Personnes handicapées : Ne plus être la population qui attend

Messages clés et commentaires

Mémoire du CCD au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA) de la Chambre des communes
Le 28 février 2013


Table des matières

 


Sommaire                                                                               

 

Introduction                                                                             

 

Les personnes handicapées : La population en attente         

 

Dix messages clés concernant l’emploi et les personnes
handicapées                                                                            

 

Conclusion                                                                               

 

Annexe 1 – Démographie                                                        

 

Sommaire

Le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) demande au gouvernement du Canada de se doter d’un plan stratégique quinquennal afin d’améliorer la représentation des personnes handicapées dans la population active canadienne et de faire en sorte que les personnes handicapées soient intégralement associées à la préparation de ce plan.

Le CCD recommande au Canada de veiller à ce que les mesures générales relatives à l’emploi soient accessibles et intègrent les personnes handicapées et qu’il y ait de solides investissements dans des mesures visant expressément les besoins particuliers des personnes handicapées. Il faudrait notamment investir pour les jeunes handicapés afin de les aider à faire la transition de l’école au travail, investir dans une gamme d’initiatives, par exemple le soutien à long terme, pour les personnes qui doivent affronter de multiples obstacles; investir davantage dans les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées et le Fonds d’intégration pour les personnes handicapées, ainsi que dans des mesures d’action positive. Ces mesures doivent inclure des modalités souples de financement pour les services et produits de soutien et l'adaptation.

Le CCD préconise qu'il y ait davantage de recherche, notamment des recherches en partenariat avec les organismes de personnes handicapées, pour combler le manque de connaissances concernant l’emploi et les personnes handicapées. Le CCD voit la nécessité de mener des recherches sur l’évolution de la nature du travail et la question de savoir si de nouveaux obstacles sont créés à l’endroit des personnes handicapées, ainsi que la raison pour laquelle les taux de participation des personnes handicapées aux programmes d’aide sociale augmente.

Pour mesurer précisément le succès de chaque initiative/ investissement, les indicateurs doivent être axés sur ceux dont les besoins sont plus complexes et qui font face à des obstacles multiples.

Le CCD presse le gouvernement fédéral d’être un employeur modèle de personnes handicapées, tant dans ses pratiques de recrutement que dans ses mesures d’adaptation à l’invalidité.

Le gouvernement du Canada a un programme clair concernant la population active, un programme où les personnes handicapées peuvent être parties prenantes. Nous sommes une population en attente, en attente que le gouvernement mette en œuvre des stratégies et des approches appuyant les personnes handicapées et les aidant à mettre en pratique leur compétence et leur expertise. En agissant ainsi, le gouvernement du Canada prouverait qu’il reconnaît et valorise la place des personnes handicapées dans ce pays.

Introduction

Le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) est une organisation nationale de défense des droits des personnes handicapées, œuvrant pour l’avènement d’un Canada accessible et inclusif.

La devise du CCD est « Cette voix qui est la nôtre », ce qui signifie que le CCD est un mécanisme par lequel les personnes handicapées peuvent se faire entendre des décideurs du Canada. Dans le présent mémoire, le CCD partage avec vous les réflexions personnelles des personnes handicapées afin d’aider les parlementaires dans leurs délibérations sur la façon d’aider les Canadiens handicapés à obtenir des emplois rémunérateurs. De plus, le CCD offre des recommandations stratégiques pour répondre aux préoccupations dégagées dans ces réflexions personnelles.

Les personnes handicapées : La population en attente
Message personnel et axé sur la politique

par Marie Ryan

Présidente du comité de la politique sociale du CCD

Je vais vous faire part de mes opinions et de mon point de vue sur ce que c’est que de vivre avec un handicap au Canada, en vous racontant en partie mon histoire qui, je me plais à le dire, ferait un bon feuilleton, compte tenu qu’on y trouve nombre des divers éléments nécessaires, y compris l’émotion, le drame, l’incertitude, le triomphe de l’esprit et du courage et ultimement, la réussite.

Je suis gestionnaire-conseil chez Goss Gilroy Incorporated (GGI) et je viens juste de terminer un mandat de huit ans à titre de présidente du Conseil des Canadiens avec déficiences, dont le principal objectif est de promouvoir l’égalité pour les personnes handicapées dans tous les aspects de la société canadienne, mais ce n’est pas là que je me serais imaginée il y a environ 20 ans, en 1987, à l'âge de 27 ans. Ma formation professionnelle à l’époque était celle d’une enseignante au niveau élémentaire et à l’école intermédiaire; j’ai travaillé environ six ans, avant d’être frappée par une maladie virale très rare et dévastatrice qui, faute d’une meilleure description, m’a écorché les nerfs et a fait de moi une paralytique en moins de quatre mois.

Il est important de signaler que la toute première leçon que j’ai apprise, lors de ma descente dans un monde inconnu, est que les handicaps ne font pas de discrimination. Les handicaps arrivent à quiconque, n’importe quand, à la naissance ou par une maladie ou une blessure, quel que soit notre statut économique, nos antécédents, notre santé, notre religion, notre orientation sexuelle et notre culture. À ce propos, ce n’est pas un groupe qui existe, il n’y a pas de « ceux là », les handicapés, car, à n’importe quel moment, n’importe quelle personne d’entre vous ou de votre famille, de vos amis ou collègues, et même leurs enfants, pourrait être de « ceux là ».

En juillet 1987, 10 jours après mon mariage, je suis entrée à l’hôpital et j’en suis sortie sept semaines plus tard et je n’ai pu remarcher que 10 ans plus tard. Dans l’intervalle, j’ai fait un voyage à la Clinique Mayo, pour consulter le spécialiste qui avait étudié à ce moment environ 40 personnes atteintes de ma maladie en Amérique du Nord et il m’a dit quelque chose d’intéressant : vous devez commencer à revenir dans la vie.

Cette pensée était écrasante, car tandis que je demeurais indépendante sur le plan de la pensée, j’étais pour tout le reste totalement dépendante des autres, de ma famille et de mes amis. Mon univers, la maison, la voiture, la ville, la province, étaient physiquement relativement inaccessibles, et en conséquence des points de vue et des attitudes moins que favorables de la part de ceux qui, je le croyais, étaient à même, par leur situation d’autorité, de m’aider, le monde m’apparaissait un peu comme un abîme. Ce n’est pas très différent de l’univers que connaissent nombre de personnes aujourd’hui, des parents qui font de leur mieux pour élever leurs enfants handicapés, des personnes qui grandissent avec leurs handicaps et/ou que des handicaps viennent frapper, et qui essaient de faire leur chemin dans un monde de systèmes complexes, intimidants et souvent peu coordonnés, dirigés par des gens qui ne voient tout simplement pas les réalités des personnes handicapées, mais qui sont guidées par des politiques non réceptives aux besoins de ces personnes.

