Bonne Journée internationale des droits de la personne !

Aujourd’hui, lundi 10 décembre, Journée internationale des droits de la personne, j’ai jugé judicieux de faire le point sur les avancées de la société civile vis-à-vis du prochain Examen périodique universel des Nations Unies.  Depuis les dernières années, plusieurs d’entre nous se sont attaqués sans relâche à la totale application des traités internationaux des droits de la personne !  Entre 2015 et 2017, le Canada a soumis plusieurs rapports à divers comités onusiens sur leurs traités inhérents, notamment au Comité des droits de la personne (2015), au Comité des droits économiques, sociaux et culturels (2016), au Comité des droits des personnes handicapées ou CDPH (2017) et au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (2017).  Si vous désirez plus de détails sur ces rapports, consultez le site http://www.ohchr.org/FR/Countries/LACRegion/Pages/CAIndex.aspx En 2018, le Canada devra se soumettre à l’Examen périodique universel (EPU).   Selon l’ohchr.org, l’Examen périodique universel
…..fournit à chaque État l’opportunité de présenter les mesures qu’il a prises pour améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire et remplir ses obligations en la matière. Il inclut également les meilleures pratiques en droits de la personne, instaurées à travers le monde. Aucun autre mécanisme universel de ce type n’existe à l’heure actuelle. http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/UPR/Pages/UPRMain.aspx

Le Canada s’est déjà attaqué aux procédures de cet EPU et, au printemps prochain, des représentants du gouvernement et de la société civile se présenteront devant le Groupe de travail de l’EPU afin de discuter du bilan fédéral en matière de droits de la personne. Les groupes de la société civile ont dû soumettre des rapports parallèles (ou contre-rapports) en octobre.  Le gouvernement du Canada déposera son rapport prochainement. Avec ces rapports parallèles, les groupes de la société civile s’assurent que les Nations Unies reçoivent toute une gamme de points de vue, faisant ainsi entendre les voix des citoyens et dévoilant leurs expériences.  Ces rapports s’ajoutent aux rapports officiels des États (que les pays doivent soumettre selon un échéancier précis).  Il arrive souvent que des questions épineuses (ou des secteurs) soient oubliées dans les rapports officiels.  Les rapports parallèles peuvent alors combler les manquements et toucher tous les domaines.  Ensuite, le Groupe de travail, ou comité, interrogera directement le Canada et demandera officiellement des éclaircissements.   Nous n’avons pas encore la date de l’Examen mais nous la soumettrons dès que connue.  Ce sera probablement en mai 2018.  Les Canadiens qui ne pourront se rendre à Genève pourront regarder les délibérations en direct, sur vidéo des Nations Unies.  Ces procédures seront traduites en plusieurs langues.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences faisait partie d’une coalition de la société civile qui a soumis son contre-rapport le 5 octobre 2017.  Notre coalition y a soulevé plusieurs points préoccupants.  Je me concentrerai sur deux d’entre eux :  tout d’abord, la question de l’accessibilité et puis, l’instauration des mécanismes nationaux de suivi de l’application de la CDPH. À l’heure actuelle, le Canada a émis des réserves dans deux secteurs, notamment sur l’article 33 – Application et suivi au niveau national.

Le Canada est actuellement en voie d’élaborer une loi nationale sur l’accessibilité; avec acharnement, les Canadiennes et les Canadiens en situation de handicap ont veillé à ce qu’elle couvre nos préoccupations et nos besoins.  Nous reconnaissons qu’en tant qu’acte législatif fédéral, cette loi n’aura pas nécessairement d’impact sur les lois provinciales et territoriales.  Nous pensons toutefois que le gouvernement fédéral pourra et devra produire une loi solide, tournée vers l’avenir et pouvant servir de modèle aux gouvernements provinciaux et territoriaux.   Le Conseil des Canadiens avec déficiences a coopté des partenaires pour former le groupe L’Alliance.  Ce groupe a organisé des tables rondes, des sondages et des entrevues afin de documenter les attentes des Canadiens dans cette nouvelle loi.  Ce qui est certain, c’est que les Canadiens demandent une loi exécutoire, ayant du mordant, et dans laquelle la définition du handicap reflètera celle stipulée dans la CDPH.   Et plus encore à mon avis, le Canada doit donner l’exemple et agir comme leader en matière de sensibilisation publique à l’accessibilité et à l’inclusion.  Parmi les recommandations que notre Coalition d’OPH a soumises aux Nations Unies pour l’UPE, notons :

• Que le Canada collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux en vue d’examiner les lois et politiques actuelles et prévues sur l’accessibilité afin de s’assurer qu’elles se conforment pleinement à l’article 9.
• Que le Canada incorpore l’article 9 de la CDPH dans l’élaboration de la loi nationale sur l’accessibilité, ou l’adopte, et prenne en compte de l’Observation générale no.2 du Comité des droits des personnes handicapées, portant sur l’accessibilité.
• Que le Canada s’assure que tous les paliers du gouvernement s’engagent à appliquer rigoureusement les exigences d’accessibilité enchâssées dans la Loi.
• Que le Canada s’assure que dans les systèmes de transports, les services de communications et d’information soient conçus et construits de manière à pouvoir être utilisés ou atteints par les personnes Sourdes, Sourdes-aveugles ou aveugles.
• Que le Canada s’engage à améliorer les services de télécommunication pour les services de texte 911 qui exigent un temps de réponse plus rapide entre un intervenant 911 et une personne Sourde afin d’observer l’équivalence fonctionnelle.
• Que le Canada s’assure que les télédiffuseurs soient obligés 1) de fournir une programmation sous-titrée aux auditoires francophones, de qualité et de quantité équivalentes à celle offerte aux auditoires anglophones, 2) d’offrir du sous-titrage en ligne et du contenu en audiodescription sur les sites Web et les médias sociaux et 3) d’améliorer leurs normes de qualité et d’assurer le sous-titrage et l’audiodescription de toute leur programmation.
• Que le Canada renforce le mandat des organes de réglementation pour leur permettre d’autoriser un déni de licence en cas de non-conformité aux normes et lignes directrices d’accessibilité.

