Marche arrière: L'état de l'accessibilité des transports au Canada dans un contexte international

Rapport final au Conseil des Canadiens avec déficiences

Chercheur: DAVID BAKER

Février 2005
(Avec postface du 8 janvier 2005)

REMERCIEMENTS

David Baker aimerait remercier son adjointe Harmony Johnson qui, par sa recherche et son aide dans la réservation des voyages internationaux, a énormément contribué à la réalisation de ce document.

TABLE DES MATIÈRES

L’étude
Constatations: 1 - Les États-Unis
Constatations: 2 – Le Royaume-Uni
Constatations: 3 – La Communauté européenne
Constatations: 4 - Australie
L’expérience canadienne
Conclusions et recommandations

INTRODUCTION

L’étude
LES TRANSPORTS: UN BIEN PUBLIC AU CANADA
Les transports: Un bien collectif au Canada
Vem Partie: Le transport des personnes ayant une déficience
L’industrie défie l’ONT et résiste aux tentatives de réglementation
Des lignes directrices d’application volontaire au lieu de règlements
L’application volontaire est-elle fonctionnelle?
Les transports municipaux: Est-ce que les subventions gouvernementales assurent l’accessibilité?
La Commission ontarienne des droits de la personne
La Loi sur les personnes handicapées de l’Ontario
Conclusion
Les États-Unis
Le Royaume-Uni
La Communauté européenne
L’Australie

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

  1. Règlements impératifs
  2. Consolidation du consensus
  3. Mesures requises
  4. Coopérer c’est coopter
  5. Consulter sur les détails non sur les objectifs
  6. Ce n’est pas le moment d’invoquer le nationalisme
  7. Échec de la bureaucratie
  8. Avant non après
  9. L’Office doit contrôler ses processus
  10. Qui sera responsable d’engager des poursuites? Un dilemme!
  11. Financement des litiges d’intérêt public
  12. Empêcher la non-conformité

POSTFACE




 

RÉSUMÉ

Contexte

Sans l'intense revendication de la collectivité internationale des personnes avec des déficiences, l'accessibilité n'aurait jamais acquis cette haute reconnaissance de droit humain fondamental. Depuis sa fondation à la fin des années 1970, le CCD a, en tant qu'organisation nationale de personnes à poly-incapacités, fait preuve de leadership et d'opportunisme dans les initiatives clés visant l'accessibilité des transports, notamment:

  • Il a apporté un témoignage d'expert dans l'arrêt Clariss Kelly c. VIA Rail, jugé en 1979 par la Commission canadienne des transports;
  • De même, témoignage d'expert sur l'accessibilité devant le Comité parlementaire sur la condition des invalides et des handicapés, ce qui s'est traduit dans l'innovateur Rapport Obstacles par d'importantes recommandations pour l'accessibilité des transports.
  • Il a été intensément consulté par le ministre libéral des Transports lors de l'élaboration de la Politique nationale sur les transports accessibles et des tarifs d'accessibilité, à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
  • Il a été intensément consulté par le gouvernement conservateur lors de la déréglementation publique des modes nationaux de transport, ce qui a renforcé les exigences d'accessibilité pour les personnes handicapées dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux, (désormais la Loi sur les transports au Canada);
  • Il a été intensément consulté par l'Office national des transports (désormais l'Office des transports du Canada), lors de la promulgation des règlements d'accès facile à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Au cours de cette période, (1979-1993) le Canada finit par être reconnu comme un leader mondial en matière d'accessibilité des transports. De concert avec des organisations de personnes handicapées, le CCD inclus, le gouvernement fédéral assuma le leadership. La reconnaissance et la compréhension du fait que les mesures volontaires ne supprimeraient jamais les obstacles marginalisant les voyageurs handicapés, provoquèrent tous ces changements. Après plusieurs années, nous avions empiriquement appris que des mesures gouvernementales obligatoires devenaient notre seul espoir.

Au cours des années 1960, des études furent effectuées sur la manière dont les usagers de fauteuils roulants se déplaçaient dans leur propre environnement. À partir de données sur la grandeur des fauteuils roulants, qui semblent modestes par rapport aux récents développements sur le basculement/inclinaison et autres caractéristiques des fauteuils roulants perfectionnés ainsi que par rapport à l'utilisation largement répandue des triporteurs et des habitacles mobiles, des mesures normalisées furent établies pour la largeur des portes, les rayons de braquage, les dispositifs d'arrimage et les concepts de salles de bains. Ces mesures, qui devant l'agrandissement actuel des fauteuils roulants auraient certainement besoin d'être révisées, furent très rapidement adoptées dans le monde entier et servirent de trame aux mouvements internationaux qui se créèrent pour légiférer l'accès aux édifices puis l'accessibilité des transports. «L'accessibilité» est donc un terme portant sur le fond. Il définit le degré minimum d'accès basé sur ces «mesures» ou ces «normes de prescription» adoptées au niveau international.

En 1993, tous les modes de transports pouvaient se procurer des technologies d'accessibilité. Les contraintes techniques ne pouvaient donc plus être invoquées pour justifier le non-accommodement des personnes handicapées. Encore fallait-il que les fournisseurs soient prêts à utiliser ces technologies. Les mesures gouvernementales et les technologies d'accessibilité semblaient pourtant se conjuguer pour réaliser la promesse d'une totale accessibilité.

Mais le gouvernement fédéral changea en 1993. Sous les pressions de l'industrie et sans consulter les personnes handicapées, le nouveau gouvernement Libéral décida que les règlements d'accessibilité n'étaient plus nécessaires. Il annonça que les codes de pratiques volontaires suffiraient pour réaliser une totale accessibilité. Les projets de règlements avancés par la Commission des transports (maintenant connu sous le nom l'Office national des transports), et qui devaient être parachevés par le gouvernement sortant, furent arrêtés.

Lorsque les codes de pratiques volontaires furent publiés, les représentants des principaux transporteurs manifestèrent publiquement leur intention d'y adhérer. Malgré les critiques, le gouvernement et les transporteurs maintinrent encore que ces changements n'entraveraient nullement la voie de la pleine accessibilité. Les personnes handicapées se retrouvèrent devant un fait accompli. Leur point de vue importait peu. Seul le temps confirmerait ou non la véracité des affirmations du gouvernement et de l'industrie.

Ce changement de politique impliqua que l'application de l'accessibilité serait uniquement exécutée par des demandes individuellement adressées à l'Office des transports du Canada, un organe qui depuis le démantèlement de son prédécesseur, la Commission des transports du Canada, n'avait jugé aucun différend issu d'un particulier relatif à d'importants obstacles en matière de transport.

Grâce à ses réseaux internationaux, le CCD savait toutefois que d'importantes avancées vers la pleine accessibilité avaient été effectuées dans la plupart des autres pays en développement. Or, le Canada régressait dans plusieurs secteurs en raison des violations des codes de pratiques volontaires et par le bris de promesses du gouvernement et de l'industrie. Les répercussions se manifestèrent dans deux cas importants: tout d'abord l'achat par VIA Rail de wagons de passagers inaccessibles qui n'avaient pu être vendus qu'à des pays n'ayant pas de normes ferroviaires d'accessibilité. Ensuite, la suppression des réductions de tarifs accordées aux auxiliaires fournissant, à bord des aéronefs, des services aux passagers handicapés.

En apprenant que le Canada régressait rapidement et que de leader mondial en matière d'accessibilité, il tombait à un niveau d'absence totale de règlement, comme c'est le cas dans les pays du tiers-monde, le CCD fut saisi d'inquiétudes et décida d'entreprendre un profond examen afin d'évaluer les changements canadiens dans un contexte international.

L'étude

Par accessibilité on entend l'élimination des obstacles qui empêchent les personnes handicapées d'accéder aux transports publics en toute égalité et d'en profiter. Le terme «accessible» est bien défini en ce qui a trait aux usagers de fauteuils roulants. Il prévoit un statut analogue en ce qui a trait aux obstacles dans les autres modes de transport. Ces obstacles peuvent entraver l'accès des personnes ayant divers types d'incapacités. Le CCD connaît parfaitement l'importance de traiter le vaste éventail des enjeux. Mais à cause de ressources limitées, l'examen international de toutes les questions d'accessibilité s'est avéré irréalisable. Par conséquent, cette étude sera centrée sur l'accès aux fauteuils roulants. D'ailleurs, à cause des coûts impliqués, les transporteurs sont beaucoup moins enclins à faciliter l'accès aux personnes en fauteuil roulant. On pourrait aussi affirmer, de manière empirique, qu'en général les concepts incluant les personnes en fauteuil roulant incluent aussi les personnes ayant des incapacités motrices et sensorielles beaucoup moins graves. Le CCD est pleinement conscient des questions d'accessibilité qu'affrontent toutes les personnes handicapées. C'est pourquoi ce rapport sera donc utilisé pour susciter des mesures garantissant la pleine accessibilité.

Un consultant juridique ayant déjà comparé les règlements internationaux pour le gouvernement fédéral et pour le gouvernement de l'Ontario a été engagé. Il a été chargé d'effectuer une analyse comparative des cadres de réglementations régissant les questions d'accessibilité aux États-Unis, au Royaume-Uni, dans la Communauté européenne et en Australie. Il devait en outre examiner les progrès réalisés en vue d'une idéale intégration totale, évaluer l'efficacité de la mise en exécution et cerner les régressions éventuelles dans un contexte de changement politique et de conjoncture économique. Il devait également essayer de jauger les résolutions du gouvernement, l'opposition de l'industrie et la satisfaction des consommateurs vis-à-vis des initiatives d'accessibilité lancées par chaque instance.

Il devait ensuite examiner la situation au Canada, établir des comparaisons internationales entre le Canada et les autres pays et, le cas échéant, formuler des recommandations aux fins de réforme canadienne.

Constatations: 1 - Les États-Unis

Au cours des années 1970 et 1980, les Américains voulurent promulguer des lois, quelquefois de manière fragmentaire, et dépendirent fortement des litiges pour définir les exigences d'accessibilité. L'une des plus grandes réussites de cette époque fut l'instauration d'une éminente source mondiale d'expertise en matière de normes de réglementation de l'accessibilité: l'Architectural Barrier and Transportation Compliance («Access») Board, du gouvernement fédéral.

L'historique de cette loi et des litiges est retracé dans le rapport complet. Il prouve que le Canada et d'autres pays n'ont pas vécu une expérience unique en ce qui a trait aux mesures d'exception et que cela n'aurait pas dû être imprévu.

Vingt années de faux départs et de régression périodique se sont terminées par l'adoption en 1990 de l'Americans with Disabilities Act (ADA) et d'une loi complémentaire, l'Air Carriers Access Act of 1988. Cette dernière a été promulguée sous la présidence de Ronald Reagan tandis que la première l'a été sous celle de George Bush.

L'ADA fut un énorme enjeu politique, avec un grand «P». Selon le sondage effectué pour Boydon Gray, conseiller général de Bush, le soutien que le Président a manifesté à l'ADA fut le deuxième plus grand vecteur de sa victoire électorale. Aucun enjeu lié aux incapacités n'a jamais atteint une telle proéminence.

En vertu de l'ADA, l'Access Board était largement autorisé à élaborer des règlements détaillés d'accessibilité pour tous les modes de transports publics et à les interpréter. Il fournissait son expertise ainsi que des manuels détaillés aux transporteurs afin de contrecarrer toute confusion quant à l'application de ces normes. Et puisque le Board facilitait la distinction entre la conformité et la non-conformité, la seule question qui se pose est de savoir si le mécanisme d'exécution engendre une véritable force de dissuasion.

Selon le mode de transports, l'exécution des règlements est d'abord assurée par le ministère des Transports ou le ministère de la Justice (à savoir, les pouvoirs publics). Mais, s'ils le veulent, les particuliers peuvent aussi imposer leurs droits en privé. Les pouvoirs publics peuvent infliger de lourdes contraventions et des injonctions mandataires en plus d'exiger un «restitutio in integrum» pour les voyageurs handicapés. Ainsi, pour éviter les lourdes contraventions et les indemnisations élevées, exigées par les pouvoirs publics, les transporteurs préfèrent respecter l'ADA.

Notons que depuis la promulgation de l'ADA, les litiges sont rares. L'exécution et l'interprétation efficaces de la Loi ont porté fruits. Seules les normes des services aériens (c.-à-d. par opposition aux concepts accessibles des aéroports et des aéroports) ont fait exception. Estimant que les récessions économiques subies au cours des années 1990 et après 9/11, doublées d'un faible mécanisme d'exécution publique, traduisaient un manque de fermeté gouvernementale, les compagnies aériennes essayèrent de profiter de cette faiblesse. Mais voyant que la population devenait de plus en plus consciente de l'accroissement d'inutiles litiges d'accessibilité aérienne, le gouvernement dût se prononcer sur la priorisation accordée ou non à l'accessibilité. Le gouvernement Bush a récemment renforcé le mécanisme d'exécution. La conformité s'est améliorée et le recours aux litiges a diminué, rapporte-t-on. Les Etats-Unis soutiennent nettement l'accessibilité.