En 1988, j’ai fait un arrêt respiratoire et je me suis retrouvée aux soins intensifs pendant quatre mois. Il en allait comme au début de mon invalidité – j’étais submergée par le « nuage de négativité » et on me ressassait encore et encore cette litanie : vous ne respirerez jamais par vous-même, vous ne marcherez jamais, vous ne travaillerez jamais, vous n’aurez jamais d’enfants. Par contre, dans chaque nuage, je voyais un ou deux rayons d’espoir, disposés à m’aider sur ma route vers une vie d’indépendance, vers le succès.

Lorsque la maladie et l’invalidité m’ont frappée, j’ai épuisé mes économies et suis devenue pauvre, et c’est une autre réalité pour nombre de ceux que l’invalidité frappe ou a frappé, et pour nombre de ceux qui grandissent avec un handicap et qui n’ont pas d'accès équitable aux études, qui ne disposent pas des services et produits de soutien nécessaire pour fréquenter les établissements postsecondaires, qui ne peuvent participer au marché du travail. Pour nombre de familles qui ont des enfants handicapés, leur réalité peut être faite de spécialistes, de réunions, de constantes demandes de soutien, sollicitant les systèmes pour obtenir le soutien nécessaire pour leur enfant et tout cela jalonné de factures menant à un gouffre financier.

L’une des priorités du CCD et, en fait, des organismes de l’ensemble du pays s’occupant des handicapés est de s’attaquer à l’état de pauvreté abjecte dans lequel tant de ces personnes vivent. Pouvez vous imaginer vivre avec moins de 8 000 $ par an, soit le plancher du taux de l’aide sociale dans notre pays actuellement?

Pouvez-vous imaginer être pauvre parce que les produits et services de soutien aux personnes handicapées dont vous avez besoin sont liés à l’aide au revenu et que si vous essayez de vous sortir de la pauvreté, vous n’avez pas les moyens d’obtenir ces produits et services d’aide aux personnes handicapées?

Lorsque je suis retournée chez moi au début des années 1990, je recevais des soins en permanence, car mon mari était à la faculté de médecine et je n’avais pas demandé à ma mère, vieillissante, de venir et de m'aider quotidiennement. Et pourtant, trop souvent, c’est cette attente que l’on impose aux membres de la famille.

Mon assurance a été épuisée en deux mois et ensuite, quoi donc? Je ne pouvais rien faire par moi-même et j’étais atteinte d’apnée du sommeil pendant cette période et parfois, ma respiration s’arrêtait, 30 à 40 fois par nuit, de sorte qu’un soutien 24 heures par jour était essentiel.

Et que dire de l’appel du sous-ministre de la province, qui disait en substance : Vous coûtez trop cher pour être maintenue à domicile; vous devez donc retourner en institution.

Vous savez quelle a été ma première réaction : pleurer. Et ensuite, j’ai appelé mon avocat qui estimait que je devais les écouter… et ensuite, j’ai appelé un autre avocat, qui était disposé à m’écouter, et puis, j’ai téléphoné à mes médecins, qui ne pouvaient pas être d’accord avec cette solution parce que entrer dans une institution équivalait pour moi à une sentence de mort, en raison de mon système immunitaire fortement déficient.

Imaginez-vous une femme de 85 livres, immobilisée, avec une trachéotomie, faisant la tournée des politiciens provinciaux. Par bonheur, j’étais scolarisée et j’étais même alors une excellente communicatrice et je ne me laissais pas repousser. Nombre de personnes handicapées vivent dans un contexte où elles ne peuvent avoir cette confiance et cette capacité et ont été marginalisées et exclues; elles n’ont pas l’énergie requise pour faire ce que j’ai fait. Et, pour être honnête, elles ne devraient pas avoir à le faire.

Je me suis assise à une table avec un groupe de ministres et quand j’ai entendu dire : la meilleure chose que puisse faire votre mari est de divorcer, afin de ne pas perdre tout son argent – je me suis reculée de la table et j’ai dit : « Aucun d’entre vous ne se soucie de moi, nous partons. »

Après des semaines de lutte, j’ai réussi à recevoir les services et produits de soutien dont j’avais besoin et j’en ai eu besoin pendant deux ans. Le traitement auquel j’ai eu droit des bureaucrates et politiciens insensibles m'a motivée, tout au long des années, à parler de mes expériences comme exemple de ce qui peut arriver lorsque des gens bénéficient d’un soutien approprié et ne sont pas simplement rejetés en raison d’une invalidité.

J’ai vécu sur l’aide sociale environ un an et demi. C’était plutôt démoralisant, mais adouci par ceux qui travaillaient dans les systèmes provinciaux de santé et de services sociaux, et qui s'efforçaient de comprendre mon point de vue. L’invalidité m’a volé ma mobilité, mais non mes compétences. Et pourtant, j’ai rapidement appris une leçon de vie, c’est-à-dire que pour, bien trop de gens, l’invalidité est ce qui vous définit.

Lorsqu’il a été établi que je serais institutionnalisée – alors, la question qui se posait était : qu’allais-je faire, du point de vue de ceux qui paient les factures, qu’allaient-ils faire de moi pour réduire leurs coûts. Vous savez, j’ai coûté pas mal d’argent au gouvernement au cours de ces deux années et, vous savez quoi, je ne m’en excuse pas. J’étais une citoyenne positive et qui payait ses impôts avant d'être handicapée, et il en a été ainsi pendant de nombreuses années depuis.

Alors, qu’est-ce que j’étais, une enseignante – enseigner dans mon fauteuil roulant, malgré mon agilité et ma mobilité réduites?

Si je laissais le soin de répondre à quelques-uns de ces gens du gouvernement qui dirigent des programmes à l’intention de personnes comme moi, j’aurais été placée en recyclage ou dans des cours de cuisine. Ce n’est pas exactement ce qu’il faut à une première de classe, à une diplômée boursière méritante et enseignante exceptionnelle, qu’en pensez-vous?

