Politiques sociales en matière de handicap au Québec : quelques tendances et enjeux actuels

par Léonie Archambault

Sous la direction de Lucie Dumais et Yves Vaillancourt

Janvier 2013


AVANT PROPOS

En 2008, à l’initiative du Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD), une alliance de recherche universités-communautés (ARUC) a été mise sur pied grâce à un financement quinquennal d’un million de dollars accordé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSHC). L’Alliance de recherche, désignée sous le titre «Disabling poverty/Enabling citizenship», regroupe plusieurs organismes communautaires et universités canadiennes dans un partenariat ayant pour objectif ultime de formuler des recommandations visant à diminuer la pauvreté des personnes handicapées au Canada et d’améliorer les politiques les concernant. Cette ARUC, dirigée par Yvonne Peters du CCD et par Michael J. Prince de l’Université de Victoria, est structurée autour de quatre thèmes de recherches, soit :

  1. Pauvreté et exclusion (profil démographique des personnes handicapées au Canada) ;
  2. Sécurité du revenu et politique sociale (analyse des programmes de revenu ainsi que des mesures fiscales et de soutien) ;
  3. Pauvreté/déficience/égalité (Charte canadienne des droits et libertés, lois, politiques et jurisprudences pour la défense des droits économiques et sociaux);
  4. Réforme politique : rôle de l’État et de la société dans la réduction de la pauvreté chez les personnes handicapées[1].

Au sein de l’ARUC, notre équipe québécoise, affiliée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et au Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS), a été mandatée pour travailler sur les thèmes 2 et 4. C’est ainsi que, fidèles au cadre théorique propre au LAREPPS, nous nous sommes principalement penchés sur des politiques fédérales et provinciales associées au revenu et à l’emploi dans une perspective de participation sociale des personnes handicapées au Québec

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Table des matières


INTRODUCTION

Au Québec, les années 2000 ont vu naître plusieurs lois et politiques visant, entre autres, à favoriser la diminution de la pauvreté chez les personnes handicapées. Notre équipe de recherche s’est intéressée, dans le cadre de l’ARUC «Disabling poverty/Enabling citizenship», aux conditions d’émergence de ces lois et politiques, à leur mise en œuvre, ainsi qu’à la manière dont celles-ci sont perçues par les acteurs impliqués dans le champ du handicap.

À travers nos travaux précédents, nous avons cherché à mettre en lumière l’intérêt de certaines politiques sociales en matière de lutte contre la pauvreté et d’insertion professionnelle pour les personnes ayant une incapacité. Ainsi, nos recherches nous ont permis de mettre en relief qu’au Québec, les années 2000 ont été marquées par une tendance générale de diminution progressive du taux de pauvreté, particulièrement pour certaines tranches de la population, telles que les familles avec enfants. De leur côté, les personnes handicapées demeurent le groupe le plus fortement touché par la pauvreté, avec des gains très modestes en matière de diminution de la pauvreté au cours de la même période (Aubry, 2012). D’autre part, nos travaux portant sur l’emploi et la participation sociale des personnes ayant une incapacité nous ont permis d’illustrer comment certaines politiques en vigueur peuvent favoriser l’emploi des personnes handicapées, et comment le travail salarié peut, à certaines conditions, contribuer à une amélioration substantielle des conditions financières pour ce segment de la population (Archambault, Dumais et Vaillancourt, 2011).

Le présent rapport fait suite à nos recherches et analyses antérieures avec lesquelles il s’inscrit en continuité, tout en visant à proposer un éclairage complémentaire en ce qui a trait aux politiques sociales en matière de handicap et à leur évolution au cours des dernières années.

La première partie de ce document est vouée à une mise en contexte méthodologique et théorique. Il s’agit, d’une part, de préciser le type de sources utilisées et la manière dont nous les avons traitées. Ensuite, il convient de présenter le cadre conceptuel de la co-construction selon Vaillancourt (2009 et 2012), dans le but d’asseoir solidement l’éclairage théorique guidant en grande partie nos analyses. Dans la deuxième partie du présent rapport, nous développons certains sujets à partir des thèmes ayant retenu notre attention lors d’entretiens auprès d’informateurs clés. Ainsi, nous abordons les questions associées au revenu, au travail et aux coûts supplémentaires reliés aux situations de handicap. De plus, nous observons certains enjeux associés aux processus de production et de mise en œuvre des politiques publiques en matière de handicap. Enfin, en troisième partie, nous développons quelques pistes de réflexion concernant le contexte québécois et la manière dont ses particularités influencent la construction et la mise en œuvre des lois et politiques sociales dans le domaine du handicap et de la pauvreté.

1. Considérations théoriques et méthodologiques

1.1 Considérations théoriques

La notion de participation sociale fait partie des préoccupations théoriques du LAREPPS (Proulx, 2008). En effet, les recherches qui y ont été menées sont caractérisées, d’une part, par un intérêt pour les initiatives du tiers secteur[2] qui favorisent la participation sociale des personnes au quotidien en facilitant l’accès au travail, au loisir, à l’éducation, au logement, etc. D’autre part, le LAREPPS accorde aussi une grande importance à la participation des personnes (et des organismes du tiers secteur qui les représentent) dans la sphère politique et dans la construction des politiques sociales qui les concernent.

Il nous paraît important de rappeler ici que c’est en 1996 que des acteurs de la société civile, notamment des représentants du tiers secteur, ont été invités pour la première fois, à titre de partenaire socio-économique, à participer aux délibérations dans le cadre du Sommet de l’Économie et de l’Emploi. Cette «innovation politique» (Larose et al., 2005) marque un pas historique sur le plan de la reconnaissance de l’apport du tiers secteur en matière de co-construction des politiques sociales.

Le concept de co-construction est utilisé par Vaillancourt (2009) pour aborder certains processus de conception des politiques publiques. Pour mieux comprendre le modèle de la co-construction, Vaillancourt propose de l’opposer d’abord à celui de la «monoconstruction», dans lequel un État autoritaire et hiérarchique construirait seul les politiques publiques, se considérant comme unique responsable de leur élaboration, dans une conception classique de démocratie représentative. Dès lors que l’État s’ouvre à la participation d’acteurs non étatiques (ceux du marché du travail ou ceux de la société civile) dans la conception des politiques publiques, il est possible de distinguer trois formes de co-construction. Tout d’abord, la co-construction néolibérale des politiques réfère à une pratique de collaboration entre l’État et les représentants du secteur privé, dans une logique favorisant la compétition au sein de l’économie de marché. La co-construction corporatiste, pour sa part, est définie comme une forme de coopération entre l’État, les partenaires du marché, et la société civile. Elle est toutefois caractérisée par une représentation inéquitable entre les agents du marché et les acteurs sociaux, certains groupes se trouvant favorisés en fonction d’intérêts particuliers. Enfin, la co-construction démocratique et solidaire est présentée comme un processus de délibération, un dialogue à travers lequel l’État demeure l’acteur central, tout en s’ouvrant à l’apport des autres acteurs, évitant ainsi de se placer en position d’autosuffisance. En adoptant une vision plurielle de l’économie (impliquant les acteurs sociaux) et en concevant des espaces de délibération favorisant un compromis entre la démocratie participative et la démocratie représentative, l’État reconnaît les acteurs du tiers secteur comme partenaires, ce qui leur permet de conserver un certain niveau d’autonomie (Vaillancourt, 2009).

En somme, notre perspective théorique s’attache à faire ressortir le rôle du tiers secteur dans la participation sociale des personnes, tant dans les sphères microsociale (au quotidien) que macrosociale (au niveau de la construction des politiques publiques qui les concernent).

1.2 Considérations méthodologiques

Dans le but d’enrichir notre compréhension et notre analyse concernant l’évolution des politiques sociales associées au handicap et à la pauvreté au cours de la dernière décennie, nous avons, d’une part, recueilli le point de vue de cinq informateurs clés. Trois de ceux-ci sont associés au milieu communautaire, un autre est impliqué dans domaine de la recherche, et enfin, un des informateurs est issu du secteur paragouvernemental.