La conformité dans tous les modes de transports a été remarquable. Ainsi, les trains et les principales gares sont totalement adaptés. Selon les rapports, l'exigence d'une totale accessibilité (gares secondaires aussi) sera atteinte telle que prévue en 2010. Pour les transports municipaux, le succès a été remarquable, au point où le plus grand problème des opérateurs est de ramener les conducteurs du transport adapté dans le système conventionnel totalement accessible. En matière d'accessibilité des aéronefs et des aéroports, les Américains sont des champions mondiaux. Et à cause de leur influence sur les marchés mondiaux, les normes américaines pour la conception des aéronefs ont rapidement acquis une portée internationale. Même l'accessibilité des autobus routiers a été un succès et ce, malgré les réserves initiales du principal transporteur du pays, la compagnie Greyhound.

Aux États-Unis, l'accessibilité des transports a été remarquablement réussie. Les transporteurs ont estimé que l'application uniforme de claires normes de réglementation empêchait les compétiteurs de profiter d'une quelconque non-conformité. Les personnes handicapées se sont réjouies des résultats et reconnaissantes de la fermeté des mécanismes d'exécution publique. Le cas de l'ADAPT, fameux groupe de revendication en matière de transports, illustre parfaitement l'attitude des consommateurs. La satisfaction engendrée par les changements a été si constante que ce groupe ne revendique plus pour l'enjeu qui était sa raison d'être. Il lobbye à présent pour des questions de soins de longue durée. Et ni l'élection d'un gouvernement favorisant un programme néo-conservateur ni la récession économique de l'industrie aérienne n'ont érodé la détermination gouvernementale d'imposer rigoureusement la conformité à la loi par le biais de normes d'accès exécutoires.

Constatations: 2 - Le Royaume-Uni

À l'instar de l'Europe, le Royaume-Uni tarda à adopter le modèle américain de normes d'accessibilité et d'application publique de ces normes. Cela ne signifie pas qu'avant 1995, la question de l'accessibilité était totalement occultée. Au cours des premières années, c'est en versant de généreux subsides versés aux divers secteurs de transports ou en possédant une grande partie de ces compagnies que le gouvernement incita l'adoption de mesures d'accessibilité. Malgré les progrès constatés dans plusieurs sphères, aucun objectif à long terme ne visait l'accessibilité totale. En fait, les progrès étaient inégaux. Une stratégie à long terme s'imposait donc pour tout le système.

Le gouvernement travailliste du Premier Ministre Tony Blair fut le premier à s'intéresser au modèle américain et en 1995, promulgua le Disability Discrimination Act (DDA). Le Mobility and Inclusion Unit du ministère britannique des Transports fut chargé de transposer les codes de «meilleures pratiques» en règlements. Ainsi, tout comme aux États-Unis, des normes régissent la conception des autobus de plus de vingt-deux passagers ainsi que celle des trains. En vertu de la puissante sanction juridique appliquée, tous les nouveaux véhicules doivent, avant d'être mis en service, obtenir un permis de l'Inclusion Unit attestant la conformité aux dispositions du DDA. Par exemple, les trains inaccessibles récemment achetés par VIA Rail ont été conçus avant l'adoption du DDA en 1995 et assemblés avant le parachèvement des règlements ferroviaires en 1998. Mais quand le constructeur a demandé un permis pour la mise en service de ces trains sur les chemins de fer anglais, ce permis lui a été refusé.

Bien que la majorité des gares soient à présent accessibles, les petites gares (avec leur concept centenaire de «promenades») ont jusqu'en 2024 pour se conformer aux normes. En attendant, les fournisseurs doivent effectuer «des adaptations raisonnables à leurs services de transport», (ce qui est comparable au concept canadien «d'accommodement jusqu'au point de contrainte excessive». Bien que les normes britanniques régissant les nouveaux véhicules soient rigoureuses et que l'exigence de réfection soit intégrée dans l'obligation d'apporter des ajustements raisonnables, les anciens trains non entièrement accessibles peuvent continuer de rouler jusqu'en 2035. Les avancées sont plus importantes en ce qui a trait aux autobus. On estime en effet que 90% des autobus du Grand Londres sont déjà conformes aux normes d'accessibilité.

L'organe chargé de faire respecter la loi et les règlements (par opposition à l'élaboration des règlements et à l'émission de permis) est la toute nouvelle Disability Rights Commission, entrée en vigueur en l'an 2000. En nommant Bert Massie, célèbre défenseur des droits des personnes handicapées, comme premier président de cette Commission, le gouvernement a manifesté sa volonté d'obtenir une totale conformité à la loi. Bert Massie a déjà remporté une victoire largement publicisée en gagnant son procès contre la compagnie aérienne à rabais Ryanair pour non-exécution d'adaptations raisonnables.

Ces mesures d'accessibilité britanniques, basées sur le modèle américain, ont été rapidement imitées par la communauté européenne. En général, les normes européennes ont préséance sur les normes nationales. Comme nous le verrons ultérieurement, les normes européennes ont été fondées sur le modèle britannique et c'est Anne Frye, directrice du Mobility and Inclusion Unit du Royaume-Uni, qui en a assuré le leadership au sein de l'Union européenne.

Constatations: 3 - La Communauté européenne

La Communauté européenne a renforcé l'intégration de ses États membres afin de consolider l'union économique. En raison de leurs implications économiques et trans-frontalières, les transports ont été priorisés en matière de normalisation. On tente également de s'assurer que tous les produits fabriqués en Europe n'affrontent aucun obstacle non-tarifaire et puissent être vendus et utilisés dans tous les pays membres. Les normes d'accès émergeant dans les pays membres, R-U compris, risquaient de constituer des obstacles non-tarifaires. S'étant fixé comme objectif d'atteindre, d'ici 2010, un taux d'emploi de 70% pour les personnes handicapées, la Communauté s'est également demandée comment les normes d'accès pourraient contribuer à l'atteinte de cet objectif. Tous ces facteurs ont alors poussé l'Union européenne à établir des normes d'accès obligatoires et applicables dans toute la Communauté.

En 1985, le Conseil européen créa le Comité d'accessibilité et d'inclusion, présidé par Anne Frye, du Department of Transportation du R.U. Dans le cadre du processus COST (Coopération scientifique et technique au niveau de l'Union impliquant des représentants de plusieurs pays européens), Mme Frye a dirigé plusieurs groupes de travail sur les meilleures pratiques et les normes technologies de transport produites en Europe.

Comme il fallait s'y attendre, les recommandations formulées dans le cadre du processus COST traduisent assez fidèlement les normes britanniques pour les autorails et pour les autobus routiers. Ces recommandations ont ensuite donné naissance aux Directives européennes que les États membres doivent enchâsser dans leurs lois nationales et appliquer. L'Union européenne a le droit de prendre unilatéralement des mesures contre tout État qui ne respectera pas les Directives de la Communauté. Par conséquent, des normes européennes, basées sur les normes britanniques, elles-mêmes assez semblables aux normes américaines, ont donc été établies dans les deux secteurs pré-cités: autobus et autorails.

L'industrie aérienne a essayé d'éviter une réglementation supplémentaire de normes de services en promettant d'auto régler et d'adhérer volontairement à une «Charte» des droits à l'accessibilité. La Commission européenne de l'aviation civile a rejeté cette proposition, et l'Union européenne a émis des règlements préliminaires pour l'accessibilité des transports aériens. À noter toutefois que contrairement aux États-Unis, l'Union européenne propose que l'accessibilité des aéroports et de l'embarquement soit assumée par les autorités aéroportuaires plutôt que par les compagnies aériennes. Contrairement aux directives régissant la conception des trains et des autobus, ces règlements une fois finalisés auront immédiatement force de loi et seront appliqués par la Cour européenne et non pas les tribunaux nationaux.

L'Union européenne a nettement priorisé la réglementation de l'accessibilité. Le Forum européen des personnes handicapées, organe composé de représentants de conseils nationaux de personnes handicapées de tous les États membres, appuie fortement l'orientation politique prise par le Conseil des Ministres. Cette initiative a également reçu l'appui de plusieurs membres du Parlement européen.

Constatations: 4 - Australie

Après l'adoption du Disability Discrimination Act de 1992 mais avant l'adoption de normes d'accès obligatoires, plusieurs causes notoires ont captivé la population et prouvé que les tribunaux et commissions des droits de la personne étaient déterminés à instaurer une efficace accessibilité. La plus importante de ces causes impliquait l'émission d'ordonnances judiciaires qui finirent par déboucher sur des règlements assurant une accessibilité accrue. L'achat de nouveaux véhicules de transports fut stoppé par une ordonnance judiciaire en attendant que soit rendu un jugement sur leur conformité ou non-conformité aux exigences législatives d'accessibilité. Mais avant que ces causes ne soient jugées (dans ces cas-là, les délais favorisèrent l'application de l'accessibilité), les transporteurs décidèrent d'acheter des véhicules accessibles au lieu des véhicules inaccessibles proposés au préalable. Les résultats de ces causes prouvent donc que les fournisseurs et non les personnes handicapées proposèrent des normes d'accès comme alternative aux litiges.

Afin de doter ce processus de facteurs de prévisibilité et de planification, l'Australian Transportation Council of Ministers ( regroupant des représentants du gouvernement fédéral et de tous les États) décida d'appuyer l'adoption de règles d'accessibilité. En 2002, suite à des consultations intégrées et respectées, coordonnées par la Commission des droits de la personne du pays, les Disability Standards for Accessible Public Transportation entrèrent en vigueur de loi. Elles énoncent des objectifs «fonctionnels» d'accessibilité et tous les modes de transports sont régis par une norme commune. En ce sens, elles diffèrent des normes prescriptibles appliquées par d'autres instances. Les normes fonctionnelles stipulent les résultats anticipés au lieu de prescrire les moyens et les paramètres requis pour atteindre ces objectifs. Ainsi, les transporteurs ont toute latitude pour choisir les moyens afférents. L'Australie, a-t-on expliqué, désirait avoir suffisamment de flexibilité pour se permettre des technologies de transports en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. C'est la raison pour laquelle des normes fondées sur les résultats anticipés furent préférées à des mesures précises.

Jusqu'à présent, les gouvernements fédéraux et des États ont accordé les fonds requis pour que les services publics, comme les traversiers, les chemins de fer et les taxis privés subventionnés (le principal mode de transport public) respectent les échéances imposées par les règlements. Certaines instances comme New South Wales (qui fut récemment l'hôte des Jeux Olympiques) sont, à bien des égards, très en avance sur les délais prescrits. Une telle conformité implique que les règlements n'ont pas fait l'objet de contestations judiciaires. La réduction du financement d'importantes initiatives, récemment annoncée, n'a pas encore provoqué un non-respect des échéances. Elle signale plutôt que l'ère de l'application du mécanisme d'exécution va bientôt commencer. Les échéances non respectées engendreront des litiges, incluant des différends sur la signification précises des normes «fonctionnelles» au libellé courant. Avec des normes aussi vagues et une application abandonnée à des pourvois judiciaires intentés par des particuliers, il est difficile pour un observateur externe d'être optimiste quant aux résultats anticipés.

Bien que toujours convaincus de l'efficacité des normes fonctionnelles du modèle australien, les leaders de la collectivité des personnes handicapées font néanmoins preuve de circonspection à cause de la généralité de ces normes et de la dépendance sur les litiges pour leur exécution. Et si les progrès vers la pleine accessibilité n'étaient plus financés par les deniers publics, les Australiens verraient si leurs tribunaux sont capables de relever le défi.

Le modèle australien semble attirer fortement les partenaires commerciaux de l'Asie Pacifique comme le Japon, la Malaisie, Singapour et la Nouvelle Zélande qui ont tous manifesté leur intention d'adopter et de respecter ce modèle. Ils s'engagent dans des réformes sans attendre les résultats des premiers litiges intentés au titre des règlements australiens.

L'expérience canadienne

Malgré les variations des mécanismes de réglementation adoptés par les divers gouvernements et examinés dans le cadre de cette étude, il est évident que pour toutes les instances, le moment le plus efficient et le plus efficace pour garantir l'accessibilité survient lorsque sont effectuées d'importantes dépenses en immobilisations. Ainsi l'accessibilité peut être réalisée le plus rentablement possible. Les règlements et leurs échéances, les normes prescrites et l'octroi des permis se conjuguent pour former le mécanisme fondamental visant à assurer des progrès à long terme vers la pleine accessibilité.

Le Canada a récemment pris la direction opposée. Des normes réglementaires existent comme celles relatives à la formation et aux services plutôt qu'à la conception et aux tarifs des véhicules et des gares. Elles sont exécutées par l'Office canadien des transports (« l'Office») par le biais d'une efficace et efficiente procédure de plaintes écrites et d'une disposition sommaire des causes.