Le gouvernement canadien a donc la possibilité de devenir un véritable chef de file dans l’univers des droits des personnes handicapées!  Certaines provinces et territoires pourraient hésiter à accorder la pleine jouissance de leurs droits à tous leurs citoyens.  Mais notre gouvernement fédéral peut et doit faire preuve de fermeté à ce sujet.  En ouvrant la voie, le gouvernement donne l’exemple, incitant les autres à le suivre, y compris les gouvernements provinciaux/territoriaux, les entreprises et les établissements.  Certes, l’application de la loi sur l’accessibilité est un processus compliqué et les   Canadiennes et les Canadiens en situation de handicap le reconnaissent.  Mais ils croient fermement en une loi rigoureuse et forte, qui donnera le ton pour les années à venir.

Le deuxième point, tout aussi important à souligner, est la mise sur pied d’un mécanisme de suivi national de l’application de la CDPH. C’était l’une des réserves du Canada lors de sa ratification de la Convention.  Les Canadiennes et les Canadiens en situation de handicap aimeraient bien que cette réserve soit supprimée et qu’un mécanisme soit instauré. L’article 33 stipule :

1. Les États Parties désignent, conformément à leur système de gouvernement, un ou plusieurs points de contact pour les questions relatives à l’application de la présente Convention et envisagent dûment de créer ou désigner, au sein de leur administration, un dispositif de coordination chargé de faciliter les actions liées à cette application dans différents secteurs et à différents niveaux.
2. Les États Parties, conformément à leurs systèmes administratif et juridique, maintiennent, renforcent, désignent ou créent, au niveau interne, un dispositif, y compris un ou plusieurs mécanismes indépendants, selon qu’il conviendra, de promotion, de protection et de suivi de l’application de la présente Convention. En désignant ou en créant un tel mécanisme, ils tiennent compte des principes applicables au statut et au fonctionnement des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme.
3. La société civile – en particulier les personnes handicapées et les organisations qui les représentent – est associée et participe pleinement à la fonction de suivi.

Le gouvernement devrait confier ce rôle de suivi à la Commission canadienne des droits de la personne et lui accorder les ressources conséquentes.  Et, tel que stipulé au paragraphe 33.3 de la CDPH, il devrait aussi allouer des ressources à la société civile.  Sans ce suivi, la CDPH ne pourra s’ancrer dans la trame de notre pays et apporter d’importants changements dans la vie des personnes handicapées.  Nous avons déjà connu ce scénario.  Nous avons été heureux d’apprendre que le ministre des Sports et des Personnes handicapées avait déposé un projet de loi pour ratifier ou signer le Protocole facultatif au mois de novembre.  Une avancée pour la jouissance de nos droits.  Le Protocole facultatif permet aux Canadiens de porter plainte au niveau international après avoir épuisé tous les recours nationaux. Mais pour éviter que cela se produise, le Canada doit donner l’exemple et garantir le suivi au niveau national afin que personnes en situation de handicap puissent s’attaquer à la discrimination, dans leur propre pays.  À cet égard, la Coalition des OPH pour l’ÉPU a recommandé entre autres :

• Que le Canada désigne la Commission canadienne des droits de la personne comme mécanisme indépendant de promotion, protection et suivi de l’application de la Convention.  Que des ressources supplémentaires lui soient attribuées afin qu’elle puisse adéquatement exercer ce rôle.
• Que le Canada prévoit des fonds pour aider les organisations de défense des droits des personnes handicapées à assumer leur rôle dans la planification, l’application et le suivi de la Convention. Il faudra particulièrement veiller à ce que les enfants et les jeunes handicapés, les autochtones en situation de handicap, les personnes Sourdes et les femmes handicapées aient suffisamment de ressources et de possibilités pour participer à ces efforts d’application de la Convention et de suivi.
• Que, par le biais des mécanismes actuels fédéraux-provinciaux-territoriaux et en consultation avec la collectivité des personnes handicapées, le Canada élabore et mette en vigueur un plan conjoint d’application de la Convention.

Certes, ce sont de grandes demandes que nous faisons au gouvernement canadien.  Mais nous les croyons réalisables avec un fort leadership.  Notre gouvernement actuel a déclaré qu’il voulait à nouveau assumer ce rôle de chef de file dans le domaine des droits de la personne.  Alors, en s’attaquant aux préoccupations de la collectivité des personnes en situation de handicap, il fera un pas de géant dans cette direction. La loi prévue sur l’accessibilité nous ouvre les portes.  Par conséquent, nous encourageons notre gouvernement à relever le défi et à prendre les devants.

Bonne Journée internationale des droits de la personne !

Jewelles Smith, présidente du Conseil des Canadiens avec déficiences.