Les personnes rencontrées ont été invitées à nous parler de leur perception des impacts liés aux mesures mises en place depuis le début des années 2000 (ou depuis l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en 2002) en matière de revenu, de travail, et de participation sociale pour les personnes handicapées. Nous avons demandé aux informateurs clés de nous parler du rôle des personnes handicapées (et des organismes qui les représentent) dans la définition et la construction des politiques sociales les concernant. Nous les avons aussi questionnées sur le fonctionnement des instances de consultation et sur les modes de représentation des intérêts des personnes ayant une incapacité. Le canevas d’entretien de base (voir Appendice A) a été adapté, selon le cas, pour s’adresser de manière pertinente aux divers informateurs questionnés. Quatre informateurs clés ont été rencontrés dans le cadre de trois entretiens qui ont eu lieu entre juin et août 2011. Un informateur a préféré répondre au canevas d’entretien par écrit et nous a transmis ses réponses au mois d’avril 2012.

D’autre part, nous avons aussi consulté des publications produites par certains organismes clés dans le champ du handicap (tel que l’Office des personnes handicapées du Québec [OPHQ] et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec [COPHAN]) dans le but de mieux saisir le pouls des enjeux d’actualité en matière de politiques publiques associées aux personnes ayant des incapacités.

Enfin, nous avons procédé à une recension sélective de divers types de publications (livres, cahiers de recherche, articles, littérature grise, etc.) qui nous ont permis de mettre en perspective ou en contexte les discours recueillis dans le but d’en faire une analyse plus avisée.


2. Revenu, travail, compensation et politiques publiques en matière de handicap

Dans le cadre de nos entretiens, nous avons cherché à recueillir l’opinion d’informateurs clés en ce qui a trait aux impacts des programmes et mesures visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion chez les personnes handicapées depuis le début des années 2000. Nous souhaitions savoir si des résultats avaient été observés par les acteurs sur les plans du revenu, de la participation sociale et de la co-construction démocratique des politiques sociales en matière de handicap au cours des douze dernières années. Il ne s’agissait pas pour nous d’évaluer l’impact réel des politiques, programmes et mesures en vigueur, mais bien de connaître la perception des personnes interrogées concernant les effets de ces politiques, programmes et mesures. L’analyse des contenus d’entrevues nous a permis de répondre à notre question de recherche initiale. En effet, nous avons constaté que les informateurs clés rencontrés n’avaient pas été en mesure d’observer d’amélioration significative concernant la pauvreté et la participation sociale des personnes handicapées, soit parce qu’ils considéraient que la situation n’avait pas évolué, soit parce qu’ils jugeaient ne pas être en mesure de se prononcer sur cette question. Ceci dit, la nature flexible et ouverte de notre canevas d’entretien nous a permis de nous intéresser, lors des entrevues, à divers thèmes qui ont émergé et qui nous sont apparus comme faisant partie intégrante des considérations d’actualité propre à la communauté des personnes handicapées du Québec. Ainsi, ces thèmes nous ont permis de mieux orienter nos recherches documentaires afin de faire avancer notre réflexion concernant certains enjeux contemporains en matière de politiques sociales et de handicap.

2.1 Soutien du revenu, travail et compensation

À travers les entrevues effectuées et la littérature consultée, certains thèmes associés au revenu, au travail et à la compensation des coûts supplémentaires assumés par les personnes handicapées ont retenu notre attention. Ainsi, nous abordons à travers les pages suivantes : 1) les principaux programmes de soutien du revenu fédéraux, provinciaux et privés ainsi que les disparités qui les caractérisent, 2) certains enjeux économiques associés à l’insertion professionnelle en fonction de différents programmes de soutien du revenu, 3) les perspectives en matière de compensation des coûts supplémentaires assumés par les personnes handicapées, 4) une proposition du Caledon Institute visant à remédier à certains problèmes associés au faible revenu des personnes ayant de graves incapacités, aux coûts supplémentaires assumés par ces personnes, et aux lacunes en termes de services et de mesures de soutien et 5) certaines pistes de solution pouvant contribuer à diminuer la pauvreté et à favoriser la participation sociale des personnes ayant des incapacités.

2.1.1 Les programmes de soutien du revenu

Au Québec, les personnes handicapées entre 15 et 64 ans sont proportionnellement plus nombreuses que les personnes sans incapacité à vivre sous le seuil de faible revenu. Alors que 12% des personnes sans incapacité étaient membres d’un ménage vivant sous le seuil de revenu en 2006, ce pourcentage s’élevait à 32 pour les personnes ayant une incapacité (Camirand et al., 2010, p.102). En outre, les personnes handicapées sont deux fois moins nombreuses à occuper un emploi que les personnes sans incapacité (OPHQ, 2009, p. 17). Ce constat nous oblige à nous questionner sur les sources de revenus de cette tranche de la population. Tout d’abord, il apparaît primordial de mentionner qu’au Québec, le soutien du revenu pour les personnes handicapées peut émaner d’une ou de plusieurs sources fédérales ou provinciales. Les principaux programmes de soutien ou de remplacement du revenu pour les personnes ayant une incapacité sont l’aide financière de dernier recours (Programme d’aide sociale ou Programme de solidarité sociale), le régime des rentes du Québec (RRQ), l’assurance-emploi (A-E), les assurances salaires ou pensions d’invalidité privées, les indemnités de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST), les indemnités de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), et les pensions d’invalidité d’Anciens combattants Canada (ACC). Le tableau 1 permet de se familiariser avec les particularités propres à ces programmes.

Tableau 1 : Programmes de soutien du revenu et caractéristiques associées (2012)
Province Caractéristiques
Compétence Montant pour un adulte Revenus de travail autorisés Autres services ou avantages associés
Aide financière de dernier recours Aide sociale Provinciale 589$ par mois 200$ par mois Carnet de réclamation : Couvre certains médicaments et certains services dentaires et optométriques.
Solidarité sociale (contrainte sévère à l’emploi) Provinciale 896$ par mois 100$ par mois
Régie des rentes du Québec (RRQ) Provinciale Selon les cotisations 1000$ par mois ----
Assurance-emploi (A-E) Fédérale 55% de la rémunération moyenne assurable pendant 15 semaines (max : 485$ par sem.) 59% de la rémunération normale ----
Assurances privées Privée Selon contrat Selon contrat Selon contrat
Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) Provinciale 90% du revenu (max : 66000$ par année) et/ou Autres indemnités selon le cas Selon le cas Frais d’assistance médicale (soins, traitements, médicaments, prothèses, aides techniques, etc.) + Frais de déplacement pour soins médicaux
Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) Provinciale 90% du revenu (max : 66000$ par année) et/ou Autres indemnités selon le cas Selon le cas Frais de garde, aide à domicile, soins, médicaments, prothèses, adaptation domicile, équipement, réadaptation professionnelle, etc.
Pensions d’invalidité d’Anciens combattants Canada (ACC) Fédérale Selon la gravité et le lien avec le service Selon le cas Frais médicaux, réadaptation, réadaptation professionnelle, etc.

Tel qu’illustré au tableau 1, le niveau de revenu associé aux différents programmes varie considérablement. De plus, certains programmes sont assortis d’un soutien en matière de services ou de matériel, alors que d’autres ne le sont pas.

Les programmes d’inspiration bismarckienne[3] offrant une protection de type assurantielle associée au statut de travailleur sont généralement les plus généreux en termes de remplacement de revenu et de services couverts.

Pour leur part, les programmes d’aide financière de dernier recours s’adressent plutôt aux personnes dont le statut préhandicap ou la cause du handicap ne sont pas couverts par un régime de type assurantiel (par exemple, les personnes nées avec une incapacité ou les personnes qui ont développé une incapacité avant de pouvoir bénéficier des assurances associées au statut de travailleur). Ces programmes de dernier recours (ou d’assistance) fondés sur la solidarité et financés par l’impôt général sont cependant conditionnels à la démonstration du besoin et de l’absence de ressources. Ils proposent généralement des prestations assez faibles. En effet, les programmes d’aide financière de dernier recours offrent un revenu bien en deçà de la Mesure du panier de consommation, celle-ci se situant, pour une personne seule au Québec, autour de 14 000$ par année[4].