Mais c'est la question du concept et des tarifs des véhicules qui a frustré l'Office et provoqué la régression. En 1993, l'Office a rendu un arrêt dans «l'affaire Buchholz c. Air Canada», portant sur les sièges supplémentaires requis à cause de l'incapacité du passager. L'Office a décrété que les politiques d'Air Canada constituaient «un obstacle abusif à la mobilité» des personnes handicapées. Mais voyant que le nouveau gouvernement libéral refusait d'adopter les règlements préliminaires de l'Office, qui traduisaient le jugement Buchholz et avaient été approuvés par le gouvernement sortant, l'industrie aérienne a conclu à un manque de détermination gouvernementale et a carrément défié l'Office. Même Air Canada a refusé de s'incliner devant le jugement rendu par l'Office dans l'affaire Buchholz. Le nouveau ministre des Transports invita l'industrie à respecter volontairement l'arrêt Buchholz et écarta les règlements. En 1996, la direction de l'Association canadienne des transports aériens (ACTA) refusa carrément, promettant que ses membres adhèreraient au statu quo (à savoir demi-tarif pour les sièges requis pour motif d'incapacité) mais ne respecteraient ni le jugement Buchholz ni la proposition du ministre. Ce fut un moment crucial pour l'accessibilité. Le ministre fit marche arrière, l'autorité de l'Office fut sapée et le processus de régression démarra. À l'heure de la rédaction de ce rapport, plusieurs membres de l'ACTA ont brisé la promesse faite en leur nom en 1996 et ont commencé à imposer plein tarif pour les sièges supplémentaires requis pour motif d'incapacité. Ces frais supplémentaires recréent pour les personnes handicapées un obstacle qui avait disparu au Canada depuis 1978.

La récente affaire VIA Rail prouve que le Canada est devenu un dépotoir pour les véhicules inaccessibles qui ne peuvent être mis en service dans d'autres pays développés. VIA Rail soutient qu'il a conclu une excellente affaire en achetant ces wagons inaccessibles, économisant environ 300 millions de dollars aux contribuables. En l'an 2000, le ministre des Transports a promis aux personnes handicapées que les trains seraient conformes au Code ferroviaire de pratiques volontaires de l'Office. Selon l'Office d'ailleurs, les nouveaux wagons ne sont pas conformes à ces normes et le coût de leur réfection serait relativement modeste, le gouvernement fédéral n'a rien fait pour respecter la promesse du ministre. Les trains inaccessibles sont toujours en opération.

À trois reprises, sans compter la motion contre l'Office pour outrage au tribunal, VIA Rail a contesté auprès de la Cour fédérale d'appel la plainte du CCD relative à ce matériel roulant. À l'heure actuelle, un pourvoi est encore en instance devant la Cour fédérale d'appel. Les témoignages seront entendus les 22 et 23 novembre. VIA soutient que la question de l'accessibilité des wagons (à savoir «le concept») ne relève pas de la juridiction de l'Office et que de plus ce dernier a engagé d'injustes procédures à son égard (qui ont duré trois ans à très grands frais pour le CCD). Il est évident que le gouvernement fédéral n'a pas voulu forcer VIA à respecter les normes d'accessibilité promises par le ministre précédent et n'a pas accordé à VIA les fonds requis pour effectuer les réfections imposées par l'Office. Pendant ce temps, le litige se poursuit inexorablement et le total des frais encourus par les parties et par l'Office, excède probablement les coûts des modifications requises pour que les wagons soient conformes à l'arrêté de l'Office.

Si VIA gagne son appel, cela prouvera que l'Office est impuissant en ce qui a trait aux questions d'accessibilité. Cela confirmera en termes clairs la perception qui se dégage depuis quelques temps au Canada, à savoir que les organes de réglementation n'ont pas l'autorité nécessaire pour régler adéquatement les questions d'accessibilité. Et même s'il perd son appel, VIA a déjà prouvé que les codes d'accessibilité volontaire énoncent des normes maximales et non minimales qui s'avèrent inadéquates pour atteindre l'objectif de pleine accessibilité. Les transporteurs sont ainsi encouragés à porter en justice toutes les causes fondées sur l'accessibilité afin de savoir jusqu'où l'Office leur permettra de faire des compromis dans ce domaine.

Conclusions et recommandations

On peut affirmer, sans exagérer, que les normes d'accessibilité, tout au moins celles visant les modes de transports relevant du champ de compétence fédéral, sont choses du passé. Le Canada se singularise parmi les pays développés étudiés puisqu'il affaiblit ses normes de réglementation au lieu de les consolider. De plus, il compte énormément sur les litiges pour déterminer les questions que des normes de réglementation, si elles existaient, auraient pu traiter plus efficacement.

Ni le gouvernement ni l'industrie n'ont tenu les promesses faites aux personnes handicapées. Les codes de pratiques volontaires se sont révélés inefficaces. Le gouvernement a abandonné sa position historique de chef de file dans ce domaine. Les organisations de personnes handicapées ont été forcées d'essayer de faire observer la conformité, un rôle pour lequel elles n'ont ni les ressources financières ni les ressources organisationnelles.

La principale recommandation de ce rapport est que le Canada arrête de croire que son système de réglementation fonctionne et adopte le modèle américain dans la plus grande perspective possible. Cela inclurait l'adoption globale des normes réglementaires d'accessibilité des USA (pour lesquelles aucune modification législative ne serait requise) ainsi que l'utilisation de l'expertise et des lignes directrices de l'Access Board. Cela exigerait que le ministère de la Justice ou le ministère des Transports puisse, législativement et financièrement, engager des poursuites dans le cadre d'un mécanisme d'exécution efficace. C'est fondamentalement le modèle enchâssé dans la Loi ontarienne sur l'accessibilité des personnes handicapées 2004, récemment déposée. Notons que, même si elle était adoptée, il nous faudrait quand même plusieurs années avant de commencer à évaluer son efficacité sur les modes de transport de compétence provinciale.

Le Comité consultatif du ministre sur les transports accessibles (CCTA) a longtemps été bloqué par une condition de consensus artificiellement imposée entre les représentants des fournisseurs de services de transport et les personnes handicapées. Bien que cette exigence ait été modifiée, Transport Canada continue à ne pas attacher d'importance aux recommandations du CCTA. Le CCTA ne règle pas les grands dossiers de l'heure. En promettant que les wagons VIA Rail seraient conformes au Code ferroviaire et en ne tenant pas sa promesse, le ministre a sapé la crédibilité du Comité. La question «une personne, un tarif» n'a pas été débattue depuis 1993. Nous recommandons donc que le gouvernement restaure la crédibilité du CCTA en veillant à ce que les wagons Renaissance soient adaptés conformément aux normes du Code ferroviaire. Dans l'absence de mesure immédiate, les consommateurs devront décider si le CCTA continuer à être efficace pour les fins stipulées. La collectivité des personnes handicapées exige un mécanisme efficace pour conseiller le ministre. L'industrie a d'autres moyens de lobbying à sa disposition. Étant donné les progrès réalisés dans le monde et la régression qui se produit au Canada, les membres du CCTA doivent déterminer s'ils font partie du problème au lieu de faire partie de la solution.

Il est difficile, à l'heure actuelle, de prévoir les dommages subis par l'Office quant à son pouvoir de répondre aux demandes conformément à l'article 172 de la Loi. Même si VIA perd son appel, l'Office devrait bénéficier d'un pouvoir clairement défini pour émettre des décisions intérimaires en attendant le décret opportun des décisions d'accessibilité. Il devrait en outre être capable d'imposer de rigoureuses pénalités et de véritables prestations compensatoires qui empêcheraient les transporteurs de défier l'Office et d'en contrôler ainsi les processus. De tels arrêtés inciteraient les transporteurs à évaluer au préalable les répercussions de la non-conformité aux normes canadiennes d'accessibilité et à coopérer en vue d'un rapide règlement des applications. Les options sont claires. En n'agissant pas, le gouvernement confirmera qu'il ne s'engage pas envers la réalisation de l'accessibilité.

Des mesures s'imposent de toute urgence afin que le Canada ne devienne pas un dépotoir pour les véhicules inaccessibles des autres gouvernements forcés de respecter de rigoureuses normes d'accès.

Parmi tous les pays développés examinés, le Canada est le seul à dépendre de normes volontaires. La régression est bien évidente. Il faut agir! Cette responsabilité incombe au gouvernement fédéral et aux représentants des personnes handicapées.

INTRODUCTION

Comme pour tous les autres secteurs, c'est en affirmant leurs droits et en obligeant les autres à reconnaître la légitimité de leurs demandes que les personnes handicapées feront progresser la reconnaissance de leurs droits.

Depuis sa fondation à la fin des années 1970, le CCD a, en tant qu'organisation nationale de personnes à poly-incapacités, fait preuve de leadership et d'opportunisme dans les initiatives clés visant l'accessibilité des transports, notamment:

  • Il a apporté un témoignage d'expert dans l'arrêt Clariss Kelly c. VIA Rail, jugé en 1979 par la Commission canadienne des transports;
  • De même, témoignage d'expert sur l'accessibilité des transports, devant le Comité parlementaire sur la condition des invalides et des handicapés, ce qui s'est traduit dans l'innovateur Rapport Obstacles par d'importantes recommandations pour l'accessibilité des transports.
  • Il a été intensément consulté par le ministre libéral des Transports lors de l'élaboration de la Politique nationale sur les transports accessibles et des tarifs d'accessibilité, à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
  • Il a été intensément consulté par le gouvernement conservateur lors de la déréglementation publique des modes nationaux de transport, ce qui a renforcé les exigences d'accessibilité pour les personnes handicapées dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux, (désormais la Loi sur les transports au Canada);
  • Il a été intensément consulté par l'Office national des transports (désormais l'Office des transports du Canada), lors de la promulgation des règlements d'accès facile, à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Au cours de cette période, (1979-1993) le Canada finit par être reconnu comme un leader mondial en matière d'accessibilité des transports. De concert avec des organisations de personnes handicapées, le CCD inclus, le gouvernement fédéral assuma le leadership. C'est également au cours de cette période-là que l'on a compris et reconnu que les mesures volontaires ne supprimeraient jamais les obstacles marginalisant les voyageurs handicapés. Des mesures gouvernementales s'imposaient donc.

Au cours des années 1960, des études furent effectuées sur la manière dont les usagers de fauteuils roulants se déplaçaient dans leur propre environnement. À partir de données sur la grandeur des fauteuils roulants, qui semblent modestes par rapport aux récents développements sur le basculement/inclinaison et autres caractéristiques ainsi qu'à l'utilisation largement répandue des triporteurs et des habitacles mobiles, des mesures normalisées furent établies pour la largeur des portes, les rayons de braquage, les dispositifs d'arrimage et les concepts de salles de bains. Ces mesures, qui devant l'agrandissement actuel des fauteuils roulants auraient certainement besoin d'être révisées, furent très rapidement adoptées dans le monde entier et servirent de trame aux mouvements internationaux qui se créèrent pour légiférer l'accès aux édifices puis aux transports. Ces études ont mené à la création d'une loi qui garantissait un sens évident et cohérent au mot «accessible».

En 1993, tous les modes de transports pouvaient se procurer des technologies d'accessibilité. Les contraintes techniques ne pouvaient donc plus être invoquées pour justifier le non-accommodement des personnes handicapées. Encore fallait-il que les fournisseurs soient prêts à utiliser ces technologies. Les mesures gouvernementales et les technologies d'accessibilité semblaient pourtant se conjuguer pour réaliser la promesse d'une totale accessibilité.

Mais le gouvernement fédéral changea en 1993. Sous les pressions de l'industrie et sans consulter les personnes handicapées, le nouveau gouvernement Libéral décida que les règlements d'accessibilité n'étaient plus nécessaires. Il déclara que les codes de pratiques volontaires suffiraient pour réaliser une totale accessibilité. Les projets de règlements avancés par l'Office national des transports, et qui devaient être parachevés par le gouvernement sortant, furent arrêtés.

Lorsque les codes de pratiques volontaires furent publiés, les représentants des principaux transporteurs manifestèrent publiquement leur intention d'y adhérer. Le gouvernement maintint encore que ces changements n'entraveraient nullement la voie de la pleine accessibilité. Les personnes handicapées se retrouvèrent devant un fait accompli. Leur point de vue importait peu. Seul le temps confirmerait ou non la véracité des affirmations du gouvernement et de l'industrie.

Ce changement de politique impliqua que l'application de l'accessibilité serait uniquement exécutée par des demandes individuellement adressées à l'Office des transports du Canada, un organe qui depuis le démantèlement de son prédécesseur, la Commission des transports du Canada, n'avait jugé aucun différend relatif à d'importants d'obstacles en matière de transport.