S’il vous plaît, n’oubliez pas qu’avoir des choix, ce n’est pas comme avoir le choix, si ces choix ne sont pas le moindrement appropriés dans votre cas, pour votre vie ou vos buts et objectifs.

Après quatre années de rétablissement difficile, j’ai refait les premiers pas dans la vie à la fin de 1991. Une pensée m’a frappée : le genre et l’ampleur de mon handicap m’empêcheraient de retourner à l’enseignement et peut-être serais-je condamnée à ne rien faire pendant le reste de ma vie car je n’avais pas d’autre formation – que pourrais-je faire d’autres?

Parlons d’autodépréciation – cela a peut-être été ma leçon la plus précieuse – trop fréquemment, nous glissons dans le piège de nous encarcaner d'après un diplôme, une profession ou un mode de vie, et pourtant, nous avons tant à offrir si nous tenons compte de notre combinaison de compétences et si nous nous demandons de quelle façon les mettre à profit.

J’ai rapidement appris que ma scolarité/mes capacités étaient précieuses pour la collectivité et, de la sorte, je suis entrée dans l’univers du bénévolat. Les personnes présentes dans la collectivité des handicapés étaient les experts – même si, après toutes ces années, je qualifie – mais j’avais la capacité nécessaire d’écrire, de parler et de formuler des stratégies, aptitudes requises pour tirer parti des connaissances de la collectivité et de faire servir cela à notre avantage collectif.

Fait intéressant à signaler, à l’époque où mes besoins étaient les plus grands, tandis que je luttais contre la bureaucratie gouvernementale, l’aide m’est venue de la collectivité des personnes handicapées – dans une certaine mesure, je leur dois ma renaissance dans ma nouvelle vie. Ces gens m’ont aidée aux moments les plus sombres. Ils ne m’ont pas définie par mon invalidité, mais ont plutôt vu qui j’avais été, qui j’étais et qui je pouvais devenir.

La variété de mon travail comme bénévole dans la collectivité m’a donné confiance en moi, la certitude que je pouvais suivre divers cheminements professionnels, comme j’en avais eu initialement l’intention. J’ai siégé à des conseils de la santé, conseils de développement économique, conseils communautaires – c’était une époque où j’étais constamment occupée. Mon expérience de l’enseignement, ma force dans l’utilisation de la langue anglaise, ma personnalité sociable, mon don de la parole, m’ont amenée à préparer des ateliers et des trousses de formation et d’animation.

En revenant dans le monde du travail - au départ, je travaillais pour des organismes s’occupant des personnes handicapées - j’ai réalisé que, contrairement à mes quatre années noires de rétablissement, nombre de personnes handicapées se débattent interminablement et, dans certains cas, perdent le potentiel de toute une vie en raison d’un manque de produits et services de soutien pour handicapés dont elles ont besoin pour devenir pleinement des citoyens participants. Vous voyez que, même maintenant, après toutes ces années et après avoir connu autant de succès, je me repose sur trois produits importants de soutien pour personnes handicapées, ma canne, ma marchette et mon fauteuil roulant, dans lequel je retombe tout simplement, à la fin de mes très longues journées.

Mais revenons quelques instants à mon incursion dans le monde du travail en tant que personne handicapée – que m’auriez-vous offert, en voyant cette femme dans un fauteuil roulant – auriez-vous vu un actif, une occasion ou auriez-vous plutôt vu mes limites en raison de celle que vous avez vue et de l'état dans lequel elle était?

Vous seriez-vous interrogés sur mes aptitudes et capacités, en voyant mes handicaps? M’auriez-vous dirigée vers le programme destiné à « ceux là » ou auriez-vous vu en moi une personne qui pouvait faire sa part et devenir un membre essentiel de la fonction publique?

Bref, ou suis-je allée? Mes compétences et aptitudes ont été canalisées par un travail de consultant indépendant, de mon fauteuil roulant et malgré ma mobilité limitée. De là, je suis devenue échevin à St. John’s. Bien sûr, je reconnais que c’était décidément un tournant étrange dans ma vie, car je dois avouer que j’étais totalement apolitique avant d’être handicapée. Mais ce sont les paroles d’une autre personne de la collectivité, qui m’a dit que je ferais un bon modèle de rôle pour les jeunes souffrant d’une invalidité, pour leur faire voir que rien n’était hors de portée de leurs rêves et cela m’a amenée à essayer, et à ma grande surprise, j’ai été élue.

Ce fut pour moi une époque d’étonnement, de surprise, car j’ai rapidement appris les rouages internes d’un sanctuaire politique et je soupçonne que, collectivement, nous pourrions nous échanger des histoires. Toutefois, à mesure que j’apprenais, ceux qui étaient autour de moi apprenaient aussi, tant à l’échelon politique qu’à celui des fonctionnaires. Dans le mandat suivant, je me suis portée candidate sans opposition au poste de pro-maire. À l’époque où j’ai fait de la politique municipale, j’ai eu de nombreuses possibilités d’influer sur l’environnement physique et les politiques publiques concernant l’invalidité. J’étais l’illustration vivante, et même « roulante », de ce qu’il était possible de faire.

En 2001, j’ai quitté la politique, car le seul poste qui me restait était celui de maire et puisque mes deux enfants étaient à la maternelle et en première année, j’ai choisi de leur offrir une plus grande disponibilité pour leurs premières années, au lieu de consacrer mon temps à d'interminables soirées, inaugurations, événements, déjeuners, etc., vous savez comment cela fonctionne!

Je suis revenue encore une fois à la profession de consultant et, il y a deux ans, je me suis aussi jointe à GGI en tant que gestionnaire conseil, en travaillant à partir de St. John’s.

Alors, pourquoi ont-ils recruté cette femme handicapée, qui avait besoin d’un bureau sans obstacle, qui parfois devait travailler de chez elle, qui n’entre pas au bureau si c’est trop glissant ou verglacé. Je puis vous garantir que ce n’est pas par charité ou en vertu d'une politique voulant qu’ils doivent le faire. Personne, dans mon univers, ne dit « Marie White » et « cette pauvre femme handicapée » dans la même phrase. On dira plus probablement de moi que j’ai des compétences étonnantes, de vastes connaissances, que je suis bien connue et respectée dans l’ensemble de la collectivité, dans le milieu gouvernemental et dans le secteur privé.