De la même manière, Blais et al. (2005) distinguent la logique de compensation «assurancielle» et la logique propre à l’équité sociale. Si la première cherche à replacer un individu dans la situation financière et sociale préalable à l’apparition de l’incapacité, la deuxième tend à favoriser l’égalité des chances, sur la base du principe de solidarité sociale.

Les disparités au sein des différents régimes provinciaux et fédéraux en matière de soutien du revenu pour les personnes handicapées soulèvent des questions quant à l’hétérogénéité des formes de soutien en fonction de la cause de l’incapacité.

2.1.2 L’accès au travail

Au Québec, le travail à temps plein peut améliorer considérablement le niveau de revenu des personnes handicapées (Archambault, Dumais et Vaillancourt, 2011). En effet, la hausse du salaire minimum, les avantages fiscaux provinciaux et fédéraux s’adressant spécifiquement aux personnes handicapées, ainsi que le soutien prodigué par de nombreux organismes du tiers secteur spécialisés en employabilité constituent des facteurs incitatifs pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Toutefois, nos travaux antérieurs sur le sujet (Archambault, Dumais et Vaillancourt, 2011) ainsi que les entrevues effectuées dans le cadre de la présente réflexion nous permettent de mettre en lumière certains facteurs pouvant désinciter les personnes handicapées à s’intégrer au marché de l’emploi.

Premièrement, les politiques en vigueur ne favorisent pas l’emploi à temps partiel, dans la mesure où elles ne le rendent pas très lucratif. Si de nombreuses personnes handicapées souhaitant occuper un emploi sont dans l’incapacité de le faire à temps plein en raison de leurs limitations fonctionnelles, peu d’entre elles peuvent tirer profit d’un emploi à temps partiel. D’une part, la combinaison d’un revenu de travail à temps partiel avec un programme de soutien du revenu n’est pas toujours avantageuse. En effet, le régime d’aide financière de derniers recours ne permet pas aux bénéficiaires de la Solidarité sociale (contrainte sévère à l’emploi) d’accumuler des revenus de plus de 100$ par mois sans voir leur chèque diminué d’autant. Pourtant, les prestataires de l’aide sociale (sans contrainte ou avec contrainte temporaire à l’emploi) sont, eux, autorisés à gagner des revenus de travail de 200$ avant que leur chèque mensuel ne soit entamé. D’autre part, si l’on considère qu’en quittant le régime de Solidarité sociale et en travaillant 20 heures par semaine au salaire minimum, une personne gagnera à peine plus d’argent qu’en conservant sa prestation de Solidarité sociale[5], il va sans dire que le travail à temps partiel paraît peu alléchant. D’autant plus qu’en raison de son faible revenu, la personne sera dans l’impossibilité de profiter des crédits d’impôt non remboursables pouvant contribuer à rendre le travail plus payant.

Deuxièmement, la perte du carnet de réclamation au-delà d’un revenu de 1500$ par mois agit comme un facteur désincitatif à l’emploi. Ce barème de 1500$ a été établi en 1997. Or, le salaire minimum se situant actuellement à 9,90$ de l’heure (comparativement à 6,65$ en 1997), cette limite exclut de plus en plus de personnes handicapées qui tentent de s’intégrer au marché du travail.

Troisièmement, les personnes qui s’intègrent en emploi avec l’aide de la mesure Contrat d’intégration en emploi (CIT) ou au sein d’une entreprise adaptée sont automatiquement exclues de la mesure Supplément de retour au travail. Or, l’aide financière de 500$ accordée par le biais de cette mesure visant à aider les prestataires de l’aide financière de dernier recours à assumer les frais relatifs à l’insertion en emploi (vêtements, transport, etc.) peut faire une grande différence pour les personnes qui abandonnent le soutien du revenu.

En conclusion, mentionnons que certaines personnes vivant avec d’importantes limites sur le plan de l’autonomie fonctionnelle nécessitent un accompagnement quasi constant pour pouvoir participer socialement par le biais d’un emploi. Or, en postulant que le travail et l’enrichissement qui en découle contribuent à minimiser certains coûts sociaux (Conseil national du bien-être social, 2011), des programmes favorisant plus d’accompagnement pour les personnes ayant des incapacités s’avèreraient rentables pour l’ensemble de la société.

2.1.3 Les coûts supplémentaires spécifiques et généraux assumés par les personnes handicapées

Outre le soutien du revenu et le travail, un autre thème important a retenu notre attention dans le cadre de nos entrevues. En effet, la question de la compensation des coûts supplémentaires assumés par les personnes handicapées était au cœur des préoccupations des intervenants rencontrés. Ceux-ci expliquent que les coûts supplémentaires assumés par les personnes handicapées peuvent se présenter sous deux formes. Les coûts supplémentaires spécifiques sont faciles à reconnaître : il s’agit par exemple des frais engendrés par des besoins en termes de soins médicaux, de médicaments, d’aides techniques, de services, etc. Les coûts supplémentaires généraux, pour leur part, sont plus difficiles à cerner. Un intervenant interrogé proposait deux exemples. Premièrement, il mentionnait que certaines personnes ayant une incapacité doivent trouver des logements répondant à certains critères précis. Dans certains cas, ils doivent être au rez-de-chaussée, et dans d’autres cas, ils doivent être près de certains services, tels qu’une épicerie par exemple. En raison de ces besoins particuliers en termes de logement, les personnes doivent parfois débourser des sommes plus importantes pour se loger. Pour deuxième exemple, cet intervenant ajoute qu’une personne handicapée se trouvant dans l’incapacité physique de repeindre elle-même son logement devra nécessairement recourir aux services d’un peintre, engageant ainsi des frais incontournables qui auraient pu être évités par une personne sans incapacité. Dans ces deux cas, les frais supplémentaires ne s’appliquent pas uniformément à toutes les personnes ni à toutes les situations. Ces frais sont difficiles à évaluer et à compenser adéquatement.

Actuellement, les gouvernements provinciaux et fédéraux offrent des services, du matériel ainsi que des avantages fiscaux visant, dans la plupart des cas, à compenser les coûts supplémentaires spécifiques que doivent assumer les personnes handicapées. Il existe aussi quelques avantages fiscaux visant à compenser les coûts supplémentaires généraux, tels que le Crédit d’impôt pour personnes handicapées (au fédéral) et le montant pour déficience grave et prolongée (au provincial). Or, ces crédits d’impôt sont non-remboursables, ce qui veut dire qu’ils sont déduits de l’impôt à payer du contribuable. Ils ne peuvent donc pas profiter aux personnes qui ne paient pas ou qui paient peu d’impôt. Ainsi, les personnes les plus démunies (les salariés à faible revenu ainsi que les personnes ne percevant pas de revenu de travail) ne peuvent profiter de ce crédit d’impôt. Ajoutons que ces crédits d’impôt permettent aux personnes de déduire des montants de 7341 $ (CIPH) et de 2420 $ (montant pour déficience grave et prolongée), ce qui, à travers le jeu de l’impôt, leur permet en fait de récupérer un maximum d’environ 1400 $ en tout (Rose, 2012).

Les réflexions sur la compensation des coûts supplémentaires assumés par les personnes handicapées vont bon train depuis déjà de nombreuses années. Le thème de la compensation existait déjà au moment de la parution de la Politique d’ensemble À part… égale, en 1984, et plusieurs travaux dont ceux de Blais, Gardner et Lareau (2004) ont paru depuis, sans toutefois avoir mené à des changements importants concernant les mesures ou programmes en la matière. Actuellement, les questions associées à la compensation équitable font à nouveau partie intégrante des débats dans le domaine des politiques sociales s’adressant aux personnes handicapées. Dans ce contexte, un comité sur la compensation équitable est en place depuis l’été 2010, à l’initiative de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN). Dans l’ensemble, ce comité cherche à améliorer le soutien du revenu pour les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi, à compenser les coûts supplémentaires généraux en bonifiant les crédits d’impôt (fédéral et provincial) pour personnes handicapées et en les transformant en crédit d’impôts remboursables, et enfin, à offrir une meilleure couverture en ce qui a trait aux besoins spécifiques et variables des personnes handicapées (Zawilski, 2011).