Grâce à ses réseaux internationaux, le CCD apprit toutefois que d'importantes avancées vers la pleine accessibilité avaient été effectuées dans la plupart des autres pays en développement. Or, par des violations des codes de pratiques volontaires et par le bris de promesses du gouvernement et de l'industrie, le Canada régressait dans plusieurs secteurs. Les répercussions se manifestèrent dans deux cas importants: tout d'abord l'achat par VIA Rail de wagons de passagers inaccessibles qui n'avaient pu être vendus qu'à des pays n'ayant pas de normes ferroviaires d'accessibilité. Ensuite, la suppression des réductions de tarifs accordées aux auxiliaires fournissant, à bord des aéronefs, des services aux passagers handicapés.

En apprenant que le Canada régressait rapidement et que de leader mondial en matière d'accessibilité, il tombait à un niveau d'absence totale de règlement, comme c'est le cas dans les pays du tiers-monde, le CCD fut saisi d'inquiétudes et décida d'entreprendre un profond examen afin d'évaluer les changements canadiens dans un contexte international. Mais il voulait auparavant s'assurer de tisser une solide trame sur laquelle il pourrait baser son processus décisionnel.

L'ÉTUDE

Par accessibilité on entend l'élimination des obstacles qui empêchent les personnes handicapées d'accéder aux transports publics en toute égalité et d'en profiter. Ces obstacles peuvent entraver l'accès des personnes ayant divers types d'incapacités. Le CCD connaît parfaitement l'importance de traiter le vaste éventail des enjeux. Mais à cause de ressources limitées, l'examen international de toutes les questions d'accessibilité s'est avéré irréalisable. Par conséquent, cette étude sera centrée sur l'accès aux fauteuils roulants. D'ailleurs, à cause des coûts impliqués, les transporteurs sont beaucoup moins enclins à faciliter l'accès aux personnes en fauteuil roulant. On pourrait aussi affirmer, de manière empirique, qu'en général les concepts incluant les personnes en fauteuil roulant incluent aussi les personnes ayant des incapacités motrices et sensorielles beaucoup moins graves. Le CCD est pleinement conscient des questions d'accessibilité qu'affrontent toutes les personnes handicapées. C'est pourquoi, ce rapport sera donc utilisé pour susciter des mesures garantissant la pleine accessibilité.

Le rapport porte sur les transports urbains, les autobus interurbains, les transports ferroviaires et aériens. Certes, d'autres modes de transports existent qui auraient pu être examinés. Mais ces modes ont été priorisés afin de produire un rapport aux dimensions pratiques.

Un consultant juridique ayant déjà comparé les règlements internationaux analogues pour le gouvernement fédéral et pour le gouvernement de l'Ontario, a été engagé. Il a été chargé d'effectuer une analyse comparative des cadres de réglementations régissant les questions d'accessibilité aux États-Unis, au Royaume-Uni, dans la Communauté européenne et en Australie. Il devait en outre examiner les progrès réalisés en vue d'une idéale intégration totale, évaluer l'efficacité de la mise en exécution et cerner les régressions éventuelles dans un contexte de changement politique et de conjoncture économique. Il devait également essayer de jauger les résolutions du gouvernement, l'opposition de l'industrie et la satisfaction des consommateurs vis-à-vis des initiatives d'accessibilité lancées par chaque instance.

Il devait ensuite examiner la situation au Canada, établir des comparaisons internationales entre le Canada et les autres pays et, le cas échéant, formuler des recommandations aux fins de réforme canadienne.

LES TRANSPORTS: UN BIEN PUBLIC AU CANADA

Le secteur des transports offre l'un des premiers exemples de réglementation gouvernementale de l'industrie privée. Dès l'époque pré-élizabéthaine, les tribunaux anglais de common law contraignaient les opérateurs de traversiers et de coches à offrir des transports à toute la population, sans aucune discrimination. Connus sous le nom de «transports en commun», ces modes de transports publics étaient dirigés par des monopoles royaux ou de fait. De graves dommages économiques et sociaux pouvaient découler des faveurs faites à certains modes au détriment d'autres. Afin de garantir le droit universel à l'égalité dans le domaine des transports, les tribunaux condamnèrent la discrimination et exigèrent qu'un accès équitable soit garanti à tous, en termes équitables.

Par conséquent, même à une époque où l'intervention gouvernementale exercée au-delà de l'autorité royale était pratiquement inconnue, le rôle exclusivement «public» des modes de transports privés était déjà reconnu.

Les transports publics devinrent quelquefois si cruciaux pour l'intérêt public que les gouvernements de la planète durent s'impliquer à titre d'opérateurs. Ainsi, dans presque toutes les villes des pays développés, les transports urbains fonctionnent comme un service public ou en vertu d'un permis public. Il est certain que la concurrence entre les opérateurs privés ne favorise pas l'uniformité d'un niveau de services requis à un prix abordable. Par l'attribution de monopoles selon des conditions précises ou par des conditions rattachées à la prestation de subsides gouvernementaux, les transports urbains furent dès le début hautement réglementés.

Au fil des ans, une forme plus systématique et plus pro-active de réglementation gouvernementale remplaça le rôle de common law des tribunaux qui jusqu'alors exerçaient leur juridiction sur les transports en commun. Au niveau fédéral, la Commission canadienne des transports régissait les modes de transportant relevant de la compétence fédérale, y compris les transports aériens, ferroviaires et les traversiers. Ces organismes de réglementation créés par la loi étaient dotés de vastes pouvoirs discrétionnaires pour réglementer la concurrence par l'émission de permis, l'établissement des termes de transports et des tarifs. Ces pouvoirs discrétionnaires devaient être exercés pour l'avancement de politiques gouvernementales précises ou pour «l'avancement de l'intérêt public». Contrairement aux tribunaux, ils ont du personnel spécialisé dans divers domaines et assumant une vaste gamme de fonctions spécialisées en réglementation.

Ces organismes de réglementation pouvaient être pro-actifs lors de l'examen des permis ou l'établissement des tarifs. Ils pouvaient également répondre aux plaintes déposées par des citoyens. Ce n'est qu'en répondant à des plaintes formulées par des personnes handicapées que ces organismes de réglementation en vinrent à examiner la question d'accessibilité. Même si les plaintes ont été rares et à de longs intervalles, probablement à cause de la rareté des précédents et du manque de ressources financières requises par les personnes handicapées pour entamer des procédures judiciaires, les résultats confirmèrent non seulement que «l'intérêt public» incluait aussi les intérêts des personnes handicapées mais encore que cet intérêt général serait mieux servi si les personnes handicapées étaient en mesure d'accéder réellement au mode de transport en question.

Ainsi par exemple, en 1979, dans l'affaire de l'usagère de fauteuil roulant Clariss Kelly, le Comité des transports ferroviaires de la Commission des transports du Canada statua qu'il incombait à VIA Rail de garantir à la plaignante l'accès à ses trains de passagers dans plusieurs gares du pays.1

Les Nations Unies proclamèrent 1981 comme l'Année internationale des personnes handicapées. Pour marquer l'année, le gouvernement canadien établit le Comité parlementaire spécial sur les invalides et les handicapés, présidé par David Smith. Dans son rapport intitulé Obstacles, le Comité a examiné les obstacles systémiques et a réclamé leur éradication par intervention gouvernementale. Plusieurs recommandations d'Obstacles portaient sur les transports.

Dans la recommandation 83, le Comité réclamait l'élaboration d'une politique nationale sur le transport des personnes handicapées. Après d'intenses consultations, le ministre des Transports Lloyd Axworthy publia une politique nationale statuant que:

Conformément à la Loi nationale sur les transports, la politique vise à garantir un accès sécuritaire, raisonnable et équitable aux modes de transports de compétence fédérale et à supprimer les obstacles aux voyages physiques et comportementaux affrontés par les personnes handicapées.

La Commission des transports du Canada continua à statuer sur des causes individuelles2 et, à la demande du gouvernement, à progresser sur des questions systémiques comme celle «d'une personne, un tarif.»3

En 1987, le gouvernement conservateur nouvellement élu décida que la déréglementation des transports s'imposait. Après avoir déposé en Chambre un projet de loi qui aurait privé la CTC de son pouvoir de supprimer les obstacles affrontés par les personnes handicapées, le gouvernement modifia ce projet de loi pour préserver et sans doute accroître ces pouvoirs. Au nom de plusieurs groupes de personnes handicapées, le chercheur responsable de ce rapport participa intensément à la formulation du libellé des articles 170 à 172 et ce, en collaboration avec le directeur général de Transport Canada qui consultait le conseiller juridique du ministère et le Cabinet du ministre. Le nouvel organe fédéral de réglementation remplaçant la CTC, allait avoir le pouvoir d'initier des règlements d'accessibilité et de régler les demandes personnelles d'examen d'obstacles susceptibles d'être supprimés par l'application des règlements. Cette loi se lit comme suit:

PARTIE V
TRANSPORT DES PERSONNES AYANT UNE
DÉFICIENCE

Règlements

170. (1) L'office est autorisé à prendre des règlements afin d'éliminer tous les obstacles abusifs, dans le réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement, aux possibilités de déplacement des personnes avec des déficiences, et à cette occasion, il parvient notamment à régir

  1. la conception et la construction des moyens de transports ainsi que des
  2. installations et locaux connexes - y compris les commodités et
  3. l'équipement qui s'y trouvent - leur modification ou la signalisation
  4. dans ceux-ci ou leurs environs;
  5. la formation du personnel des transporteurs ou de celui employé dans
  6. ces installations et locaux;
  7. toute mesure concernant les tarifs, taux, prix, frais et autres conditions
  8. de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux
  9. personnes ayant une déficience;
  10. la communication d'information à ces personnes.

Incorporation par envoi

(2) Il peut être précis, dans le règlement (1) qui incorpore par renvoi des normes ou des dispositions, qu'elles sont incorporées avec leurs modifications successives.

Exemption

(3) L'Office peut, par arrêté pris avec l'agrément du gouverneur en conseil, soustraire à l'application de certaines dispositions, les personnes, les moyens de transport, les installations ou locaux connexes ou les services qui y sont désignés. (1)

S.C. 1996, par.10, art.170 en vigueur le 1 er juillet 1996 (SI/96-53)

Coordination

171. L'Office et la Commission canadienne des droits de la personne sont tenus de veiller à la coordination de leur action en matière de transport des personnes ayant une déficience pour favoriser l'adoption de lignes de conduite complémentaires et éviter des conflits de compétence.

S.C. 1996, par.10, art.171 en vigueur le 1 er juillet 1996 (SI/96-53)

Enquête: Obstacles au déplacement

172. (1) Même en l'absence de disposition réglementaire applicable, l'Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l'un des domaines visés au paragraphe 170 (1) pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

Décision de l'Office: Conformité aux règlements

L'Office rend une décision négative à l'issue de son enquête s'il est convaincu de la conformité du service du transporteur aux dispositions réglementaires applicables en l'occurrence.

Décision de l'Office: recours

(3) En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés, par une personne ayant une déficience, en raison de l'obstacle en cause, ou les deux.

S.C. 1996, par.10, art.172 en vigueur le 1 er juillet 1996 (SI/96-53)

Entre 1987 et 1993, l'Office national des transports promulgua peu de règlements et agit comme si les obligations des transporteurs aériens, qui étaient inclues dans les anciennes conditions mandataires de leurs tarifs, demeuraient en vigueur. Pendant cette période, les causes ont porté sur l'application du statu quo; et au lieu de décisions systémiques qui auraient traduit de modifications de politiques, les mesures correctrices visaient surtout la formation du personnel.

L'industrie défie l'ONT et résiste aux tentatives de réglementation

La seule tentative de modification du statu quo devint le point tournant de la réglementation canadienne.

En 1992, l'ONT consulta les groupes représentant les personnes handicapées et l'industrie aérienne sur les tarifs imposés aux accompagnateurs des personnes handicapées. À l'époque, l'industrie appliquait encore le statu quo, à savoir 50% de réduction, même si ce tarif n'était plus obligatoire et sujet à révision comme cela avait été le cas avec la CTC. Les représentants des personnes handicapées, comme le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) continuaient à réclamer, comme ils l'avaient fait tout au long des années 1980, la promulgation de la recommandation 88 du rapport Obstacles, recommandant le règlement qui était connu sous l'expression «une personne, un tarif.» L'industrie s'opposa à ce règlement.

Dans un arrêté4 publié en août 1993, l'ONT préconisait un compromis entre la position de l'industrie et celle du CCD. Il stipulait que l'imposition, par l'industrie aérienne, d'un tarif pour tout siège supplémentaire requis par un voyageur handicapé à cause de son incapacité (par exemple lorsque le passager doit être sur une civière) ou l'imposition de plus de 25% du prix du billet pour un siège destiné à l'accompagnateur d'une personne handicapée, constituaient un obstacle abusif. Air Canada ne porta pas le jugement en appel. On aurait alors pu assumer que la question était réglée, tout au moins en ce qui concernait Air Canada. Mais la compagnie aérienne ne tint absolument pas compte du jugement Buckholz et continua, comme si rien ne s'était passé, à imposer le prix des billets aux passagers, sachant que cela constituait un obstacle abusif à leur mobilité.