On vous parlerait de la femme handicapée qui voyage beaucoup, pour le travail et pour le plaisir. Cette femme qui vient d’avoir 50 ans l’an dernier et qui est allée en Roumanie pour fêter, oui, tout simplement pour fêter. Et ici encore, une histoire s'est répandue. Puisque j’étais une anomalie dans ce pays, une personne handicapée utilisant une marchette, comme je le fais quand je voyage. J’adore marcher, et j’ai été une grande enthousiasme des sports avant mon handicap et je marche deux milles par jour et je voyage – donc au total, cela fait peut-être cinq ou six milles par jour.

Bucarest était une ville qui se sortait tant bien que mal d’années d’oppression et je suppose que les personnes handicapées sont enfermées chez elles ou en institutions. Puisque j’ai failli être mise en institution, je puis vous garantir que j’estime que ce n’est pas comparable au foyer de qui que ce soit. Est-ce que vivre dans une chambre, partager une chambre, pendant toute votre vie, pouvez-vous dire que cela est votre chez-vous? Ne supposez pas que c’est correct dans le cas de personnes handicapées car, en fait, ce ne l’est pas.

Pourquoi vous ai-je raconté mon histoire? Peut-être pour vous dresser un tableau des réalités qui existaient et de celles qui perdurent encore.

Nombre de personnes handicapées sont encore reléguées dans un « ailleurs » de la société, un ailleurs qui a des incidences sur leur progrès, leurs perspectives, leur scolarité et ainsi, sur leur emploi. Certains d’entre nous doivent encore faire face à des rôles tout tracés – pour les personnes handicapées, même aujourd’hui, on parle encore trop souvent des « programmes pour vous ». Certains d’entre nous luttent encore contre les idées désuètes, par exemple savoir où est la place d’une personne, mais la vérité est que chacun a sa place quelque part.

Les personnes handicapées sont ce que j’aime appeler la « population en attente » – qui attend d’être vue comme un élément intégral du tissu de notre pays.

Nombre de personnes handicapées ont bénéficié des améliorations intervenues dans l’ensemble des systèmes, notamment l’institution de programmes provinciaux de lutte contre la pauvreté, certaines mesures fiscales, une attention accrue aux mesures physiques d’accessibilité, la création de la Commission sur la santé mentale et du Régime enregistré d’épargne-invalidité, sans oublier les améliorations concernant l’accès au PPIRPC, et l’orientation accrue vers des handicaps plus nombreux et plus variés, mais il reste encore beaucoup à faire.

Il ne fait pas de doute que les changements progressifs que nous avons constatés depuis 40 ans sont intervenus parce que les personnes handicapées se sont exprimées et ont exigé des améliorations. La collectivité des personnes handicapées a été le catalyseur du changement.

Avec la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDDPH), nous croyons que nous entrons dans une nouvelle époque où la priorité, l’attention et les interventions seront axées sur la promotion, la protection et la garantie d’une jouissance pleine et égale de la totalité des droits humains et des libertés fondamentales pour toutes les personnes handicapées et la promotion du respect à l’égard de leur dignité inhérente. La CDDPH est ce que nous attendons de neuf.

Nous savons que les choses ne peuvent changer du tout au tout. La CDDPH porte sur la concrétisation progressive et nous sommes tous bien conscients que nos droits ne seront pas pris en considération tous en même temps. Mais il est également vrai que nous croyons que nous devons progresser en ce sens plus vite que nous ne l’avons fait au cours des 50 dernières années, car le gradualisme implacable ne suffira tout simplement plus.

La CDDPH veille à une orientation sur l’invalidité au-delà des services traditionnels et, de la sorte, tous doivent voir dans l’optique de l’invalidité. Au-delà de l’orientation interministérielle, soyons clairs : l’invalidité est absolument non partisane. Elle transcende les lignes de ce que nous définissons comme la politique, les plateformes qui distinguent chaque partie l’un de l’autre. Il y va de notre responsabilité collective de faire que la citoyenneté sociale, économique, culturelle et politique soit accessible et inclusive pour tous les citoyens de notre pays.

Vous avez un rôle de leadership à jouer, sans égard à votre titre, à votre travail, sans égard à votre orientation politique ou à vos ambitions : vous pouvez apporter une contribution importante en faisant en sorte que notre pays soit inclusif et accessible.

En terminant, j’aimerais simplement vous rappeler le fait que toutes les personnes de ce pays qui sont nées avec un handicap, celles qui vivent actuellement avec un handicap et celles que l’invalidité frappera à l’avenir, ne deviendront pas nécessairement une meneuse ou un meneur bien connu, fougueux, s’exprimant bien et maintenant vieillissant mais, par le Ciel, chacune de ces personnes mérite d’avoir la possibilité de participer et d’arriver à ce qu’elle peut être de mieux.


Dix messages clés concernant l’emploi et les personnes handicapées préparés par le Comité de politique sociale du CCD

Ainsi que l’expliquait Marie Ryan dans le premier chapitre, des Canadiens attendent depuis des années d'avoir un accès équitable au marché du travail. Le Comité de politique sociale du CCD a préparé les messages qui suivent concernant l’emploi afin de faire ressortir où doivent se produire des changements, afin que les Canadiens handicapés aient la possibilité de devenir des membres de la population active rémunérée canadienne.

1. Le gouvernement du Canada doit préparer un plan stratégique quinquennal pour répondre aux besoins d’emploi des personnes handicapées. Le ministre Finley devrait créer un petit comité consultatif technique afin d’obtenir l’intrant de la collectivité dans la préparation de ce plan stratégique.

2. Il faudrait accorder la première priorité en matière de nouveaux investissements aux jeunes (18 à 30 ans) en transition, qui passent de l’école au travail.

3. Il faut mettre en place toute une gamme d’initiatives et de mécanismes de soutien, notamment les services et produits de soutien à plus long terme pour ceux dont les besoins sont plus complexes (p. ex. handicaps multiples, expérience accrue de la discrimination, Autochtones et femmes). Les régimes actuels de responsabilisation pénalisent ceux dont les besoins sont complexes.

4. Il faut entreprendre des recherches sur l’évolution de la nature du travail et la question de savoir s’il se crée de nouveaux obstacles pour les personnes handicapées. Les indicateurs de mesure du succès doivent tenir compte des personnes dont les besoins sont plus complexes et qui font face à de multiples obstacles.

5. Les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées et le Fonds d’intégration doivent être maintenus et élargis jusqu’à ce que des ressources désignées et des cibles pour l’emploi des personnes handicapées soient établies dans le cadre des Ententes sur le marché du travail conclues avec les provinces et les territoires. Il faut établir des indicateurs de rendement, dans les mécanismes de rapport de ces ententes, afin de faire ressortir les initiatives d’emploi concernant les personnes handicapées.