À l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), le thème des coûts supplémentaires spécifiques et généraux est à l’ordre du jour dans le cadre de la publication de la Politique À part entière en 2009. Pour atteindre plus de solidarité et d’équité, la politique vise en effet une compensation adéquate des coûts supplémentaires assumés par les personnes en situation de handicap. Depuis, l’OPHQ s’est vu confier la responsabilité de piloter un comité interministériel ayant pour but d’élaborer des solutions concernant la compensation des coûts supplémentaires que doivent assumer les personnes handicapées (Gouvernement du Québec, 2010). Dans le cadre de ces travaux, l’OPHQ a entre autres remis au LAREPPS le mandat d’une recherche visant à mieux cerner les coûts supplémentaires généraux non couverts par les programmes publics actuels.

La définition des coûts supplémentaires généraux ainsi que les modes de compensation qui permettraient d’alléger le fardeau des personnes handicapées sont à l’heure actuelle encore un casse-tête pour les chercheurs, les intervenants et les décideurs qui travaillent sur ce dossier. Comment compenser des coûts supplémentaires engendrés par des handicaps différents et dont la sévérité varie selon les cas ? Tel que nous l’avons mentionné, divers travaux sont en cours en ce moment pour tenter de déterminer plus précisément quels sont les coûts supplémentaires généraux que doivent assumer les personnes handicapées.

En ce qui concerne les coûts ou les besoins spécifiques qui sont pour plusieurs déjà reconnus et compensés, certains informateurs clés mentionnent que les services publics sont parfois rigides et/ou inégaux en fonction des régions. De plus, les personnes handicapées ne bénéficient pas des mêmes services ou compensations spécifiques, selon qu’elles soient prestataires de programmes de la SAAQ, de la CSST, d’assurances privées, de l’aide financière de dernier recours, de l’assurance-emploi ou du régime d’invalidité de la RRQ (voir tableau 1). Dans ce contexte, on peut parler d’une disparité de la compensation en fonction de la source du handicap (de naissance ou suite à un accident de la route, par exemple).

Dans le cadre des entrevues que nous avons effectuées avec certains informateurs du milieu, il est apparu que pour plusieurs, la compensation des coûts supplémentaires doit se faire sans égard au revenu. Selon eux, pour être équitable, la compensation des coûts supplémentaires doit tenir compte des dépenses générées par le handicap, et non du niveau ou des sources de revenus.

2.1.4 La proposition du Caledon Institute

Dans l’optique de répondre aux préoccupations de la communauté en matière de revenu et de compensation des coûts supplémentaires pour les personnes

handicapées, une proposition de Plan de revenu de base pour les Canadiens avec de graves déficiences a été soumise par le Caledon Institute à l’automne 2010 (Mendelson et al., 2010). Commandé par le Coucil of Canadians with Disability (CCD), ce plan comportait trois volets. Premièrement, on propose un programme fédéral de revenu de base pour les personnes ayant de graves déficiences inspiré de l’actuel Supplément de revenu garanti que reçoivent les personnes âgées à faible revenu. Ce programme doit permettre aux personnes ayant de graves déficiences et n’étant pas capables de tirer leur revenu uniquement d’un emploi de quitter les programmes provinciaux d’aide financière de dernier recours. Deuxièmement, le plan du Caledon Institute propose de transformer le Crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) en crédit d’impôt remboursable. En troisième et dernier lieu, les auteurs du plan proposent d’instaurer, grâce aux économies réalisées par les provinces à travers le nouveau programme fédéral de revenu de base, un système de services et de mesures de soutien universel délimité par une entente nationale-provinciale/territoriale.

Lorsque nous avons questionné nos informateurs clés concernant la proposition du Caledon Institute, les réponses ont paru mitigées. La proposition ne semblait pas avoir enthousiasmé outre mesure ni les organismes de défense de droits, ni les instances étatiques interrogées. En effet, si la transformation du CIPH en crédit d’impôt remboursable est une revendication uniforme au sein de la communauté des personnes handicapées, la proposition d’un programme de revenu de base pour les personnes ayant de graves déficiences a été quelque peu critiquée. D’une part, un informateur clé soulignait qu’en ne ciblant qu’un sous-groupe dans l’ensemble des personnes handicapées (celui des personnes ayant des déficiences graves) le programme revêt un caractère non universel et appose une étiquette sur une catégorie de personnes jugées inaptes à travailler. D’autre part, un autre informateur doutait de la possibilité d’introduire un tel programme pour des raisons constitutionnelles. En effet, le Canada est doté de deux ordres de gouvernement (fédéral et provincial) et la responsabilité de l’élaboration et de la mise en œuvre de la majorité des politiques en matière d’invalidité est confiée aux provinces. Selon une étude produite par l’OCDE (Maladie, invalidité et travail : surmonter les obstacles – Canada : des possibilités de collaboration, 2010), ce type de gouvernance a contribué à la multiplication des mesures et à leur chevauchement, ajoutant un niveau de complexité à un régime public déjà compliqué par la présence d’assureurs privés et de fournisseurs de services associés au tiers secteur. Plusieurs auteurs réfèrent d’ailleurs à l’ensemble des programmes fédéraux et provinciaux en matière de handicap comme à un patchwork, formant, selon Fougeyrollas et al. (2008), un ensemble hétérogène et un «système de protection inéquitable, inefficace et désincitatif pour le travail et la réadaptation» (Bolduc, 1992 ; Institut Roeher, 1994 ; cités par Fougeyrollas et al., 2008).

D’autre part, un article publié par le Comité sur la compensation équitable émet une ouverture quant à une proposition du Caledon Institute pour un Plan de revenu de base pour les Canadiens avec de graves déficiences (Zawilski, 2011). Il semble que la proposition retienne l’attention dans la mesure où elle s’attache à chercher des solutions aux trois difficultés mises en relief par le comité : une bonification du soutien du revenu, un nouveau système de services et de mesures de soutien universel, et enfin, pour ce qui est des coûts supplémentaires généraux, une bonification du CIPH et sa transformation en crédit d’impôt remboursable. Toutefois, le comité semble émettre lui aussi une certaine réserve par rapport à l’implication accrue du palier fédéral et se propose d’examiner les impacts potentiels que celle-ci pourrait avoir au Québec. Cette vigilance par rapport aux interventions fédérales n’est pas sans rappeler une analyse de Noël selon laquelle

[le] partage de la souveraineté est jalousement gardé, par les Québécois en particulier, qui se méfient de la propension de la population anglophone à vouloir centraliser le pouvoir dans la capitale fédérale, où elle détient la majorité. Peu de fédérations ont autant de débats et de conflits que le Canada autour du respect de la division du pouvoir et des revenus (Noël, 2007, p. 18).

En somme, si certains aspects de la proposition du Caledon Institute font l’unanimité, la centralisation du programme au palier fédéral touche une corde sensible dans la province québécoise.

2.1.5 Pistes de solutions visant à améliorer la situation financière et la participation des personnes handicapées

Il apparaît pertinent de mettre en relief les pistes de solution envisagées par les informateurs clés rencontrés dans une optique d’amélioration de la situation des personnes handicapées en matière de revenu, de compensation des coûts supplémentaires, et de services. Ces pistes s’articulent autour de :

  • Mieux compenser les coûts supplémentaires généraux et spécifiques pour les personnes ayant des incapacités (par exemple, en les transformant les crédits d’impôt non remboursables en crédits remboursables et en les bonifiant);
  • Mettre en place des mesures d’accompagnement pour permettre aux personnes ayant de graves incapacités de travailler et de participer socialement ;
  • Favoriser le travail à temps partiel pour les personnes qui ne peuvent travailler à temps plein en raison, par exemple, de contraintes sévères à l’emploi (notamment, en permettant aux personnes de bénéficier d’un régime de soutien du revenu tout en y additionnant des revenus de travail) ;
  • Faciliter la réintégration dans les programmes de soutien du revenu en cas d’échec d’intégration en emploi (par exemple, en maintenant ouvert les dossiers d’Aide financière de derniers recours pour un certain temps dans le cadre d’une démarche d’insertion professionnelle) ;
  • Permettre aux personnes qui quittent l’Aide financière de dernier recours pour s’insérer sur le marché de l’emploi de conserver leur carnet au-delà de la limite non indexée de 1500 $ par mois.