Plus tard cette année-là, avec l'approbation du gouvernement conservateur, l'ONT publia des modifications préliminaires au Réglement sur le transport aérien, réglant partiellement la question du tarif pour les accompagnateurs. Un résumé de l'étude d'impact de la réglementation y était annexé, démontrant que le coût réel de la réduction des tarifs serait minime. Ce règlement restreint à la question du tarif des accompagnateurs, et suite à ses propres conclusions dans l'affaire Buckholz, aurait exigé une réduction de 75% du tarif pour les accompagnateurs. Ce règlement ne traitait pas toutefois de la question des tarifs à imposer aux personnes occupant plus d'un siège à cause de leur incapacité. Il ne s'appliquait pas non plus aux tarifs des accompagnateurs pour les aéronefs de moins de trente (30) sièges.

Des lignes directrices d'application volontaire au lieu de règlements

En 1994, le nouveau gouvernement libéral modifia le Règlement sur le transport aérien. Mais les dispositions relatives à la question «une personne, un tarif» ont été supprimées. Et au moment où le Règlement était publié dans la Gazette du Canada, le gouvernement publiait, de concert avec le Règlement préliminaire, «une proposition de réglementation» allouant une réduction de 75% au tarif des accompagnateurs des passagers handicapés. Le ministre sollicita des réactions à sa proposition.

Un an et demi plus tard, en juin 1995, le ministre des Transports invita par écrit l'Association canadienne des transporteurs aériens (ACTA) à adopter volontairement la politique «une personne, un tarif» comme alternative à l'imposition d'un règlement gouvernemental. Le ministre invita l'ACTA à élaborer un plan d'accommodement des passagers touchés, comme alternative à la réglementation d'un rabais de 75% pour les accompagnateurs.

En octobre de cette année-là, deux événements allaient symboliser l'orientation future de cette situation. Tout d'abord, le CCD comparut devant le Comité parlementaire permanent sur les Transports, qui tenait des audiences publiques sur le Projet de loi C-101, proposition de la nouvelle Loi canadienne sur les transports. Le CCD recommanda que les règlements soient davantage appliqués pour supprimer les obstacles à la mobilité des personnes handicapées. Pratiquement à la même période, l'ACTA répondait à la lettre du ministre, déclarant que sa réduction «volontaire» de 50% du tarif des accompagnateurs devrait être jugée suffisante. Elle refusait d'aller au-delà mais promettait que ses membres maintiendraient le statu quo.

Il devint alors évident que le lobbying de l'ACTA auprès du ministre avait porté fruits. On avait de plus compris que le gouvernement ne voulait plus émettre de règlements d'accessibilité. En novembre 1995, pour la première fois, l'ONT songea à utiliser les «lignes directrices de l'industrie» comme alternative aux règlements. Ces lignes directrices expliquait-il, seraient des normes minimales auxquelles les transporteurs aériens devraient se conformer ou excéder. En mars 1996, l'ONT publia un «Code préliminaire de pratiques.» Même si les dispositions devaient être appliquées volontairement, les transporteurs aériens sont avisés de s'y conformer ou de les excéder «chaque fois que possible.» Le Code ne fait aucune référence à la question «une personne, un tarif.»

Aucun autre règlement n'a été adopté après la promulgation, en 1994, du Règlement sur le transport aérien, qui n'a réussi qu'à codifier les dispositions des tarifs obligatoires en vigueur depuis le début des années 1980. Les règlements ont nettement été perçus comme des mécanismes fondamentaux de création de normes d'accès pour les personnes handicapées. La Loi sur les transports et la Loi canadienne sur les droits de la personne ont des mécanismes pour l'adoption de règlements. Le CCD en a alors conclu que de tels mécanismes pourraient devenir fonctionnels, même sans de nouvelles initiatives législatives comme l'adoption de la Loi canadienne sur les personnes handicapées.5

En octobre 1997, le ministre des Transports écrivit à l'ACTA. Il voulait connaître la position de l'industrie vis-à-vis de la question des tarifs des accompagnateurs, qui était toujours en suspens. Le mois suivant, l'ACTA avisa le Comité consultatif du ministre sur les transports accessibles (CCTA) qu'elle s'opposait au règlement puisque ses membres s'étaient fermement engagés à accorder une réduction de 50% du tarif des accompagnateurs. Elle ne changerait pas d'avis.

En mai 1998, le CCTA établit un sous-comité sur les tarifs aériens des accompagnateurs, composé de deux représentants de l'industrie et des organisations de personnes handicapées. Ce sous-comité avait jusqu'au 2 octobre 1998 pour soumettre au ministre une solution consensus vis-à-vis de la question des tarifs aériens pour les accompagnateurs. Il n'a jamais formulé aucune recommandation.

Lorsque la question lui fut soumise, l'Office des transports du Canada (qui avait remplacé l'ONT suite à la promulgation de la Loi canadienne sur les transports), évita carrément de la régler. Il déclara que les frais supplémentaires payés pour une personne handicapée ne constituaient pas un obstacle abusif puisqu'ils étaient absorbés par un assureur.6 Les demandes ultérieures visant cette question furent donc ajournées indéfiniment.

Pendant ce temps, les transporteurs aériens à rabais comme WestJet et même la filiale Jazz d'Air Canada brisaient la promesse de l'ACTA, mettant carrément fin à la réduction du tarif pour les accompagnateurs. Incapables de laisser passer cette régression sans réagir, le CCD, Eric Norman et Joanne Neubaeur déposèrent une soumission systémique auprès de l'OTC, contestant les tarifs aériens, les frais d'aéroport et les taxes de sécurité aérienne imposées pour chaque siège. Cette demande déposée le 19 novembre 2002 succédait à plusieurs autres demandes successivement déposées depuis le 1 er avril 2001. Mais toutes ces demandes furent laissées en suspens puisque la compagnie Air Canada s'était placée sous la protection de la Loi sur les faillites. Air Canada s'est sortie de cette protection en octobre 2004. La cause devrait donc être examinée.

L'application volontaire est-elle fonctionnelle?

Le transport aérien n'était pas le seul mode de transport touché par le refus gouvernemental de sanctionner le règlement d'accessibilité. L'OTC a émis les Codes d'application volontaire suivants: Accessibilité des traversiers pour les personnes ayant une déficience, Accessibilité des voitures de chemin de fer et condition du transport ferroviaire des personnes ayant une déficience (le Code ferroviaire») et Accessibilité des aéronefs pour les personnes ayant une déficience. De plus, le gouvernement fédéral a adopté le Code de pratiques pour les autobus routiers.

Pour répondre à la question ci-dessus, nous devons tout d'abord évaluer les résultats actuels par rapport aux codes en tant que tels. Pour évaluer le succès ou l'échec de la décision gouvernementale de rejeter les règlements et de ne proposer aux transporteurs que des conseils sur la conduite à suivre, nous avons un exemple parfait: le plus important achat en une génération de wagons de passagers effectué par VIA Rail.

Avant le parachèvement du Code ferroviaire, VIA Rail s'était volontairement engagé à se conformer aux normes d'accès basées sur les normes d'aménagement pour accès facile de l'ACNOR. Également basé sur ces préceptes, le Code ferroviaire n'est pas arrivé à quelque peu modifier les normes envers lesquelles VIA Rail s'était volontairement engagé. Le Code fut élaboré suite à un processus que l'Office avait décrit comme un «processus de consensus». En 1998, lors du dévoilement du Code au cours d'une cérémonie à l'Union Station, le président-directeur général de VIA garantit l'adhésion totale de sa compagnie.

Pour les personnes handicapées, le transport ferroviaire est un mode de transport hautement souhaitable. Aucune caractéristique technique ne peut entraver l'accessibilité totale des nouveaux trains et des gares. Des réseaux totalement accessibles fonctionnent dans d'autres pays, incluant les États-Unis.

Malgré les avantages (et la faisabilité) que leur procureraient des trains de passagers accessibles, les Canadiens avec des déficiences acceptèrent de vivre avec les limites des wagons actuels de VIA Rail et ce, jusqu'à ce qu'un nouveau matériel roulant soit acheté. Rappelons que VIA Rail avait acheté son actuel matériel roulant avant la promulgation des codes de la construction.; ne parlons même pas du code ferroviaire. Les efforts de réfection des voitures-coach de VIA se heurtaient aux limitations structurelles de la coque externe des wagons. Ainsi, les portes d'entrée ne seraient jamais assez larges pour être conformes au Code ferroviaire. De plus, VIA n'a aucune voiture couchette aménagée. Les personnes capables d'accéder aux wagons 1 LRC de VIA (c'est-à-dire celles utilisant des fauteuils roulants étroits ou des triporteurs) estiment que les aménagements intérieurs sont généralement acceptables, notamment une zone d'arrimage acceptable et des toilettes, petites certes mais bien conçues.

À l'automne 2000, VIA Rail annonça qu'il envisageait d'acheter des wagons de passagers Nightstock (ci-après appelés Renaissance), fabriqués par Alstom du Royaume-Uni aux fins d'utilisation sur le réseau Londres-Paris. Afin de pouvoir rouler dans le «Chunnel», le tunnel sous la Manche, ces trains étaient plus étroits que les trains nord-américains d'environ 500 mm. Leur accessibilité était assez limitée, essentiellement réduite à un compartiment couchette isolé dans le wagon-foyer et appelé «la suite accessible». Or, ses portes étaient plus étroites que ne l'exigeait le Code; il n'y avait aucune zone d'arrimage et, malgré leurs dimensions, les toilettes ne correspondaient pas, et de loin, aux normes du Code ferroviaire.

Les personnes handicapées qui visitèrent ces trains furent unanimes dans leurs critiques. Puisque le ministre des Transports avait promis aux membres du CCTA que les trains répondraient aux normes d'accès canadiennes, on présuma tout d'abord que les wagons Renaissance ne seraient jamais achetés. En fait, le ministre écrivit au président de VIA, lui demandant d'obtenir l'avis expert de l'Office afin de déterminer l'éventuelle conformité de ces wagons au Code ferroviaire. VIA Rail ne demanda jamais à l'OTC d'examiner la conformité des wagons Renaissance aux exigences canadiennes d'accessibilité. De concert avec d'autres intervenants, notamment le président du CCTA, Eric Boyd, le CCD demanda par écrit d'être rassuré sur le fait que VIA n'avait nullement d'intention d'acheter des wagons Renaissance. Voyant que ni VIA ni le ministre ne répondaient à sa demande, et que l'Office avait d'autre part confirmé qu'il n'avait pas reçu de demande d'évaluation d'accessibilité de la part de VIA, le CCD introduisit une requête auprès de l'OTC, le priant d'évaluer l'accessibilité des wagons conformément aux dispositions du Code ferroviaire d'application volontaire et de la clause «obstacle excessif» de l'article 172 de la Loi et ce, avant la prise de toute décision d'achat. Le CCD espérait que l'OTC se prononcerait sur sa requête avant l'annonce de la décision.. VIA répondit que l'achat avait été conclu avant l'inspection accordée aux personnes handicapées. Il demanda en outre que la demande soit rejetée, pour ce motif.

Mais l'OTC refusa de révoquer la demande du CCD. Il rejeta toutefois sa demande d'injonction provisoire sur l'arrêt des travaux de réfection en attente du jugement. Le refus de cette injection permit à VIA de continuer à modifier les wagons, rendant leur renvoi plus difficile. Ces retards de procédure permirent la mise en service des wagons avant que l'OTC n'ait pu statuer sur leur conformité aux normes canadiennes d'accessibilité. Il semble qu'en retardant la procédure de l'OTC par diverses tactiques, VIA cherchaient à mettre l'OTC et les personnes handicapées devant un fait accompli.

VIA s'objectait néanmoins à l'examen de l'OTC du concept des wagons Renaissance. Il se tourna vers la Cour fédérale d'appel pour obtenir l'autorisation d'en appeler de la décision de l'OTC de statuer sur cette question, alléguant que cela n'était pas de son ressort. Mais la Cour fédérale se prononça en faveur du CCD. VIA se retourna encore et interjeta appel auprès de la Cour fédérale, alléguant que la période allouée pour un jugement de l'OTC avait expiré, ce qui privait l'OTC de toute juridiction en la matière. Influencée probablement par le fait que l'expiration du délai résultait directement du précédent pourvoi de VIA, la Cour débouta une fois de plus la compagnie ferroviaire. Et dans le même jugement, elle rejeta le procès pour outrage esté par VIA contre l'OTC. VIA présumait sans doute que sa stratégie des coûts judiciaires élevés forceraient le CCD à abandonner la lutte. Si c'était vraiment son plan, il a échoué. Le Conseil du CCD a décidé de poursuivre les démarches, peu importent les coûts.

Suivirent alors une série de «visites» (ou examens) des trains, d'interrogatoires visant à obtenir des informations de VIA et une audience tenue à la demande de VIA. Le CCD fournit plusieurs rapports d'experts, attestant que les wagons Renaissance n'étaient pas accessibles ni susceptibles d'être utilisés par la majorité des personnes handicapées et qu'une réfection s'imposait aux fins d'accessibilité.