6. Les obstacles actuels à l’emploi sont bien étudiés et bien connus depuis des années et RHDCC doit créer un rapport convivial faisant ressortir les obstacles actuels et, dans la mesure du possible, les pratiques exemplaires pour surmonter ces obstacles.

7. De 2005 à 2010, on a observé une hausse de 38 % du taux de participation des personnes handicapées aux programmes d’aide sociale. Il faut amorcer des recherches afin de préciser les raisons de ce phénomène.

8. Pour réussir, il est essentiel d’apporter des adaptations appropriées, mais au-delà des adaptations, les personnes handicapées ont besoin de programmes d’action positive afin que l'on crée des incitatifs au travail. Les initiatives actuelles d’équité en matière d’emploi n’ont pas relevé le taux de participation des personnes handicapées dans la population active.

9. Le gouvernement doit donner l’exemple et être un employeur modèle.

10. Les initiatives visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées doivent être davantage « axées sur la carrière ».


Observations du CCD sur les messages clés

Plan stratégique quinquennal (message 1)

Le CCD voit des lacunes dans la façon dont les politiques d’emploi sont préparées, ainsi que dans les programmes d’emploi mis à la disposition des personnes handicapées : l’élaboration des politiques se déroule en silos; on observe un manque de coordination entre les programmes fédéraux et provinciaux de prestations et de services; on observe un manque de programmation axée sur la clientèle; les services sont morcelés et il n’y a pas de mécanisme d’intervention rapide pour empêcher un détachement du marché du travail.

Pour répondre à ces préoccupations, le CCD recommande la préparation d’un plan stratégique quinquennal. Pour être efficace, ce plan doit transcender notre approche classique, morcelée et réactive aux handicaps. Il doit comporter des plans exhaustifs à court et à long terme et des mesures décisives pour créer un contexte national dans lequel les personnes handicapées peuvent, en nombre représentatif, devenir des employés. Les organismes de personnes handicapées ont été mobilisés dans l’exécution de la programmation d’emploi s’adressant aux personnes handicapées depuis les années 1970 et cette compétence est essentielle à l’élaboration d’un plan susceptible de réussir. Ainsi, le CCD recommande que le ministre Finley crée un petit comité consultatif technique de représentants d’organismes auto-représentatifs des personnes handicapées.



Investissement solide dans une approche sur deux plans concernant l’emploi des personnes handicapées (messages 2, 3, 5, 8 et 10)

Le CCD préconise une double approche pour répondre aux préoccupations en matière d’emploi des personnes handicapées. En plus des programmes d’emploi habituels, il doit exister un second jeu de programmes répondant aux besoins particuliers des personnes handicapées. Dans les messages 2, 3, 5, 8 et 10, nous avons indiqué certaines des premières mesures à prendre en vue de la réforme.

Faire des jeunes handicapés (18 à 30 ans) en transition de l’école au travail une priorité d’investissement (message 2) – L’investissement dans les jeunes handicapés passant de l’école au travail est essentiel pour veiller à ce que ces jeunes handicapés ne deviennent pas en permanence coupés du marché du travail. Il faut notamment se soucier des jeunes femmes handicapées, des jeunes Autochtones ou membres des Premières Nations handicapés, ainsi que des jeunes ayant des déficits intellectuels, car ils font face à des obstacles sur le marché du travail.

Dans l’article qui suit, Yvonne Peters, avocate, décrit de quelle façon l’investissement dans la formation en cours d’emploi l’a aidée à faire la transition vers l’emploi.

Le programme de formation en cours d’emploi m’a ouvert la porte à une carrière étonnante et intéressante

Par Yvonne Peters

Tout au long du secondaire, on m’a encouragée à aller jusqu’à l’université. Je n’ai jamais mis en doute cette idée et en fait, j’avais de grands rêves de carrière professionnelle après mes études. Lorsque ce jour est arrivé, au milieu des années 1970, j’ai été pour le moins étonnée. Le monde du travail était truffé de stéréotypes, fausses conceptions et attitudes tout simplement négatives concernant le potentiel d’un employé aveugle.

J'ai constaté une chose importante. J’avais toujours cru qu’en tant que personne, je pouvais dissiper tout malentendu à propos de la société et prouver que j’étais compétente et capable. Par contre, j’étais totalement non préparée aux croyances écrasantes et enracinées qu’entretenaient les employeurs à propos des aveugles.

Les employeurs avec lesquels j’ai pu discuter ne se sont pas informés de mes qualifications ou de ma scolarité. Au lieu de cela, ils s’inquiétaient de quelle façon je trouverais le chemin des toilettes, de savoir qui voudrait déjeuner avec moi et si je serais en sécurité! Ils m’ont parlé de leurs parents âgés et à quel point la vie était difficile pour eux lorsqu’ils ont perdu la vue. On m’a conseillée de m’adresser à l’INCA, où on savait comment aider les aveugles. Ces derniers mots ont suscité chez moi une résistance et une rage intenses et ont peut-être allumé la flamme à l’origine de ma sensibilisation politique aux droits de personnes handicapées.

Par un heureux hasard, j’ai entendu parler d’un poste de conseillance téléphonique au centre de ressources communautaire de Saskatoon. Je me suis présentée au directeur et j’ai découvert que c’était un Américain ayant fui la conscription et qui avait quelques opinions politiques assez progressistes concernant le développement communautaire. Il s’est intéressé à mes antécédents, mais peut-être encore plus au fait que je pourrais être admissible à une subvention de formation en cours d’emploi, de sorte que cette petite organisation économiserait peut-être un peu d’argent.

Et de la sorte, j'ai été recrutée et placée sur un programme de formation en cours d’emploi cofinancé par mon employeur et le gouvernement de la Saskatchewan. Cette occasion est devenue le ticket dont j’avais besoin pour entrer dans le monde du travail et commencer mon parcours professionnel. J’ai appris des techniques quotidiennes du travail, comme m’entendre avec les collègues et comment concevoir des stratégies pour surmonter les obstacles dans le milieu de travail. Mais l’atout le plus considérable que j’ai acquis dans cette période a été d’apprendre à travailler avec de nombreux groupes communautaires, tous œuvrant pour faire de ce monde un meilleur endroit où vivre. Cela a donné naissance à ma conscience sociale, m’a fait voir les niveaux d’inégalité et m’a lancée sur un cheminement professionnel axé sur le travail social et les lois relatives aux droits de la personne.