Or, il s’avère que ces propositions ne datent pas d’hier. D’ailleurs, certains objectifs en lien avec ces propositions figurent déjà dans diverses orientations et politiques en matière de handicap. Il apparaît alors pertinent de se questionner sur les conditions de mise en œuvre des politiques concernant les personnes handicapées et la pauvreté. Pour tenter de mieux comprendre les enjeux associés à l’évolution des politiques, nous aborderons ici les processus de production et de mise en œuvre des politiques publiques en la matière.

2.2 Processus de construction des politiques

Dans le but de bénéficier d’un portrait des processus de construction et de mise en œuvre des politiques publiques en matière de handicap, nous avons d’une part, recensé quelques lois et politiques d’importance qui ont vu le jour dans les années 2000. D’autre part, nous avons questionné nos informateurs clés pour connaître leur opinion quant aux dispositifs qui ont été instaurés dans la foulée de la Loi 112 pour favoriser les processus consultatifs et la participation de la société civile, en l’occurrence, de la communauté des personnes handicapées, dans les processus de construction des politiques publiques les concernant.

2.2.1 Lois, politiques et orientations en matière de handicap, de participation sociale et de pauvreté

Au cours des douze dernières années, certaines lois ou politiques touchant la participation sociale et le revenu des personnes handicapées au Québec ont été adoptées ou modernisées. À travers la présente section, nous nous attarderons d’abord à en présenter quelques-unes. Par la suite, nous rendrons compte de la manière dont les intervenants rencontrés perçoivent les lois et politiques en vigueur, leurs conditions d’émergence, ainsi que leurs impacts sur le revenu et la participation sociale des personnes handicapées.

La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (Loi 112)

La loi-cadre visant à lutter contre la pauvreté l’exclusion sociale adoptée au Québec en 2002 a été la première législation du genre en Amérique du Nord. Elle a été engendrée au Québec par une mobilisation populaire importante qui a duré plusieurs années et qui a mené à une loi définie non seulement par l’État mais par aussi par des groupes communautaires, des groupes d’intérêt et des citoyens. Pour Aubry (2010) et Vaillancourt (2011a), cette loi est un bel exemple de co-construction démocratique des politiques publiques. En effet, selon la typologie mise au point par Vaillancourt (2009), la co-construction démocratique des politiques publiques se caractérise par un partenariat au sein duquel l’État collabore avec les acteurs du marché et ceux du tiers secteur à travers un processus de délibération démocratique. Ainsi, grâce à une mobilisation exceptionnelle et un processus de consultation structuré, la loi 112 «fait une large place aux préoccupations portées par le secteur communautaire québécois» (Aubry, 2010).

Le premier objet de la loi 112 précise qu’elle vise à:

guider le gouvernement et l'ensemble de la société québécoise vers la planification et la réalisation d'actions pour combattre la pauvreté, en prévenir les causes, en atténuer les effets sur les individus et les familles, contrer l'exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté.

La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale élaborée suite à la loi a pour buts de :

  • promouvoir le respect et la protection de la dignité des personnes en situation de pauvreté et lutter contre les préjugés à leur égard ;
  • améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles qui vivent dans la pauvreté et qui sont exclues socialement ;
  • réduire les inégalités qui peuvent nuire à la cohésion sociale ;
  • favoriser la participation des personnes et des familles en situation de pauvreté à la vie collective et au développement de la société ;
  • développer et renforcer le sentiment de solidarité dans l'ensemble de la société québécoise afin de lutter collectivement contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Pour ce faire, le premier plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2004-2010) était basé sur deux principes clés :

  • L’emploi est la première solution pour assurer la sécurité économique et l’inclusion sociale des personnes;
  • Une protection accrue sera accordée aux personnes qui ont des contraintes sévères à l’emploi.

Ces deux concepts-clés se traduisent à travers les mesures qui ont été implantées dans le cadre du premier plan d’action. En effet, des mesures incitatives favorisant l’insertion professionnelle, l’indexation annuelle des prestations d’aide financière de dernier recours pour tous les prestataires, ainsi que l’instauration d’un Soutien aux enfants universel sous la forme d’un crédit d’impôt remboursable visent à répondre aux objectifs de la Stratégie. Selon le gouvernement du Québec, l’ensemble des investissements déployés dans le cadre de la mise en œuvre du premier plan d’action pour lutter contre la pauvreté s’est élevé à 4,5 milliards de dollars sur six ans.

En ce qui concerne le deuxième plan d’action (2010-2015), les investissements prévus pour la période de cinq ans sont de l’ordre de 7 milliards de dollars. Si le deuxième plan d’action s’apparente sensiblement au premier en matière de mesures dans le champ du handicap, on y prévoit de surcroit la mise en place du comité interministériel sur la compensation des conséquences liées aux déficiences, aux incapacités et aux situations de handicap. Nous l’avons mentionné précédemment, ce comité piloté par l’OPHQ a en effet amorcé ses travaux en 2010.

Dans l’ensemble, des budgets importants ont été alloués à la lutte contre la pauvreté au Québec et des mesures concrètes ont vu le jour dans le cadre de la loi 112.

La Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées (1978) et la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (2004)

Fruit d’une concertation démocratique entre l’État québécois et un secteur associatif uni en matière de handicap (Vaillancourt, 2011b; Dumais, 2011), la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées s’inscrit dans une période marquée par la co-construction démocratique des politiques du handicap, à l’instar de la politique À part…égale, adoptée dans la foulée, en 1984 (Vaillancourt, 2011). En 2004, la loi est modernisée et devient la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. Elle accentue les obligations de la société québécoise, des ministères, des municipalités et des organismes publics et privés, elle vise à renforcer l’intégration, tout en précisant les rôles de l’OPHQ. Dans l’optique de complémenter la loi modifiée, l’OPHQ reçoit à l’époque le mandat d’actualiser la politique À part égale. C’est ainsi que la nouvelle politique À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité a été adoptée en juin 2009.

La politique À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité (2009)

La politique À part entière est issue d’une démarche concertée (OPHQ, 2009). À partir de 2006, des comités régionaux et des tables de concertations nationales ont été mis sur pied, un comité de suivi et un comité consultatif ont été constitués et des personnes issues de divers milieux (étatique, communautaire) ont été appelées à se prononcer sur le contenu de la politique. La politique adoptée le 4 juin 2009 vise, d’ici 2019 :

  • une amélioration significative des conditions de vie des personnes handicapées sur les plans du revenu, de l’état de santé et du niveau de scolarité ainsi qu’une réduction de l’isolement social;
  • une réponse complète aux besoins essentiels des personnes handicapées en ce qui a trait aux activités permettant de vivre à domicile, à un logement adéquat dans un lieu librement choisi, à la possibilité de s’exprimer et de communiquer adéquatement, ainsi qu’à la possibilité de se déplacer sans contraintes d’accessibilité, de temps et de coûts;
  • une parité dans l’exercice des rôles sociaux grâce à un accroissement de la participation des enfants et des adultes handicapés dans les services de garde, les milieux scolaires, le marché du travail, le secteur du loisir et du sport, ainsi que par la participation citoyenne dans l’ensemble de la communauté (OPHQ, 2009).

Pour relever ce défi, l’OPHQ propose:

  • d’agir contre les préjugés, la discrimination, l’exploitation, la violence et la maltraitance; de concevoir des lois, politiques, programmes et services sans obstacle tout en tenant compte des réalités familiales des personnes; d’aménager des environnements accessibles pour une société inclusive;
  • d’agir contre la pauvreté, de viser une compensation adéquate des coûts supplémentaires reliés aux situations de handicap, et d’accroître l’accès, la complémentarité et la coordination des programmes et services pour une société solidaire et plus équitable;
  • de généraliser la planification individualisée et coordonnée des services, de soutenir l’exercice des rôles sociaux et familiaux, et de rendre accessibles des services structurés d’accompagnement, pour une société respectueuse des choix des personnes handicapées et de leur famille (OPHQ, 2009).