VIA décida de ne pas soumettre de rapport d'experts. Il semblait vouloir priver l'OTC de toute information qui, à son avis, aurait permis à l'Office de statuer contre lui. Il fallut à l'OTC plus de deux ans et demi pour rendre sa décision. Dans son arrêté, l'OTC n'appliqua pas strictement les dispositions de son Code ferroviaire. Alors que le Code stipule que chaque wagon-couchette doit avoir une suite accessible, aucun des wagons-couchettes Renaissance n'est accessible. De plus, les toilettes de la «suite accessible» située dans le wagon-foyer ne sont pas accessibles. Seuls certains voitures-coach allaient avoir des zones d'arrimage et des toilettes accessibles. L'OTC attendait encore des informations de VIA en vue de trouver une solution corrective, lorsque VIA décida d'interjeter appel auprès de la Cour fédérale d'appel.

La procédure d'exécution de l'OTC fut arrêtée par une «suspension», ce qui permit à VIA d'exercer son droit de pourvoi avant d'avoir à effectuer des changements. Dans son appel, VIA soutient que la requête du CCD soulève des questions systémiques et qu'elle est prématurée. Il allègue qu'il n'a jamais été prévu par le Parlement que l'OTC ait toute autorité sur l'accessibilité des wagons ferroviaires. Si l'appel de VIA est accordé, l'OTC ne pourra plus être un organe de réglementation en matière d'accessibilité. Pendant ce temps, et pour avoir tout simplement exercé son droit d'interjeter appel, VIA a pu, pendant deux à trois ans, continuer à faire fonctionner ses trains inaccessibles. Et même lorsque la Cour fédérale rend son jugement, un appel pourra être interjeté auprès de la Cour suprême du Canada.

Il est encore trop tôt pour savoir su les courts accueilleront et maintiendront la décision de l'OTC. Mais il est temps toutefois de commencer à formuler des conclusions sur les codes de pratiques volontaires.

Notons tout d'abord que l'application du Code ferroviaire n'est pas automatique. Quelqu'un - et c'est le CCD dans cette affaire - doit poser un jalon et décider d'introduire une requête afin que l'OTC puisse commencer à examiner la conformité des wagons Renaissance aux normes d'accès canadiennes. Bien que les wagons Renaissance aient été vus par le personnel de l'OTC, aucune évaluation ne fut proposée ni aucune certification ne fut exigée avant leur achat ou leur mise en service. À défaut d'une requête de VIA, le processus de la Loi prévoit qu'un volontaire comme le CCD retient les services d'un avocat, ce qui implique d'énormes dépenses. Même si la Loi stipule que les audiences doivent être rapidement effectuées, un intimé déterminé peut, comme le prouve cette affaire, faire durer les procédures pendant des mois, voire des années au-delà des échéances légales. Si le CCD n'avait pas respecté les échéances imposées, l'OTC aura pu carrément rejeter sa requête. En revanche, l'OTC ne semble pas être capable d'exiger que VIA respecte ses arrêtés.

Dans son arrêté, l'OTC n'a pas déclaré que les normes du Code ferroviaire avaient force exécutoire sur VIA. Il ne serait pas injuste de dire qu'elle représente en fait des normes maximales au lieu des attentes minimales qu'elles étaient censées être lorsqu'elles ont été présentées au public.

Il est trop tôt pour prédire si la procédure d'appel va finir par confirmer ou supprimer l'autorité de l'OTC. Quelle que soit l'évolution des événements, il est évident qu'au Canada, les normes d'application volontaire n'ont pas réussi à contrecarrer l'achat et la mise en services de wagons inaccessibles, ce qui ne serait jamais arrivé dans les pays ayant des normes exécutoires.

Et s'il faut des preuves, regardons tout simplement les wagons Renaissance. À la fin de leur exploitation pour le tunnel sous la Manche, une requête fut introduite pour une utilisation nationale en Angleterre. Mais pour les mettre en service, il fallait obtenir un permis certifiant que les wagons étaient conformes au Rail Vehicle Accessibility Regulations 19987, promulgués en vertu de la Disability Discrimination Act 1995. Ann Frye refusa d'accorder le permis et les trains furent rapidement mis en vente. Si le Canada avaient eu de semblables normes de réglementation, VIA Rail n'aurait jamais pu acheter les wagons. À l'heure actuelle, VIA s'enorgueillit d'avoir économisé 300 millions de dollars et d'avoir conclu une excellente affaire grâce à son astucieuse gestion. En fait, il n'y avait pratiquement pas eu de concurrence des autres pays développés, qui s'attendent à ce que les trains soient accessibles aux personnes handicapées, pour obtenir ces wagons. La fameuse «aubaine» fut donc conclue aux dépens des personnes avec des déficiences.

Selon Transport Canada, outre leur inaccessibilité, ces trains ne sont pas conformes aux normes canadiennes de sécurité ferroviaire. VIA se lamente à présent, disant que s'il doit rendre les trains accessibles, son «excellente affaire» ne sera plus aussi remarquable. Les trains n'étaient peut-être pas une si bonne aubaine que ça. Les normes volontaires ne fonctionnent pas très bien pour VIA non plus.

Les transports municipaux: Est-ce que les subventions gouvernementales assurent l'accessibilité?

Contrairement à l'Office des transports du Canada, ni les commissions des droits de la personne ni les tribunaux n'ont des ingénieurs ou du personnel spécialisé pour évaluer l'accessibilité pour les personnes handicapées. Ainsi, lorsqu'ils sont amenés à juger des cas individuels portant sur l'accessibilité des systèmes de transports ou des véhicules, ils se fient sur les preuves fournies par les experts spéciaux des deux parties en litige. Ils ne sont pas très bien équipés pour s'engager dans des prises de décisions systémiques et complexes, impliquant l'évaluation de données techniques et une planification à long terme.

Les provinces n'ont pas d'organe de réglementation comme l'OTC. Par conséquent, les questions de transport urbain, qui relèvent de la compétence provinciale, ne sont pas en général soumises à une évaluation au titre de codes d'accessibilité volontaires. Les arbitres (à savoir les tribunaux ou les tribunaux de droits de la personne) n'ont même pas accès à un code émanant d'une procédure d'examen de politiques visant à concilier les intérêts opposés des parties intéressées.

Au Canada, tous les systèmes de transport urbain sont publiquement subventionnés, à un degré ou à un autre. Ce qui signifie que les gouvernements locaux, régionaux ou provinciaux peuvent fixer des conditions liées à leur financement. Les gouvernements sont capables de fournir une claire orientation en matière d'accessibilité mais n'oublions pas que les décisions de financement sont prises chaque année. Ce qui signifie que les décisions exigeant des engagements à long terme, comme c'est le cas pour l'accessibilité des systèmes de transport urbain, tendent à être compromises lorsque le gouvernement modifie ses priorités ou lorsqu'en cas de budget serré, il préconise des décisions à court terme.

L'accessibilité du transport urbain est un pré-requis pour que les personnes handicapées soient capables de travailler, de vivre et d'être éduquées dans leurs communautés. Les personnes handicapées qui ne peuvent accéder au transport urbain sont privées de leur droit à ne pas faire l'objet de discrimination pour motif d'incapacité ainsi que de leur droit à l'égalité, conformément à la Charte des droits et libertés.

Bien que n'importe quelle ville choisie du pays soit en état d'illustrer les difficultés rencontrées pour assurer l'accessibilité du service de transport urbain, nous nous pencherons sur l'expérience vécue par Toronto8 dont l'historique est plus facile à documenter.

Avant l'adoption de lois anti-discriminatoires, des leaders avant-gardistes de la collectivité des personnes handicapées s'allièrent à des politiciens visionnaires et sympathisants pour créer un système de transport adapté appelé «Wheeltrans», offrant, à un nombre limité d'usagers admissibles, un service «porte à porte» de fourgonnettes accessibles. Au fil des ans, la Toronto Transit Commission (TTC) prit le contrôle et assura la gestion de ce service démarré par un entrepreneur privé. On n'avait pas pensé à assurer l'accessibilité du système conventionnel d'autobus, de tramway et de métro à diesel, à essence ou électrique. Le métro, armature de ce système, avait été construit avant que les codes de la construction n'incluent des dispositions d'accessibilité. Les personnes handicapées n'étaient pas suffisamment sûres d'elles-mêmes pour demander que des millions soient dépensés pour l'ajout de cages d'ascenseurs. De plus, les leaders de la collectivité des personnes handicapées ne croyaient pas que la technologie de l'époque pouvait assurer l'accessibilité des véhicules terrain, notamment les autobus. Mais aux États-Unis et dans des villes canadiennes plus tempérées, comme Vancouver, des élévateurs étaient installés sur les autobus. Les chefs de file du mouvement9 des personnes handicapées de Toronto redoutaient le manque de fiabilité des élévateurs dans les rigoureuses conditions hivernales de Toronto. Ils craignaient également que les délais dus au déploiement des systèmes de levage provoquent l'échec des autobus équipés. C'est pourquoi, la collectivité des personnes handicapées préféra se concentrer sur le Wheeltrans et non pas sur le système conventionnel inaccessible.

Devant l'augmentation de la demande de service Wheeltrans, la TTC commença à installer des «dispositifs de facilitation d'accès», permettant aux personnes ambulatoires ayant des limitations de mobilité d'utiliser les services conventionnels. L'introduction de sièges réservés, d'autobus à plancher surbaissé et de signes tactiles pour les personnes ayant des déficiences visuelles, fut nettement motivée par la volonté d'économiser avec le système de transport adapté.

Au début et vers la moitié des années 1980, les requêtes politiques présentées au nom de la collectivité des personnes handicapées et les plaintes de droits humains visaient surtout l'égalité de services entre les usagers du Wheeltrans et les usagers du service conventionnel. Ainsi les causes estées pour mettre fin à la gestion privée du Wheeltrans ainsi que pour contester les différences de tarifs, les heures de service, les secteurs desservis et les restrictions furent remportées avec succès. Toutes furent jugées selon un principe de comparabilité. Les personnes handicapées devaient recevoir les mêmes niveaux de service que les personnes non handicapées et à des prix comparables. À cette époque, les demandes de service Wheeltrans et de qualité augmentèrent de façon exponentielle. Les coûts ne semblaient pas constituer de problème important.

À la fin des années 1980, alors que le budget prospère du Wheeltrans commençait à susciter des inquiétudes et que la technologie des autobus à plancher surbaissé devenait commercialement disponible, la collectivité des personnes handicapées de Toronto se prépara à contester judiciairement l'inaccessibilité du système de transport conventionnel de la TTC. Le gouvernement néo-démocrate de la province, nouvellement élu, décida d'agir par préemption. Il convoqua quatre parties à la table de négociation: lui-même, la Ville, la TTC et la Transaction Coalition, représentant la communauté des personnes avec une déficience. Une entente fut conclue entre les parties, due en grande partie à la garantie gouvernementale d'investir d'importants montants pour les dépenses en capital. Si elle avait été implantée, elle aurait exigé que la TTC rende les «principales» stations de métro accessibles aux fauteuils roulants selon un échéancier précis, que tous les nouveaux autobus aient des planchers surbaissés, soient accessibles aux fauteuils roulants aussitôt que possible et soient mis en service sur les principales lignes. En signant cette entente, la collectivité des personnes handicapées pensait avoir atteint son but fondamental à long terme, à savoir intégrer une totale accessibilité dans le système de transport conventionnel. Les stratégies «externes» initialement prévues, comme les litiges, se transformèrent en stratégies «internes» de collaboration avec la TTC aux fins de planification et de mise en vigueur. Les principaux leaders politiques de la communauté des personnes handicapées se portèrent volontaires pour travailler dans des comités consultatifs de la TTC.

Mais en 1995, avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement progressiste-conservateur, le plan visionnaire qui avait suscité tant d'optimisme chez les personnes handicapées fut déchiré, façon de parler. Le gouvernement provincial délesta à la Ville la responsabilité du financement du transport urbain, précipitant ainsi une crise financière. Malgré le maintien sans aucun complément financier provincial toutefois de la politique provinciale symbolique exigeant que tous les nouveaux autobus achetés aient un plancher surbaissé, l'achat «exceptionnel» d'autobus inaccessibles devint la norme. Il va de soi que le gouvernement provincial n'avait nullement l'intention d'appliquer sa politique; les personnes handicapées quant à elles, ne pouvaient se prévaloir d'aucun droit exécutoire pour exiger le remplacement des autobus inaccessibles par des autobus accessibles. Par conséquent, des autobus inaccessibles qui demeureront opérationnels pendant encore vingt à trente ans furent une fois de plus mis en service.

Le plan de réfection du métro prit nettement du retard. «Selon les budgets», telle était la réponse aux demandes relative à l'échéancier d'implantation de l'accessibilité.