Grâce aux nombreuses personnes qui ont cru en moi, j’ai connu une carrière étonnante et intéressante. Par contre, ma plus profonde gratitude va à Bruce McKee qui, motivé par un solide sens de la justice et peut-être quelques dollars de formation en cours d’emploi, m’a donné la chance de prouver que j’étais capable de gagner ma croûte et de contribuer à la société.

« Soutiens » à long terme nécessaires (message 3) – Les personnes handicapées qui doivent surmonter de multiples obstacles sont mal servies par les politiques et services actuels en matière d’emploi. Les organismes qui fournissent des services d’emploi aux personnes handicapées existent dans un contexte de concurrence en matière de financement et subissent des pressions constantes pour afficher des résultats concernant le nombre de personnes servies avec succès. Cela mène à un « écrémage » où les personnes handicapées qui ont besoin d’interventions et de produits de soutien à long terme pour être prêtes à l’emploi sont celles qui sont les moins susceptibles d’être sélectionnées comme participantes au programme. 

Il faut créer une programmation d’emploi s’adressant expressément aux personnes ayant des besoins complexes, aux personnes ayant de multiples handicaps et/ou aux personnes handicapées qui doivent surmonter de multiples formes de discrimination (femmes, nouveaux arrivés, GBLT, Autochtones/membres des Premières nations). Les organismes de prestation des services des personnes handicapées sont bien équipés pour offrir des services et produits de soutien à long terme aux personnes handicapées qui doivent surmonter de multiples obstacles, car ils n’étiquettent pas les personnes handicapées, mais au contraire, ils travaillent en fonction des objectifs fixés par la personne elle-même.

Prestations de maladie de l’AE – La maladie chronique est une réalité de la vie pour nombre de femmes canadiennes. Malheureusement, la prestation actuelle pour maladie de l’AE n’offre que 15 semaines de garantie. Le CCD invite depuis longtemps le gouvernement fédéral à prolonger la période de garantie à 52 semaines.

La réforme des prestations de maladie de l'AE est un aspect clé de la stratégie nationale sur l'invalidité de la collectivité canadienne des personnes handicapées pour lutter contre la pauvreté chez les Canadiens handicapés, car ceux-ci sont presque deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les Canadiens non handicapés. Plus d'une centaine d'organismes canadiens ont signé le Plan d'action national pour les personnes handicapées de mettre fin à l'exclusion, où on trouve notamment la recommandation visant la prolongation des prestations de maladie de l'AE à 52 semaines. En donnant suite à cette recommandation, le gouvernement fédéral pourrait contribuer de façon importante à l’autonomie économique des femmes handicapées au Canada. Offrir un soutien aux personnes vulnérables devrait être la première priorité du gouvernement du Canada, au cours de cette récession économique.

Renforcer les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées (EMTPH) et le Fonds d’intégration et améliorer la façon dont les Ententes sur le marché du travail répondent aux besoins des personnes handicapées (message 5) – À long terme, le CCD souhaite l’établissement de cibles précises pour les Canadiens handicapés dans les Ententes sur le marché du travail négociées avec les provinces. Il faut des cibles précises pour garantir la reddition de comptes.

À court terme, le CCD souhaite qu’augmentent les investissements dans les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées et le Fonds d’intégration. Le CCD souhaiterait que le Canada dépense autant dans les programmes relatifs au marché du travail pour les personnes handicapées que des pays comme le Danemark et la Suisse, où le taux d’emploi des personnes handicapées est plus élevé qu’au Canada.

Adaptation et action positive nécessaires (message 8) – Dans son chapitre, Marie Ryan nous a fait part de ses réflexions personnelles sur le besoin d’adaptation et de souplesse. À titre d’exemple, Mme Ryan a décrit de quelle façon les employeurs ont apporté des adaptations lui permettant de travailler chez elle lorsqu’elle a besoin de cette possibilité. L’option de travailler à la maison est une adaptation essentielle pour les personnes atteintes de maladie chronique et d’incapacité périodique. Nombre de groupes de la collectivité des personnes handicapées ont mentionné la nécessité d’une plus grande souplesse.

Dans son mémoire « Policy Brief Re: Study on Economic Security on Women with Disabilities », le RAFH Canada a demandé des réformes qui permettraient à plus de travailleurs handicapés de récolter les avantages de modalités de travail souples (c.-à-d. horaires, travail à domicile, etc.). Le Groupe de travail canadien sur VIH et la réadaptation a demandé, à l’intention des personnes atteintes d’incapacités périodiques, des adaptations dans le milieu de travail et dans les programmes de prestations.

Dans cet exposé, le CCD se concentre sur une approche à l’action positive qui, à un certain moment, a été très bénéfique pour les personnes handicapées. Lorsque le Programme de réadaptation professionnelle des invalides (PRPI) a été refondu pour devenir le Programme d’aide à l’emploi pour les personnes ayant une déficience, pour devenir ensuite les Ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées, les caractéristiques d’action positive du PRPI ont été souvent mises de côté. Le PRPI offrait un soutien complet aux personnes handicapées tandis qu’elles poursuivaient leurs études et leur formation. Dans une interview récente, Jim Derksen, ancien directeur exécutif du Bureau des personnes handicapées (gouvernement du Manitoba), formulait les observations suivantes à propos de la valeur de l’approche adoptée dans le PRPI :

Intervieweur : Le PRPI a-t-il été un élément qui compte dans votre scolarité? Jim : Dans mon cas, oui. Si je n’avais pas eu l’aide du PRPI, je ne serais probablement pas allé à l’université, car je suis d’une famille à très faible revenu. Mon père, lui-même handicapé, a été hospitalisé pendant plus de la moitié du temps sur une période de 20 ans. Ma famille a été assez longtemps sur l’aide sociale, n’ayant pas de soutien de famille. Ni ma famille ni moi n’auraient pu m'offrir ce qu’il faut pour que j’aille à l’université. Le PRPI m’a offert des fonds pour les allocations de subsistance, les frais de scolarité, les livres et le transport. Le PRPI a fait toute la différence entre faire ou non des études post-secondaires. Il était très important de disposer d’une ressource spécialisée à l’intention des personnes qui, au cours de leurs études, ont à assumer des coûts supplémentaires pour invalidité.