L’OPHQ publie annuellement un bilan visant à déterminer jusqu’à quel point la politique est mise en œuvre.

La Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées (2008)

S’inscrivant elle aussi dans la foulée de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées est, elle aussi, le fruit d’une vaste consultation menée en 2007 auprès d’acteurs issus des milieux associatif, syndical, patronal et gouvernemental (MESS, 2008). L’objectif de la Stratégie est d’assurer l’égalité en emploi aux personnes handicapées et d’augmenter leur participation au marché du travail. Elle propose, pour ce faire, un nouvel équilibre en ce qui concerne les responsabilités des acteurs du marché du travail et de l’État, notamment en matière d’embauche et d’accommodements dans les milieux de travail (MESS, 2008). Les nombreuses mesures adoptées dans le cadre de la Stratégie comprennent, entre autres, la mise en place de la Prime au travail pour les personnes présentant des contraintes sévères à l’emploi (ou prime au travail adaptée ) ainsi que du Supplément pour les prestataires de longue durée quittant l’aide financière de dernier recours (ou supplément à la prime au travail ), le rehaussement substantiel des investissements en matière de Contrats d’intégration au travail (pour un financement total de 49 millions de dollars sur cinq ans), et la création de 825 nouveaux emplois en entreprises adaptées. Un investissement de 142,8 millions de dollars est prévu sur cinq ans (jusqu’en 2013) dans le cadre de la Stratégie.

Dans l’ensemble, il apparait que d’importants budgets et de nombreuses mesures ont été dirigés, depuis le début des années 2000, vers une amélioration des conditions de revenu et de participation sociale des personnes handicapées.

2.2.2 La construction des politiques sociales dans les années 2000

Les grandes lois et orientations présentées précédemment se prévalent d’un processus de construction démocratique basée sur la consultation et la concertation auprès d’acteurs variés. Toutefois, certains informateurs clés associés au secteur associatif soulèvent un bémol quant aux processus de consultation et à leurs impacts réels sur les politiques adoptées. Selon certains, les consultations se font parfois à huis clos, dans une atmosphère de secret peu propice à l’échange, où des décisions doivent être prises sous pression et sans possibilité de consulter les usagers sur des questions de fond. Certains admettent que l’omniprésence des médias et les difficultés potentielles qui pourraient découler de la publication précoce par ces derniers d’aspects confidentiels des négociations sont un frein à un processus consultatif plus transparent. Pourtant, la culture propre au milieu associatif consent difficilement à prendre des décisions hâtives dans un contexte parfois contraignant. Aussi, certains informateurs clés déplorent que si les consultations se déroulent souvent dans un climat d’échange fructueux, les propositions soient parfois rejetées lorsqu’elles atteignent les paliers décisionnels supérieurs. Enfin, d’aucuns précisent que les politiques adoptées ne reflètent pas toujours nécessairement les recommandations qui ont été mises de l’avant par les représentants du secteur associatif dans le cadre des consultations. Dans ce contexte, les porte-paroles des associations se trouvent dans une position inconfortable face aux membres et aux usagers qui ont le sentiment d’avoir été mal représentés.

Malgré ces difficultés, l’un des informateurs clés rencontré portait un discours plus optimiste à l’effet que la place du tiers secteur était bien établie au sein des processus de concertation associés à l’élaboration des politiques sociales. Si les résultats ne reflètent pas systématiquement toutes les préoccupations du secteur associatif en matière de handicap, il semble à tout le moins que la place de ce dernier au sein des tables de concertation soit acquise.

2.2.3 Entre l’établissement des politiques et leur application

Dans le cadre des entretiens effectuées auprès d’informateurs clés associés au champ du handicap, nous avons voulu connaître leur perception de l’impact des politiques et orientations qui ont vu le jour au cours des douze dernières années, principalement depuis l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Dans l’ensemble, les informateurs rencontrés considèrent que le Québec s’est doté de politiques, de lois et d’orientations satisfaisantes en matière de handicap. Or, plusieurs soulignent que ces politiques et ces orientations ne sont pas toujours appliquées dans la réalité. D’aucuns mentionnent qu’un certain laxisme dans l’application des politiques nuirait à l’amélioration réelle de la condition des personnes handicapées dans les domaines de l’emploi, du revenu, du transport et de l’accessibilité, entre autres.

Par exemple, certains informateurs clés rapportent que si la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées promettait d’injecter des budgets supplémentaires importants dans la mesure Contrat d’intégration au travail, ils déplorent que les budgets alloués à certaines régions pour cette mesure aient plutôt subi des coupures. D’autres informateurs clés interviewés mentionnaient les retards importants dans la production des plans de développement des autorités organisatrices de transport (AOT) en matière de transport en commun. En effet, l’article 67 de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale stipulait en 2004 que les AOT étaient responsables de produire un plan de développement visant à assurer le transport en commun des personnes handicapées, et ce, avant le 17 décembre 2005 (Larochelle, 2011). Or, au 1er mars 2012, seuls 12 des 34 organismes assujettis à la loi avaient déposé leur plan au ministre des Transports (OPHQ, 2012). Dans ce contexte, le laxisme invoqué par plusieurs informateurs en ce qui concerne l’application de certaines lois ou politiques semble en effet présent.

D’autre part, les communiqués diffusés par certains groupes de défense de droits des personnes handicapés permettent de constater qu’un pan de la communauté trouve insatisfaisants les moyens qui ont été mis en œuvre dans le cadre de l’application de la politique À part entière (Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées [AQRIPH], 2011). Selon les acteurs impliqués dans la critique de la mise en œuvre de la politique, il semble que si les objectifs de la politique font consensus, les moyens ne sont pas à la hauteur et ne permettent pas l’atteinte de ces objectifs.

Dans l’ensemble, nos entrevues nous ont permis de constater que la majorité des acteurs impliqués dans le champ du handicap perçoivent un manque de rigueur dans l’application des politiques en vigueur, que ce soit parce que les moyens ne sont pas à la hauteur des objectifs, ou parce qu’ils ne sont parfois pas mis en œuvre. Dans cette perspective, la majorité des répondants rencontrés considéraient que les lois et politiques adoptées au cours des dix dernières années en matière de handicap au Québec n’ont pas eu l’impact escompté sur les conditions de vie des personnes handicapées.


3. Constats et pistes d’analyses

3.1 Des améliorations très modestes sur le plan du revenu : impacts des mesures en vigueur

Nous l’avons mentionné précédemment, les personnes handicapées entre 15 et 64 ans sont, en proportion, presque trois fois plus nombreuses à vivre sous le seuil de faible revenu que les personnes sans incapacité (Camirand et al., 2010). Selon les données de l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) , le pourcentage des personnes handicapées vivant sous le seuil de faible revenu a diminué entre 2001 et 2006, mais il demeure très élevé. En effet, si 36,2% de la population handicapée vivait en 2001 sous le seuil de faible revenu, ce chiffre est passé à 32% en 2006 (Camirand et al., 2010). Malheureusement, nous sommes dans l’impossibilité de savoir de quelle manière la situation financière des personnes handicapées a évolué au Québec depuis 2006, étant donné l’absence de données statistiques plus récentes en la matière.

Si plusieurs informateurs clés interrogés dans le cadre de nos entretiens ne semblent pas avoir constaté d’amélioration notable sur le terrain en ce qui concerne la pauvreté chez les personnes handicapées, il appert que les données statistiques viennent appuyer leurs dires. Devant ce constat, une question s’impose : dans quelle mesure les centaines de millions de dollars investis dans la lutte contre la pauvreté des personnes handicapées par le biais de la Loi 112 et de la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées ont-ils réellement contribué à l’amélioration des conditions de vie de ces personnes ?