On avait généralement présumé que si le système conventionnel devenait accessible, qu'avec l'avantage de pouvoir se déplacer sans réserver à l'avance, de nombreuses personnes handicapées quitteraient le Wheeltrans au profit du système conventionnel. Lorsqu'il devint évident que cela ne surviendrait pas de sitôt, la TTC décida tout à coup que l'augmentation soutenue de demandes de service Wheeltrans n'était plus viable. En alléguant cette notion de non-viabilité, elle amena adroitement les usagers du Wheeltrans à se tourner les uns contre les autres. Elle réussit à inciter de nombreux usagers de fauteuils roulants à appuyer une procédure de suppression de l'admissibilité d'autres usagers du Wheeltrans, incapables d'utiliser le système conventionnel, mais dont les demandes de service avaient été jugées moins valables, à savoir: les personnes ambulatoires qui ne pouvaient parcourir la distance nécessaire jusqu'à un arrêt d'autobus ainsi que les personnes ayant des troubles de développement ou cognitifs. Une contestation judiciaire interjetée au titre de la Charte fut déboutée. Relevons toutefois le jugement spécieux du tribunal qui estima que les personnes privées du service Wheeltrans n'avaient pas fait l'objet de discrimination puisqu'elles étaient traitées exactement comme les personnes non handicapées, à savoir qu'elles avaient encore accès à un système de transport conventionnel inaccessible.10. Le tribunal était certainement persuadé que l'augmentation de la demande de services Wheeltrans n'était pas viable. Et le fait qu'un nombre important de personnes handicapées se retrouvent sans aucun moyen de transport public n'allait sûrement pas l'empêcher de maintenir les compressions.

La Commission ontarienne des droits de la personne

Au milieu des années 1990, la Commission ontarienne des droits de la personne était carrément tombée en désuétude et n'avait, par l'instigation de litiges par exemple, manifesté aucun leadership relativement au transport des personnes handicapées (les seuls «succès» mentionnés au préalable étaient des règlements négociés). Mais vers la fin des années 1990, la Commission se releva et manifesta un leadership sans précédent. L'une des plus grandes réalisations de Catherine Frazee, alors qu'elle était Commissaire en chef, fut de garantir l'approbation par la Commission des Accommodation Guidelines de 1989. Il fut annoncé, dès que Keith Norton devint Commissaire en chef, que ces Guidelines (lignes directrices) seraient révisées. Mais puisque ces lignes directrices étaient perçues comme le fragile vestige d'une autre époque et que, de plus, le gouvernement d'alors manifestait un antagonisme général vis-à-vis des droits humains, on craignait que cet examen ne se solde par la suppression, dans le principe d'accommodement, du pouvoir d'éliminer les obstacles. Ce fut heureusement une crainte non fondée. Les Guidelines furent révisées et renforcées par l'insertion de références de causes actualisées ainsi que par une version plus élaborée des principes de suppression des obstacles.

Ce processus permit nettement de comprendre que l'on pouvait se fier à la Direction des politiques de la Commission des droits de la personne pour transmettre fidèlement et incorporer la vision d'une société intégrée et sans obstacle, telle qu'articulée par la collectivité des personnes handicapées. En 2001, la Direction publia un document de discussion11 rapidement suivi d'un «rapport de consultation»12. Les deux documents énonçaient la même vision de l'intégration atteinte par le biais de l'accessibilité du service de transport conventionnel, tout en stipulant que les niveaux de service du transport adapté ne devaient pas être inférieurs à ceux du transport conventionnel. Le rapport avait pour but de refléter la jurisprudence. Même si la Direction ne confrontait pas directement les conclusions atteintes dans les mauvaises affaires, comme Canella, elle n'hésita pas à formuler d'importants jugements politiques. Ainsi, elle fit ouvertement référence à l'impact sur le financement inadéquat de l'accessibilité, du transfert aux municipalités de la responsabilité financière du transport urbain. Et plus encore, la Direction conclut dans son rapport que l'Ontario devrait promulguer une loi comparable à l'Americans with Disabilities Act qui instaurerait un mécanisme permettant d'appliquer, par règlement plutôt que par litige, des normes minimales assurant aux personnes handicapées des niveaux fondamentaux de services de transports.

Étant donné que la Commission agissait plutôt par litige que par règlement, ce rapport était en fait une reconnaissance d'échec et annonçait une vision cohérente. Et si la Direction des politiques fut capable de vendre cette vision honnête et visionnaire, c'est uniquement parce que le gouvernement de l'époque était en train de promulguer une nouvelle loi pour l'élimination des obstacles, la Loi sur les personnes handicapées de l'Ontario. En faisant ressortir le potentiel de suppression des obstacles de la Loi, il fut possible de cerner les limites des litiges pour des changements systémiques et d'exposer la facilité avec laquelle des normes pourraient être appliquées pour garantir un solide et efficace changement systémique. Et même sans des instruments comme la LPHO, ce rapport offre une carte utile pour le type de changement requis: une carte qu'un tribunal pourra, dans une juste cause, appréhender et suivre pour rendre son jugement.

La Loi sur les personnes handicapées de l'Ontario13

Contrairement aux suppositions de la Commission, la LPHO s'avéra n'avoir aucun effet de fond sur l'accessibilité et sur tout autre enjeu. Elle rappelait tout simplement que les obstacles devaient être supprimés, mais ne donnait pas les moyens de le faire. Elle exigeait tout simplement que certains organes publics, la TTC y compris, établissent des plans d'accessibilité.

La TTC se conforma certes à cette obligation mais elle annexa des conditions à ses dispositions puisque «le rythme auquel sera effectuée l'accessibilité des services conventionnels de la TTC, dépendra du taux de financement fourni pour les initiatives d'accessibilité.»14

Puisque nul n'est autorisé à vérifier l'exactitude des données relatives à l'état actuel de l'accessibilité, le Plan devient la seule source d'information disponible. Ainsi, il est reconnu dans le Plan que 25% seulement des autobus conventionnels sont accessibles. En se basant sur la durée de fonctionnement des autobus et sur les présomptions raisonnables de leur remplacement, on pourrait affirmer que si la TTC avait adhéré aux exigences provinciales de n'acheter que des autobus accessibles, aujourd'hui 50 à 75% des autobus seraient accessibles. Selon le Plan, l'accessibilité totale de la flottille sera atteinte en 2012. Ce n'est pas une grande performance puisque pratiquement tous les autres pays développés exigent que seuls des autobus accessibles soient achetés lors de remplacement. En d'autres mots, Toronto n'a pas d'autre alternative, à moins qu'elle ne profite de la rapide progression d'un autre pays vers l'accessibilité en achetant ses autobus usagés ou re-conditionnés.

Dans son Plan, la TTC soutient qu'elle a prévu le budget requis pour assurer, d'ici 2008, 40% de l'accessibilité de ses stations de métro. Lors de la rédaction du Plan, 29% des stations étaient accessibles. La TTC poursuit en déclarant qu'elle espère obtenir les fonds nécessaires pour assurer une totale accessibilité d'ici 2020. À l'heure actuelle, la TTC a des années de retard sur son engagement initial d'assurer d'ici 2001 l'accessibilité de ses «principales stations». Même s'il était implanté, le Plan révisé n'offre qu'un objectif réduit d'accessibilité (40%) par rapport à l'objectif promis il y a dix ans (70%). Le Plan contient un devis pour chaque caractéristique d'accessibilité. Il se termine par un chapitre inspirant intitulé: «Funding is the Key». À moins que les fonds ne soient spécifiquement prévus pour l'accessibilité, tous les montants supplémentaires seront vraisemblablement alloués à d'autres objectifs, totalement distincts de la question d'accès. Le gouvernement fédéral et les divers gouvernements provinciaux se sont engagés à subventionner la TTC (un billion de dollars sur cinq ans). Pourtant cette dernière n'a ni modifié son Plan ni annoncé son intention d'accroître ses cibles ou d'accélérer leur atteinte.

Qui plus est, la TTC s'apprête à investir lourdement dans des véhicules inaccessibles. Prenons l'exemple de son réseau de tramways complètement inaccessibles. Alors que depuis plus d'une génération l'Europe applique une technologie appropriée pour assurer l'accessibilité de ses tramways, la TTC soutient qu'il n'est ni prudent ni financièrement possible de s'embarquer dans un programme d'accessibilité de ses véhicules. Et elle ajoute, sans vergogne, qu'elle a l'intention de re-conditionner son actuelle flottille de tramways vieillissants et de l'équiper pour au moins une autre génération de mise en service.

Et même les victoires d'accessibilité dont s'enorgueillit la TTC ne résisteraient pas à un rigoureux examen. Fort heureusement que les personnes handicapées peuvent encore se tourner vers un groupe de revendication pour un tel examen. Appelé le Transportation Action Now! (TAN), ce groupe est né de la vaste coalition Transaction Coalition. En effet, au début des années 1990 lorsque les événements semblaient évoluer dans la bonne direction, l'intérêt de la Coalition se dissipa et un groupe central continua sous un autre nom. Le groupe est aujourd'hui beaucoup plus restreint, sans financement, mais agit vaillamment. En 2001, le TAN réagit au document de discussion de la CDPO15 par un mémoire dans lequel il critiquait, de manière très convaincante, non seulement le service de transport adapté offert par Wheeltrans, mais encore l'inaccessibilité du service conventionnel. Il affirme en outre qu'au moins huit villes américaines possèdent des services de tramways totalement accessibles.

Le TAN a publié, tout récemment son «Report on Wheelchair Accessibility in Toronto's Subway Stations». Les membres du TAN ont visité la plupart des stations de métro soi-disant accessibles. Aucune d'entre elles n'avait des toilettes à accès facile. Le jour de l'inspection, plus de 25% des ascenseurs étaient hors d'usage et aucune signalisation n'en avertissait les usagers. Le TAN constata en outre qu'après avoir été jusqu'à installer d'onéreuses cages d'ascenseur, la TTC avait fait marche arrière et acheté des ascenseurs beaucoup trop étroits pour les larges triporteurs et fauteuils de plus en plus utilisés. Conséquence de ces ascenseurs beaucoup trop étroits: les longues lignées d'usagers et ce, même si la TTC n'a pas encore commencé à «acheminer» les usagers handicapés du Wheeltrans vers les stations accessibles et que les demandes vont croître de façon exponentielle au fur et à mesure que les stations de métro deviendront accessibles. À la différence des métros américains, il est évident que les réalisations de la TTC sont minimes, exécutées le plus lentement possible et sans aucun égard pour de flagrantes exigences à long terme.

Le 13 octobre 2004, un an après son élection, le gouvernement libéral de l'Ontario déposait en première lecture un nouvel acte législatif intitulé la Loi 2004 sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario (LAPHO). Malgré les promesses qu'elle énonce, cette Loi ne serait qu'une coquille vide s'il était adopté dans son libellé actuel. À l'instar de l'ADA, la Loi prévoit la création de règlements d'accessibilité. Mais étant donné que les fournisseurs de services de transports seront fortement représentés aux comités d'élaboration des normes, il faudra énormément de consensus avant que les rapports desdits comités n'instillent un peu de confiance. Bien que les échéanciers de promulgation de ces règlements puissent être légalement fixés, la Loi diffère de l'ADA en ne prévoyant pas à l'avance des échéances de parachèvement. La nouvelle Loi s'apparente à l'ADA en stipulant une exécution publique des règlements et des sanctions quasi-pénales. Mais elle en différence en privant les particuliers de tout rôle dans l'exécution, ainsi que de toute indemnisation pour dommages encourus suite à la non-conformité. En d'autres mots, la valeur et la pertinence de la Loi dépendront du pouvoir que le gouvernement accordera au mécanisme de mise en exécution. À l'exception du mécanisme d'exécution publique et de l'application de sanctions pénales au lieu d'indemnisation, les dispositions de la LAPHO diffèrent peu de celle de l'OTC. Seul le temps nous dira si la LAPHO s'avère plus efficace.

Conclusion

Le début des années 1980 fut une époque grisante pour l'accessibilité des transports au Canada. Le gouvernement fédéral écoutait les consommateurs et était déterminé à réglementer ainsi qu'à imposer des politiques aux fournisseurs publics et privés de transports publics. Le monde entier, les États-Unis y compris, se tournait vers le Canada aux fins de leadership et d'inspiration.

Malheureusement, tout cela n'était que châteaux de sable. Malgré l'instauration de plusieurs politiques favorables, la déréglementation et les politiques économiques néo-conservatrices appliquées au milieu des années 1980, affaiblirent les structures légales établies pour maintenir les progrès vers l'accessibilité. Elles ne purent résister aux intentions des fournisseurs de services d'acquérir des avantages concurrentiels en se débarrassant de leurs responsabilités vis-à-vis des voyageurs handicapés.

Vers la moitié des années 1990, les fournisseurs défiaient ouvertement les organes de réglementation et les gouvernements dont ils percevaient non seulement le manque de détermination mais encore l'incapacité d'affronter une résistance à long terme aux efforts d'introduction progressive de l'accessibilité. Les fournisseurs exercèrent ensuite un lobbying fructueux auprès d'un gouvernement libéral consentant, suggérant que la conformité volontaire suscite une bien moins forte résistance. Au sein du mouvement des personnes handicapées, les leaders se crurent incapables de bâtir une rigoureuse opposition.