Le type de soutien dont parlait M. Derksen a fait en sorte que des personnes handicapées n’ont pas eu à commencer leur carrière avec une lourde dette sur le dos.

Initiatives axées sur la carrière (message 10) – Comme l’a si éloquemment expliqué Marie Ryan dans son chapitre, les personnes handicapées ne doivent pas être aiguillées vers des emplois de bas niveau sur la base d’attitudes stéréotypées concernant leurs capacités. L’Association des Sourds du Canada déclarait : Nous préconisons un partenariat solide entre le gouvernement et les organisations de sourds afin qu’ils collaborent et aident les Canadiens sourds à devenir plus employables et à s’orienter vers des postes professionnels et de direction.
Combler les lacunes au niveau des connaissances (messages 4, 6 et 7)

Un élément positif et stratégique serait que le gouvernement du Canada adopte une approche dualiste pour s’attaquer aux lacunes de connaissances dans ce domaine. Tout d’abord, RHDCC devrait entreprendre ses propres recherches. De plus, le gouvernement fédéral devrait investir dans les partenariats communautaires / universitaires de recherche. À l’époque de la Stratégie nationale pour l’intégration des personnes handicapées, dans les années 1990, le Conseil de recherches en sciences humaines disposait d’un petit programme de financement à la recherche sur l’intégration économique des personnes handicapées. Il serait opportun que le gouvernement du Canada crée un autre flux ciblé de financement de la recherche sur l’emploi des personnes handicapées.

Le CCD a dégagé quelques premières étapes en matière de recherche : l’évolution de la nature du travail et l’identification des nouveaux obstacles, les pratiques exemplaires pour surmonter les obstacles, l’« assistancialisation » de l’invalidité, l’établissement d’indicateurs de succès à l’intention de ceux qui ont des besoins complexes et qui doivent surmonter de multiples obstacles, et la collecte de données sur la participation des handicapés au marché du travail, selon les groupes, l’âge et le sexe.

Le gouvernement fédéral devrait être un employeur modèle (message 9)

Le gouvernement du Canada est l’un des plus grands employeurs du pays et doit faire preuve de leadership concernant l’emploi des personnes handicapées en devenant un employeur modèle, à la fois dans ses pratiques de recrutement et dans ses mesures d’adaptation aux handicaps. Les personnes handicapées devraient être représentées à tous les paliers du secteur public, car elles possèdent les aptitudes et habiletés nécessaires pour occuper avec succès une vaste gamme de postes.

L’un des groupes membres du CCD, l’Alliance for Equality of Blind Canadians (AEBC), a recommandé que le gouvernement fédéral fasse de la fonction publique l’employeur modèle que nous voulons qu’il soit. Depuis un an environ, on constate un nouvel engagement à recruter des membres des minorités visibles dans la fonction publique fédérale. L’AEBC appuie les initiatives de ce genre et croit qu’il faut mettre en place une stratégie analogue, énergique et ciblée, afin d’augmenter la représentation des personnes handicapées.

Pour une plus grande sensibilisation aux pratiques exemplaires, le gouvernement du Canada pourrait organiser un sommet national axé sur les pratiques exemplaires.

Conclusion

Le gouvernement du Canada s’est doté d’un programme clair concernant le marché du travail, un programme auquel peuvent participer les personnes handicapées. Nous sommes une population en attente, en attente que le gouvernement mette en œuvre des stratégies et des approches soutenant et aidant les personnes handicapées à mettre en pratique leurs compétences et leur expertise. En intervenant ainsi, le gouvernement du Canada prouverait qu’il reconnaît et apprécie à sa juste valeur la place des personnes handicapées dans notre pays – au bout du compte, nous ne sommes pas « CEUX LÀ », nous sommes VOUS!

 

Annexe 1 – Démographie

Le saviez-vous…

Handicap et sexe

Parmi les Canadiens sans handicap en âge de travailler, la moitié sont des femmes (50,3 %) tandis que leur pourcentage est légèrement plus élevé pour les Canadiens handicapés en âge de travailler (53,2 %).

La scolarité, l’emploi et l’aide sociale – Les femmes tendent à assumer la responsabilité de l’éducation des enfants et du soin des personnes âgées et sont plus susceptibles d’être des parents seuls et d’avoir moins de possibilités d’occuper un emploi stable et bien payé. Il est donc plausible de s’attendre à ce que les femmes handicapées soient plus susceptibles que les hommes de vivre dans des ménages à faible revenu. D’après les données, les femmes handicapées sont en fait légèrement plus susceptibles que les hommes handicapés de vivre sous le seuil de la pauvreté (21,3 % comparativement à 19,6 % respectivement).

Cela dit, chez les femmes handicapées en âge de travailler et vivant dans des ménages à faible revenu, près de quatre sur dix (38,6 %) n’ont pas leur certificat d’études secondaires et une seulement sur quatre (24,2 %) travaille dans une entreprise ou a un emploi. Chez les femmes non handicapées, 17,5 % seulement n’ont pas de certificat d’études secondaires et, en majorité, elles ont un emploi (70,7 %).

Chez les femmes handicapées en âge de travailler vivant dans des ménages à faible revenu, la moitié (49,5 %) d’entre elles ont touché de l’aide sociale au cours des 12 derniers mois, comparativement à moins de une sur dix (8,6 %) chez celles dont le revenu du ménage est supérieur au SFR (seuil du faible revenu).

Études secondaires et postsecondaires chez les personnes handicapées
Les personnes handicapées en âge de travailler sont plus susceptibles de n’avoir pas d’attestation officielle de scolarité, même pas un diplôme d’études secondaires, que les personnes non handicapées (27,4 % et 18,3 % respectivement) et sont aussi moins susceptibles d’avoir un diplôme universitaire ou un certificat (13,2 % comparativement à 20,7 %).

Invalidité, faible revenu et niveau maximal d’études

En général, sans égard au niveau de scolarité atteint, les personnes handicapées demeurent environ deux fois plus susceptibles que les personnes non handicapées de vivre avec un faible revenu.

À titre d’exemple, 28,7 % des personnes handicapées qui n’ont pas de certificat d’études secondaires se situent dans des ménages à faible revenu, comparativement à 14,2 % de leurs homologues non handicapés. Le rapport du simple ou double des taux de faible revenu entre les personnes handicapées et celles non handicapées est analogue dans le cas des personnes ayant un certificat d’études secondaires (20,2 % comparativement à 11,1 %), un certificat professionnel ou un diplôme (17,8 % comparativement à 9,2 %) ou un certificat ou diplôme collégial (17 % comparativement à 8,3 %).

