps anciens – remontant jusqu'à 5 ou 6000 ans avant J.C. J'ai pu presque toutes les toucher. Certains musées m'ont offert des visites privées. En Angleterre, sur le vaisseau amiral de Nelson, ils ont enlevé les barrières afin que je puisse circuler sur le pont de franc-bord. C'était extraordinaire. Au Pérou, où je me trouvais récemment, le musée Larco de Lima , musée privé d'œuvres pré-inca, avait installé des tables pour nous permettre de toucher environ vingt répliques moulées d'artéfacts. On nous en a même offert une en cadeau, gentillesse suprême.

John Rae

John Rae prend une pause lors du Congrès Collaborations, Collections, Communautés

Les musées, les galeries d'art et les biens patrimoniaux peuvent vraiment adopter plusieurs mesures pour rendre leurs installations, programmes et conférences accessibles. Notamment : construire une rampe, grossir les caractères dans les vitrines, offrir des programmes publics avec des lecteurs explicitant davantage le visuel et la teneur des diapositives, ou fournir des renseignements en langage clair afin d'en faire profiter un plus grand nombre de personnes. Comme pour tout le reste, c'est une question de volonté. C'est peut-être un tout petit peu plus cher, mais pas beaucoup.

Bien sûr, à la fin de la journée, après s'être évertués à maximiser leur accessibilité, ces établissements devront nous communiquer les changements apportés afin que nous soyons incités à les visiter et à participer à leurs activités. À l'heure actuelle, présumant que les galeries et musées ne sont pas facilement accessibles, de nombreuses personnes handicapées ne se donnent même pas la peine d'y aller. Les améliorations sont effectuées dans ces établissements; elles doivent donc être communiquées à notre collectivité.