Pour proposer une piste de réponse à cette épineuse question, rappelons qu’au Québec, les transferts monétaires directs aux personnes apparaissent parfois moins généreux que ceux délivrés dans d’autres provinces canadiennes. Or, si on le compare aux autres provinces canadiennes, l’État québécois offre en revanche une gamme extensive de services financés par les fonds publics, tels que des services de garde subventionnés à 7$, de nombreux logements sociaux, un régime public d’assurance-médicaments ainsi que plusieurs soins et services publics sans frais ou à moindre coût via le secteur de l’économie sociale. Dans cette perspective, il est à noter qu’une partie importante des mesures mises en place dans le cadre du Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale 2010-2015 vise à améliorer le panier de services auquel peuvent accéder les Québécois, et non leur revenu. Pour ne citer que quelques exemples, mentionnons que le plan projette :

  • des investissements dans les logements communautaires et sociaux (476 millions de dollars sur 4 ans pour la construction de 3000 nouveaux logements sociaux) ;
  • la poursuite des rénovations du parc d’habitations à loyer modique (HLM) ;
  • le maintien des efforts en matière de sécurité alimentaire (soutien aux banques alimentaires et à des projets de cuisines collectives) ;
  • et le maintien de l’appui aux organismes communautaires (794,7 millions de dollars en 2008-2009)

Ainsi, si plusieurs acteurs rencontrés ne perçoivent pas d’amélioration en ce qui concerne la condition financière des personnes handicapées depuis le début des années 2000, des efforts ont toutefois été mis en place pour offrir aux personnes en situation de pauvreté des services visant à bonifier leurs conditions d’existence. Or, le modèle québécois, axé plus sur les services que sur le revenu, ne fait pas l’unanimité. D’une part, un informateur clé rencontré en entrevue déplorait la rigidité de certains services de soutien à domicile ainsi que le roulement de personnel défavorable à l’établissement d’une relation de confiance entre la personne handicapée et le travailleur chargé de lui apporter de l’aide à domicile. D’autre part, cet informateur précisait que le panier de services québécois insiste beaucoup sur les services liés au soutien à domicile et à l’insertion professionnelle.

En effet, la Loi 112 et la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées misent toutes deux beaucoup sur l’insertion professionnelle comme vecteur de participation sociale et comme moyen de lutter contre la pauvreté. Dans ce contexte, des fonds importants sont alloués aux subventions salariales et au soutien aux employeurs pour l’embauche de personnes éloignées du marché du travail. Toutefois, nous supposons que pour certaines personnes vivant avec un handicap sévère, ce type de soutien ne suffit pas nécessairement à permettre l’intégration professionnelle, cette dernière ne pouvant s’accomplir sans l’apport d’un accompagnement plus soutenu.

Enfin, pour tenter de comprendre pourquoi les personnes handicapées sont encore proportionnellement trois fois plus nombreuses que les autres à vivre sous le seuil de faible revenu alors que des centaines de millions de dollars sont investis dans la lutte contre leur pauvreté et leur exclusion, rappelons qu’une partie importante des montants injectés ne sont pas transférés directement aux personnes, mais plutôt aux entreprises ou employeurs favorisant leur insertion professionnelle. Or, les premiers pas sur le marché du travail ne sont pas toujours très rémunérateurs. Ainsi, si les mesures mises en place depuis le début des années 2000 en matière d’emploi des personnes handicapées n’ont pas encore porté les fruits escomptés en matière de lutte contre la pauvreté, nous pouvons à tout le moins espérer qu’elles ont contribué à favoriser la participation sociale de certains individus.

En somme, l’analyse des politiques adoptées au cours des dernières années en matière de handicap et de lutte contre la pauvreté nous permet de constater que si de nouveaux transferts directs ont été mis en place pour favoriser les familles et les travailleurs à faible revenu, une grande partie des fonds alloués aux politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sont investis dans la construction d’un système public et communautaire de services, ayant pour but de diminuer la charge financière des particuliers tout en favorisant leur participation sociale. S’il est difficile d’évaluer l’efficience de ce modèle en matière de lutte contre la pauvreté, c’est que les indicateurs traditionnels d’évaluation de la pauvreté ne tiennent pas nécessairement compte de ses effets sur les conditions de vie des personnes en situation de pauvreté.

3.2 Construction des politiques et mise en œuvre : Un secteur associatif trop fragmenté ?

Tel que l’observent Dumais (2011) et Vaillancourt (2011b), le secteur associatif en matière de handicap est aujourd’hui plus que jamais caractérisé par des particularismes. Au Canada, le mouvement des personnes handicapées regroupe environ 5000 organismes spécifiques aux personnes handicapées, ce qui en fait un système relativement segmenté, malgré ses liens avec des milieux politiques et des mouvements sociaux (Prince, 2009). Le Québec, pour sa part, comptait en 2006 plus de 1300 organismes communautaires et associations offrant des services aux personnes handicapées (Dumais et Chénard, 2006). Or, si les nombreux organismes spécialisés peuvent maintenant offrir des services ciblés et adaptés aux différentes réalités, cette multiplication de l’offre de services engendre potentiellement des difficultés liées à la cohésion et aux objectifs communs.

Dans un contexte de multiplication des caractéristiques spécifiques (que ce soit au niveau du type de handicap, de sa gravité, ou des facteurs régionaux), il peut s’avérer plus difficile pour la communauté de mener un projet commun. Toutefois, dans le cadre des travaux actuels du Comité sur la compensation équitable piloté par la COPHAN, le secteur associatif s’attarde à un enjeu commun dans une approche universelle ou quasi universelle, dans la mesure où la compensation des coûts est abordée sans égard au revenu, mais bien en fonction des dépenses engendrées par le handicap. Dans cette perspective, l’allocation ou la compensation pourrait être distribuée, non pas sur la base d’un régime contributif (ou assurantiel), ni sur la base d’un test de ressources (dernier recours), mais bien dans le cadre de critères démographiques (sous forme d’une démosubvention), de la même manière que les allocations familiales ou la pension de sécurité à la vieillesse.

Ce projet commun au secteur associatif fera peut-être partie de ceux qui resserrent les liens de solidarité, favorisant ainsi l’adoption de mesures visant une amélioration de la situation financière des personnes handicapées au Québec.


CONCLUSION

Pour préparer la présente production, nous avons rencontré des informateurs clés issus du milieu de la recherche universitaire, ainsi que des milieux associatif et paragouvernemental. Nous avons aussi recensé et étudié de nombreuses publications (articles, documents de travail, politiques et lois) issues de ces différents milieux. La réflexion que nous avons produite est le reflet de notre compréhension de certains enjeux actuels associés à la pauvreté et à la participation sociale des personnes handicapées, ainsi qu’à la construction et à la mise en œuvre des politiques sociales en matière de pauvreté et de handicap.

Grâce aux entretiens effectués dans le cadre de cette production, nous avons pu mettre en lumière certains thèmes importants recensés à travers le discours des informateurs clés. Les thèmes de la pauvreté, du travail et de la compensation des coûts supplémentaires liés aux handicaps, ainsi que les thèmes de la construction des politiques, de leur application concrète et des processus de consultation ont particulièrement retenu notre attention.

Les données dont nous disposons nous ont permis de nous questionner sur les impacts des politiques et des lois adoptées depuis le début des années 2000. La comparaison entre l’évolution du taux de faible revenu chez les personnes handicapées et les budgets alloués à l’amélioration de cette situation fait ressortir certaines particularités du modèle québécois. Ce modèle, attaché à un investissement accru dans le panier de services visant à améliorer les conditions de vie des citoyens, insiste moins sur les transferts financiers directs aux personnes, avec tous les avantages et inconvénients associés.

De plus, si les politiques en matière de pauvreté et de handicap adoptées depuis le début des années 2000 apparaissent sur papier comme étant le fruit d’un processus de co-construction démocratique, certains acteurs déplorent que les modes de consultation ne soient pas toujours transparents et que les recommandations ne soient pas toujours prises en considération. De plus, nous avons été à même de constater que, du point de vue des informateurs clés rencontrés, les politiques sont parfois appliquées avec un certain laxisme, comme dans l’exemple des Plans de développement des autorités organisatrices de transport en matière de handicap.