Toutefois, l’écart diminue, si les personnes handicapées ont un grade, un diplôme ou autre certificat d’une université. Dans ce cas, 12,4 % des personnes handicapées et 8,2 % de leurs homologues non handicapés vivent avec un faible revenu, soit un écart de 1,5 fois au lieu du double en matière de pauvreté.

Expériences aux études et invalidité

Les personnes en âge de travailler vivant sous le SFR et qui sont devenues handicapées avant de terminer leur scolarité officielle sont plus susceptibles que leurs homologues vivant au-dessus du SFR de faire état de difficultés dans leurs études.

Ces difficultés sont notamment de commencer les études plus tard que leurs pairs du même âge (18,1 % comparativement à 8,3 %), de changer d’école en raison de leur handicap (23,3 % comparativement à 15,6 %) et de changer de programme d’études en raison de leur handicap (24,7 % comparativement à 17,2 %).

Ce groupe est plus susceptible que le groupe comparable vivant au dessus du SFR d’avoir éprouvé diverses formes de séparation ou de ségrégation dans le système d’enseignement. Ainsi, ces personnes sont plus susceptibles d’avoir fréquenté des écoles spéciales ou des classes spéciales dans les écoles (25,8 % comparativement à 17,9 %), d’avoir fait une partie de leurs études à la maison (14,8 % comparativement à 10,5 %) et d’avoir quitté leur collectivité pour fréquenter l’école en raison de leur handicap (16,3 % comparativement à 8,6 %).

En outre, les membres de ce groupe sont plus susceptibles que leurs homologues vivant au-dessus du SFR de mentionner qu’ils ont eu des frais de scolarité supplémentaires en raison de leur handicap (14,4 % comparativement à 10,5 %). De plus, ils sont plus susceptibles d’avoir subi des interruptions dans leurs études (36,5 % comparativement à 19,8 %) et à avoir suivi moins de cours qu’ils ne l’auraient fait s’ils n’avaient pas eu un handicap (39,3 % comparativement à 22,4 %). Ces facteurs se conjuguent pour faire en sorte que la probabilité, pour ce groupe, de déclarer qu'il leur a fallu plus longtemps pour atteindre leur niveau actuel de scolarité (44,3 % de ceux vivant sous le SFR comparativement à 24,5 % pour les personnes vivant au-dessus du SFR).

Malgré la probabilité plus grande d’avoir de la difficulté à se scolariser, les personnes qui étaient handicapées avant de terminer leur formation scolaire sont plus susceptibles de retourner à l’école pour parfaire leur formation si elles vivent en-dessous du SFR (31,9 %) de ceux qui vivent au-dessus du SFR (21,6 %).

Formation liée au travail

Pour les personnes handicapées, vivre avec un faible revenu est associé à un manque d’accès à une formation liée au travail.

À titre d’exemple, chez les personnes handicapées qui travaillaient à un certain moment entre 2001 et 2006, 10 % seulement de celles qui ont reçu une formation scolaire ou axée sur leur emploi actuel mentionnent un faible revenu, comparativement à 19,6 % de leurs homologues handicapés qui n’ont pas bénéficié de cette formation.

Situation sur le marché du travail

Selon Statistique Canada, les personnes handicapées sont constamment moins susceptibles d’avoir un emploi que les personnes non handicapées; en 2006, 51,3 % des personnes handicapées en âge de travailler avaient un emploi, comparativement à 75,1 % des personnes non handicapées. Toutefois, la moitié seulement des personnes handicapées hors de la population active mentionnent que leur handicap les empêche totalement de travailler et nombre de celles qui se sentent totalement empêchées de travailler doivent surmonter des obstacles sociaux et économiques à l’emploi, en plus de leur handicap lui-même.

Le faible taux d’emploi des personnes handicapées est en partie responsable de la plus grande prévalence de pauvreté qui est leur lot. Même les personnes handicapées qui ont un emploi sont plus susceptibles d’avoir un faible revenu que les personnes non handicapées (11 % c. 7,3 %). De plus, chez les personnes handicapées qui ne travaillent pas, le taux de faible revenu est 1,5 fois plus élevé que chez leurs homologues non handicapés.

Selon l’EPLA (Enquête sur la participation et les limitations d’activités), 33,4 % des personnes handicapées à faible revenu n’ont pas travaillé dans les 12 mois précédant l’EPLA et ont ou travaillé avant 2005 ou n’ont jamais travaillé. Comparativement, il en était ainsi pour 23,7 % des personnes non handicapées vivant dans des ménages à faible revenu.

Les personnes handicapées à faible revenu étaient presque deux fois plus susceptibles de travailler à temps partiel pour la plus grande partie de l’année (40 à 48 semaines) comparativement à leurs homologues non handicapés (27 % et 14,9 % respectivement).

Type de milieu de travail

Le niveau de faible revenu des personnes handicapées qui ont un emploi est faible pour les 32,4 % qui travaillent pour un employeur exploitant plus d’un endroit et ayant plus de 500 employés et pour les 32,1 % qui sont syndiqués ou autrement protégés par une convention collective.

Il s’agit-là de conditions idéales pour relever la probabilité de vivre au dessus du SFR : dans le cas des travailleurs handicapés dont le milieu de travail répond à ces conditions, le taux de faible revenu n’est que de 3,8 %. Toutefois, ces conditions ne s’appliquent qu’à environ une personne handicapée sur cinq qui a un emploi (18,4 %).

Pratiques d’emploi discriminatoires

Dans l’EPLA, on demandait aux répondants qui faisaient partie de la population active à un certain moment de 2001 à 2006 s’ils avaient fait l’objet de discrimination en matière d’emploi en raison d’un handicap, pendant ces années. Par discrimination, on entendait : se voir refuser une entrevue d’emploi, un emploi ou de l’avancement, se voir accorder moins de responsabilités que les collègues, se voir refuser l’adaptation du milieu de travail ou des prestations d’emploi, être rémunéré moins que les autres collègues faisant un travail comparable et être exposé à d’autres types de discrimination au niveau de l’emploi.

Les personnes qui ont dit avoir été victimes de ce genre de discrimination sont deux fois plus susceptibles de vivre avec un faible revenu que celles qui n’ont pas eu ce genre d’expérience, à savoir 22,4 % comparativement à 12,7 %.