Notes d'allocution pour la Journée internationale de la femme

Yvonne Peters
8 mars 2011

Bonne Journée internationales à toutes! Je vous remercie de me permettre de vous exposer quelques unes de mes observations personnelles sur la reconnaissance des droits des femmes avec des déficiences. Rien ne serait plus propice en effet que de profiter de ce centième anniversaire de la JIF pour souligner les réalisations des femmes handicapées. Il n’y a pas très longtemps, ces femmes étaient invisibles au sein de la société ainsi que chez les défenseurs des droits des personnes avec des limitations fonctionnelles et chez les défenseurs de l’égalité des sexes. Mais nous voilà aujourd’hui, au Palais législatif du Manitoba, en train de célébrer les femmes handicapées. Et du fond du cœur, je félicite le ministre Howard pour avoir facilité cet événement historique.

Au cours des années 1970, alors que j’étais encore une jeune femme, j’ai été passionnée et inspirée par le mouvement féministe qui commençait à se propager au Canada. Par des réunions, des conférences, des manifestations et des protestations, nous avons réclamé notre droit à l’autonomie. Et c’est ainsi, que les jeunes pousses du féminisme se sont développées passionnément et profondément dans ma vie. Mon vécu au sein du mouvement féministe et le fait que nos droits ne doivent jamais être pris pour acquis, m’ont amené à m’intéresser à la protection et la promotion sociétales des droits de la personne; cela a accru mon désir de devenir une avocate spécialisée en ce domaine.

Le mouvement canadien de défense des droits des personnes handicapées a pris son envol presque en même temps que le mouvement féministe. Les revendications des deux mouvements étaient analogues. À leur tour, les personnes handicapées réclamaient le droit à l’égalité, le droit de contrôler leur vie et de prendre leur propre décision ainsi que le droit à une participation citoyenne sur le même pied d’égalité que les autres.

Si je pouvais facilement m’associer au mouvement féministe, il n’en était pas de même pour le mouvement de défense des droits des personnes handicapées. Je croyais en effet que si j’essayais suffisamment fort, je pourrais seule, combattre les stéréotypes négatifs et les obstacles inhérents à ma déficience. Puis, un jour, j’ai appris que nous avions des lois sur les droits de la personne et que ces lois interdisaient toute discrimination fondée sur le sexe mais pas sur la déficience. Et c’est ainsi que je suis devenue une partisane acharnée du mouvement de défense des droits des personnes handicapées.

Malgré mon enthousiasme et mon soutien pour ces deux mouvements de défense des droits, aucun des deux ne traduisait ni ne comprenait ma réalité en temps que femme handicapée. Les questions liées au genre relevaient du mouvement féministe tandis que les questions de déficience étaient carrément reléguées au mouvement de défense des droits des personnes handicapées. Mais mon genre et ma déficience sont inter- dépendants et répartir mes expériences dans ces deux catégories distinctes n’était pas chose facile. Par conséquent, de concert avec de nombreuses autres femmes handicapées, j’ai demandé aux deux mouvements de reconnaitre les effets composés du genre et de la déficience. Au tout début, ce fut un exercice frustrant et décourageant. Le mouvement féministe allégua un surcroit de travail pour s’attaquer aux questions liées au genre et le mouvement de défense des droits de personnes handicapées affirma que l’analyse féministe n’avait rien à voir avec les droits des personnes avec des déficiences. Mais comme c’est souvent le cas chez gent féminine, les femmes handicapées prirent l’affaire en main et au début des années 1980 et lancèrent leur propre organisation: le RAFH-Canada. Trente ans plus tard, c’est toujours une voix importante pour les femmes handicapées. Au Manitoba, nous avons maintenant DAWN Manitoba. Permettez-moi de remercier Laurie Helgason et Emily Ternette ainsi que toutes les autres femmes de DAWN Manitoba du travail remarquable qu’elles effectuent pour que les femmes handicapées soient entendues et inclues dans tous les secteurs de la société manitobaine.

Au Canada, le RAFHC a aidé à optimiser l’image des femmes handicapées et a suscité une meilleure compréhension de ces deux mouvements de défense des droits. Aujourd’hui, les femmes handicapées ne sont plus aussi invisibles. D’autre part, le mouvement féministe et le mouvement de défense des droits des personnes handicapées collaborent de plus en plus à l’avancement des droits des femmes avec des déficiences.

À l’instar de nombreuses personnes en quête de droits, les femmes handicapées ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’obtenir l’égalité réelle. La pauvreté est pour elles un écrasant fardeau. Mais elles ont remporté de petites victoires, notamment au niveau politique. Ainsi, la Convention relative aux droits des personnes handicapées contient à présent un article stipulant expressément les droits des femmes avec des limitations fonctionnelles. À maintes reprises, la Convention fait référence aux filles, aux femmes et aux questions de genre.

J’ai également constaté des avancées dans mon domaine. J’ai eu le privilège de travailler à la mise en place d’une maternité communautaire qui ouvrira ses portes cet été à Winnipeg. Et je suis très heureuse de vous annoncer qu’elle sera accessible aux femmes handicapées qui voudraient y accoucher ou y travailler ou y faire du bénévolat.

Sur le plan juridique, j’ai travaillé sur de nombreux dossiers pour lesquels des organisations de femmes et des organisations de femmes handicapées ont collaboré afin de promouvoir une définition complète et inclusive de l’égalité. Ainsi, lorsque la CSC s’est penchée sur le premier cas de droit à l’égalité relevant de la Charte, le Conseil des Canadiens avec déficiences et le FAEJ se sont alliés pour, ensemble, persuader la Cour de définir l’égalité de manière progressive et effective, ce qui a bouleversé notre conception de l’égalité au Canada. Et cette semaine-ci, le CCD et le FAEJ, cherchent à obtenir la qualité d’intervenants pour convaincre la CSC de confirmer le droit d’une femme ayant une déficience intellectuelle qui a été sexuellement agressée par l’ami de sa mère et qui s’est vue refuser la possibilité de témoigner parce que le juge a questionné sa déficience et sa capacité de dire consciemment la vérité. De telles situations mettent en évidence les énormes obstacles auxquels sont confrontées les femmes handicapées. Ce qui me rasure, c’est que je sais que les organisations de femmes et les organisations de personnes handicapées s’acharnent à éliminer ces obstacles et y travaillent conjointement.

Je vous remercie.