En somme, la présente production nous aura permis de réfléchir sur le modèle québécois des années 2000 en matière de handicap, sur les plans du revenu, du travail, de la compensation des coûts du handicap, de la construction et de l’application des politiques en la matière. Notre réflexion nous laisse sur deux impressions. D’une part, si les lois et politiques adoptées depuis le début des années 2000 n’ont pas sensiblement amélioré la situation financière de l’ensemble des personnes handicapées, nous estimons à tout le moins que des avancées ont été faites sur les plans de l’amélioration des conditions de vie grâce à des mesures visant le panier de services disponibles et la participation sociale, en particulier via le travail. D’autre part, certaines avancées sont encore à venir sur le plan de l’application plus stricte des politiques adoptées ainsi que sur des modes de consultation favorisant la co-construction démocratique des politiques et des plans de mise en œuvre de ces dernières.


APPENDICE A

Canevas d’entretien sur les personnes handicapées, la pauvreté et l’exclusion (préparé par François Aubry et Léonie Archambault, septembre 2011)

PARTIE 1 : REVENU

A) Les personnes handicapées sans revenu de travail

Principales mesures mises en place depuis l’adoption de la Loi 112 afin d’améliorer la situation financière des personnes démunies qui ne perçoivent pas de revenu de travail :

  • Pleine indexation des prestations de dernier recours ;
  • Introduction d’un barème plancher ;
  • Assouplissement des règles de comptabilisation des actifs et du traitement de la pension alimentaire ;
  • Etc.

QUESTIONS

Selon vous, quels ont été les impacts de ces mesures sur les personnes handicapées?

  • Quelles mesures ont été les plus efficaces pour améliorer la situation économique des personnes handicapées ?
  • Les mesures tiennent-elles suffisamment compte de la situation particulière des femmes handicapées ?
  • Quelles modifications aux mesures mises en place proposeriez-vous pour améliorer la situation ?
  • Quelle est votre opinion en ce qui concerne les propositions de revenu minimum garanti comme, par exemple, celle déposée par le Caledon Institute au mois de novembre et qui suggère de calquer le modèle du Supplément de revenu garanti pour assurer un revenu aux personnes gravement handicapées ?
  • Que pensez-vous de leur proposition de transformer le crédit d’impôt pour personnes handicapées en crédit d’impôt remboursable ?
  • Qu’en est-il de l’intégration sociale des personnes handicapées qui ne peuvent participer au marché du travail ? Y a-t-il des politiques qui favorisent d’autres mécanismes de participation ?

B) Les personnes handicapées qui sont sur le marché du travail ou qui tentent de s’en rapprocher

Mesures mises en place depuis l’adoption de la Loi 112 afin d’améliorer la situation financière des travailleurs démunis ou afin d’inciter les personnes à intégrer le marché du travail:

  • Hausse du salaire minimum ;
  • Hausse du crédit d’impôt remboursable pour stage en milieu de travail pour personnes immigrantes ou handicapées ;
  • Prime au travail adaptée et supplément à la prime ;
  • Mesures d’accompagnement adaptées (PAAS, Interagir, Devenir) ;
  • Augmentation du nombre de Contrats d’intégration au travail ;
  • Augmentation des subventions aux entreprises adaptées (ajout de postes de travail) ;
  • Supplément de retour au travail.

QUESTIONS

Quels ont été les impacts de ces mesures sur les revenus des personnes handicapées et sur la participation au marché du travail pour les personnes handicapées?

  • Quelles mesures spécifiques ont été les plus efficaces?
  • Les mesures tiennent-elles compte de la situation particulière des femmes handicapées?
  • Quelles modifications aux mesures mises en place proposeriez-vous pour améliorer la situation ?
  • Y a-t-il des actions que le gouvernement du Québec pourrait poser pour faire avancer plus rapidement le dossier de l’égalité sur le marché du travail (par exemple des quotas obligatoires comme en France) ?
  • Quelles nouvelles mesures proposeriez-vous pour améliorer la situation ?

PARTIE 2 : ÉVALUATION DE L’IMPACT DE LA LOI 112 SUR LA PARTICIPATION DES PERSONNES HANDICAPÉES À LA PRODUCTION DES POLITIQUES LES CONCERNANT

QUESTIONS

Selon vous, les nouvelles structures institutionnelles créées par la Loi112 (le comité consultatif, le centre d’études sur la pauvreté, le comité interministériel) ont-elles permis une meilleure représentation des intérêts des personnes handicapées?

Comment ce nouveau dispositif institutionnel est-il perçu, selon vous ?

  • S’agit-il simplement d’une nouvelle bureaucratie?
  • Peut-on parler de politiques et de structurent qui innovent sur le plan social?

Selon vous, est-ce que la Loi 112 a favorisé la cohésion et la consolidation du mouvement collectif des personnes handicapées ?

Depuis l’adoption de la Loi 112, y a-t-il eu des changements au niveau des modes de consultation auprès des usagers ou des groupes qui les représentent?


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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  • Archambault, Dumais et Vaillancourt. 2011. «Réduire la pauvreté et favoriser la participation sociale ? Bénéfices et limites des mesures d’activation de l’emploi et des services d’insertion professionnelle pour les personnes handicapées au Québec.» Cahiers du Larepps, no 11-04, UQAM.
  • Aubry, F. 2012. «Lutte à la pauvreté et à l’exclusion au Québec : un bilan d’ensemble mitigé, y compris pour les personnes handicapées». In Conseil des Canadiens avec déficiences. En ligne. http://www.ccdonline.ca/fr/socialpolicy/poverty-citizenship/income-security-reform/fight-poverty-exclusion-quebec Consulté le 25 mai 2012.
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  • [1] Voir le site internet du Conseil des Canadiens avec déficiences : http://www.ccdonline.ca/fr/socialpolicy/poverty-citizenship
  • [2] Nous utilisons le terme tiers secteur au sens large, incluant les organismes communautaires, les organismes sans but lucratif et le secteur de l’économie sociale.
  • [3] Le système Bismarck, apparu à la fin du 19e siècle, constitue la première forme de protection sociale. Il s’agit d’un régime fondé sur la solidarité professionnelle (Majnoni D’Intignano, 1993), où la protection est tributaire du statut salarial (Dumais, 2012).
  • [4] Voir les seuils de Mesure du panier de consommation sur le site de Statistique Canada. http://www.statcan.gc.ca/pub/75f0002m/2011002/tbl/tbl04-fra.htm
  • [5] Pour les prestataires quittant la Solidarité sociale pour s’insérer à temps partiel sur le marché du travail, les premières années peuvent s’avérer avantageuses sur le plan financier grâce à des programmes tels que la prime au travail adapté, le supplément à la prime au travail, et le maintien du carnet de réclamation. Toutefois, après cinq ans, l’ex-prestataire ne sera plus éligible à ces programmes et le travail pourra s’avérer moins lucratif (Archambault, Dumais et Vaillancourt, 2011, p.15).
  • [6] Le carnet de réclamation permet d’obtenir gratuitement certains médicaments sous prescription ainsi que certains services tels que des examens de la vue et des soins dentaires.
  • [7] La prime au travail adaptée est un crédit d’impôt remboursable dont le montant est déterminé en fonction du revenu et de la situation familiale, pour les personnes ayant une contrainte sévère à l’emploi. En 2011, elle pouvait atteindre jusqu’à 3383,20$ pour un couple avec au moins un enfant (Revenu Québec, 2012).
  • [8] Le Supplément à la prime au travail est un crédit d’impôt remboursable d’un montant de 200$ pouvant être accordé pendant une période maximale de 12 mois consécutifs aux personnes ayant un revenu d’au moins 200$ par mois et ayant bénéficié de l’aide financière de dernier recours, du programme Solidarité jeunesse, ou du programme Alternative jeunesse pendant au moins 36 des 42 mois précédant l’insertion professionnelle.
  • [9] Les statistiques de l’EPLA concernant le taux de faible revenu chez les personnes handicapées au Québec doivent être interprétées avec prudence. En effet, «selon l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ, 2008), les données pour le Québec souffrent d’une anomalie sérieuse» (Aubry, 2012). En effet, le taux d’incapacité au Québec serait sous-estimé puisque les francophones auraient moins tendance à déclarer les incapacités légères (OPHQ ; citée par Aubry, 2012). Or, le taux de pauvreté augmentant avec la sévérité de l’incapacité (Crawford 2012 ; ISQ, 2012 ; cités par Aubry, 2012), il est possible de croire que le taux de pauvreté des Québécois ayant une incapacité soit surestimé.