En Ontario, les progrès vers l'accessibilité se poursuivirent jusqu'à la moitié des années 1990. Successivement, les gouvernements conservateur, libéral et néo-démocrate allouèrent les subventions nécessaires pour que non seulement la TTC offre un service de transport adapté de qualité à un nombre de plus en plus croissant d'usagers, mais pour qu'elle s'engage en outre à assurer l'accessibilité du système conventionnel, selon un avant-gardisme d'inégalité à l'extérieur des États-Unis. Immédiatement après la victoire du gouvernement néo-conservateur, la TTC mit tous ses plans d'accessibilité en attente, s'empressa de sacrifier les usagers du Wheeltrans et défia la politique provinciale prévoyant l'achat d'autobus accessibles, sans vraiment aucune contestation de la part du gouvernement provincial.

LES ÉTATS-UNIS

Dix ans avant que le Canada ne commence à légiférer les droits d'accès et d'égalité des personnes avec des déficiences, le gouvernement des États-Unis avait adopté des lois qui ont propulsé l'Amérique vers sa position actuelle de leader en matière d'accessibilité. Alors que pendant des années, des chefs de file des communautés de personnes handicapées de nombreux pays ont déploré l'approche légaliste et inutilement formelle des É-U. - certains ont même allégué que les échéanciers de conformité imposés aux fournisseurs étaient beaucoup trop généreux - personne aujourd'hui ne conteste le fait que le modèle américain a porté fruits et que les autres, en comparaison, sont assez dérisoires.

Le transport urbain16

En 1970, le Congrès américain adopta un amendement17 au Urban Mass Transportation Act de 1964 (UMTA), le mécanisme législatif qu'utilise le gouvernement fédéral pour convoyer d'énormes subventions vers le transport urbain. Cet amendement visait à instaurer une politique nationale sur les droits des personnes âgées et des personnes handicapées. Sans définir précisément les conséquences en cas de non-conformité, la loi exigeait que des «efforts particuliers» soient entrepris dans la planification et la conception de toutes les installations et de tous les services inhérents au fonctionnement des réseaux de transport en commun. Par efforts particuliers on entendait, entre autre, que le transport en commun soit «disponible» pour que les personnes âgées et les personnes handicapées puissent en faire un «usage efficace». Le mécanisme de financement, enchâssé dans la loi, était réellement l'argument frappant de cette mesure législative intégrée. Le Secrétaire du Department of Transportation (DOT) fut autorisé à désigner les subventions et les prêts uniquement accordés dans le but spécifique de répondre aux besoins de transports des groupes cibles. Le Secrétaire pouvait également financer des organisations non-gouvernementales prêtes à fournir des services de transports accessibles supplémentaires afin de compenser d'éventuels échecs des fournisseurs publics. Cette loi fit démarrer le processus d'accessibilité du transport public. Elle récompensait ceux qui relevaient le défi et finançait des ONG pour assurer les services (et accroître les attentes) dans les villes soumises à la réticence du gouvernement local.

Trois ans plus tard, le Congrès promulguait la première loi sur les droits humains des personnes handicapées, le Rehabilitation Act de 197318. Le paragraphe 504a de la Loi stipulait:

Aux États-Unis, aucune personne handicapée par ailleurs qualifiée…. ne pourra, à cause de son incapacité, être exclue de toute participation ni privée d'avantages ni faire l'objet de distinction illicite dans un programme ou une activité bénéficiant de l'aide financière du gouvernement fédéral…….

Le transport urbain dépendait fortement des subsides fédéraux. Quelle que soit la cherté des obligations relevant de la Loi, aucune ville financée au titre de l'UMTA n'allait refuser le financement fédéral pour échapper à ces exigences. Celles qui s'opposèrent aux conditions légales réalisèrent rapidement que plusieurs termes de la Loi, comme «par ailleurs qualifiée» ou «fardeau excessif», étaient tout simplement vecteurs de litiges. Par conséquent, l'exécution de cette nouvelle Loi ne se fit réellement sentir que bien après la promulgation des règlements, précisant la mise en pratique de l'inclusion et de l'égalité.

Plus tard la même année, le Federal-Aid Highway Act of 1973(FAHA)19 fut adopté. En vertu de l'alinéa 165(b), le Secrétaire du DOT était obligé de s'assurer que tous les projets de transport, financés au titre de la Loi, sont conçus, planifiés, construits et gérés de manière à permettre une utilisation efficace par les personnes handicapées et les personnes âgées. Nouveauté: le Secrétaire n'avait pas le droit d'approuver le financement de programmes qui ne se conformaient pas aux dispositions d'accessibilité de la Loi. Le financement du gouvernement devenait un bâton et non plus une carotte. De plus, le mécanisme exigeait que les plans soient soumis et soient approuvés au préalable au lieu d'être examinés après coup. De ce fait, les fournisseurs ne pouvaient plus se permettre de dépenser d'abord et de rationaliser ensuite.

Le Rehabilitation Act s'était avéré quasi inefficace sans règlement. L'UMTA et le FAHA prévoyaient des règlements visant l'élaboration des «efforts particuliers » que devaient effectuer les fournisseurs. Il fut décidé de consolider tous les règlements d'accessibilité en vigueur, ce qui a engendré le Department of Transportation Regulations of 197620. Ces règlements exigeaient que soient satisfaits les besoins des personnes handicapées en matière de transport. Ils ne précisaient pas toutefois la façon d'y arriver. Par conséquent, les fournisseurs purent rendre le système conventionnel accessible, utiliser le transport adapté, ou un mélange des deux. Certains préférèrent se lancer exclusivement dans l'achat du «transbus», non testé et en bout de compte fatal. Cet autobus était équipé d'un appareil de levage de fauteuils roulants si peu fiable qu'il corrompit pendant des années la réputation du concept de réfection des réseaux conventionnels aux fins d'accessibilité. D'autres se fièrent aux services «courses sur appel», alléguant que la réfection des systèmes conventionnels aux fins d'accessibilité était beaucoup trop onéreuse. Puisque chaque option ou combinaison fut jugée conforme, il fut en bout de compte impossible d'imposer des normes et plusieurs propriétés de transports connurent d'importants retards.

À peu près en même temps que la mise en vigueur des règlements du DOT, le Président Gérald Ford émit un Décret-Loi21, ordonnant au Department of Heath Education and Welfare (HEW) d'établir des lignes directrices sur la manière d'interpréter les dispositions anti-discriminatoires du Rehabilitation Act. Toutes les agences fédérales responsables de l'affectation des fonds fédéraux devaient également établir des règlements conformes aux lignes directrices du HEW. Ces lignes directrices, publiées en 197822, incluaient une forte préférence pour des transports intégrés par opposition aux services spécialisés. Elles préconisaient la réfection des métros et des autobus conventionnels aux fins d'accessibilité. Les services de transport adaptés seraient réservés aux personnes incapables d'obtenir une égalité des chances dans un système de transport conventionnel entièrement accessible. En 1979, le DOT publia de nouveaux règlements23 qui implantaient l'esprit d'inclusion des lignes directrices du HEW en exigeant par exemple que tous les nouveaux bus achetés soient accessibles aux fauteuils roulants. Les règlements allaient encore plus loin. Pour la première fois, des buts et des échéanciers étaient légalement imposés, exigeant que tous les autobus soient accessibles aux fauteuils roulants d'ici dix (10) ans et, plus onéreux encore, que les autobus en service pendant les «heures de pointe» (heures d'affluence) soient accessibles dans les trois ans. Au-delà de l'achat de nouveaux autobus accessibles, le DOT mandatait clairement la réfection d'un nombre important d'autobus existants, lesquels devaient être équipés de rampes pour fauteuils roulants. Ou alors, ces autobus devaient être retirés du service.

Les règlements incluaient une disposition permettant aux fournisseurs de demander une dérogation, les exemptant d'une totale conformité pour certaines composantes du métro. Notons qu'aucune demande de dérogation n'a été formulée. Comme c'est le cas au Canada, en vertu des lois sur les droits de la personne, ainsi que dans certains autres pays accordant des exemptions comme l'Australie, les fournisseurs ne voulaient pas soumettre leurs opérations au type d'examen rigoureux qui serait exigé en cas d'approbation de la dérogation. Ils estimaient, assez correctement, que le prix à payer pour une telle dérogation se traduirait par de strictes conditions pendant une période intermédiaire et par une dérogation d'une durée limitée qui ne ferait que retarder les objectifs législatifs sans les réduire à néant.

Selon les points de vue, les règlements de 1979 du DOT étaient visionnaires ou draconiens. Lorsque le DOT refusa de déroger à son interprétation des règlements, les fournisseurs de services de transports entamèrent une contestation judiciaire. Alors que selon la rumeur populaire, ce sont les personnes en quête d'égalité qui ont la gâchette facile et intentent des poursuites sans aucune restriction, dans ce cas-ci, ce sont les fournisseurs de services qui intentèrent la première contestation judiciaire des règlements du DOT. Le procès fut interjeté par l'American Public Transit Association (APTA), organisme de lobbying représentant la majorité des fournisseurs de transports publics du pays. La Court of Appeals du District of Columbia24 annula une décision de première instance et décréta que l'article 504 du Rehabitation Act ne pouvait endosser des règlements exigeant que les fournisseurs s'engagent des procédures «d'action positive» pour éviter toute discrimination. Ce faisant, la Cour se basa sur un jugement de la Cour suprême des États-Unis, appelée la Southeastern Community College c. Davis25 qui statuait qu'un hôpital n'avait pas à sérieusement altérer son programme de formation pour accommoder les besoins d'une étudiante infirmière sourde.

Le jugement APTA stipulait que les règlements de 1979 du DOT exigeait des modifications trop onéreuses ou trop importantes pour être confirmées par l'Act (c'est le même argument qu'essaie d'alléguer VIA dans son appel de la récente décision de l'OTC auprès de la Cour fédérale d'Appel). Bien que certaines modification puissent sembler raisonnables, seuls de «modestes» changements sont requis par la loi. La Cour maintint que les règlements étaient exclusivement basés sur le Rehabilitation Act et sur les HEW Guidelines. Elle refusa même d'envisager que ces règlements puissent être respectés en vertu de l'autorité de l'UMTA ou du FAHA. Elle renvoya les règlements au DOT, lui demandant de les justifier en vertu d'autres lois ou d'apporter des modifications. Le DOT réagit: il ne chercha pas à justifier les règlements mais il en émit d'autres à titre provisoire, analogues à ceux émis en 1976.

Le jugement de l'APTA et la molle réponse législative subséquente symbolisent certainement le creux de la vague dans la lutte américaine pour l'accessibilité des transports. Au lieu de s'en sortir énergiquement, le DOT promulgua le Surface Transportation Act of 1982 (STAA)26. L'Act autorisait le DOT à établir des normes minimales pour les services de transport destinés aux personnels handicapées, mais il ne réfutait pas les déclarations de l'APTA soutenant que l'accessibilité totale ou des niveaux comparables de services parallèles n'étaient pas exigés. Il fallut quatre ans au DOT pour finalement publier ses règlements du STTA27. Ils stipulaient que les fournisseurs devaient rendre leurs systèmes totalement accessibles ou fournir des niveaux comparables de services de transport adapté ou appliquer une combinaison des deux. Ces règlements traitaient également le problème de l'évaluation de la pertinence des accommodements en imposant la conformité aux normes des services de transport adapté. Tout d'abord, et contrairement au jugement Canella, les règlements exigeaient que les critères d'admissibilité soient non-discriminatoires, ce qui impliquait que les personnes incapables d'avoir accès au système conventionnel seraient admissibles au transport adapté. Les règlements fixaient ensuite des échéanciers maxima, une comparabilité des zones de service relativement aux lignes équivalentes établies par les systèmes ainsi qu'une comparabilité des périodes de service et des tarifs.

S'ils n'étaient pas allés plus loin, les règlements n'auraient pas été particulièrement inspirants. Ils capitulaient devant la requête des fournisseurs d'utiliser le système de transport adapté, jugé meilleur marché, pour satisfaire les demandes de service. Les règlements ne sonnaient pas l'alarme pour l'accessibilité totale. Ils auraient tout simplement exigé des fournisseurs qu'ils assurent l'accessibilité sur des lignes établies s'ils estimaient qu'ils avaient financièrement intérêt à le faire. Malheureusement à l'époque, sous la présidence de Ronald Reagan, le néo-conservatisme était en plein apogée et les règlements allèrent plus loin. Se soumettant aux critiques des tribunaux selon lesquelles les règlements de 1979 du DOT exigeaient des modifications excessives pour les fournisseurs de service de transport, les règlements de 1986 stipulaient qu'aucun fournisseur ne contreviendrait aux règlements s'il affectait au moins 3% de son budget opérationnel à des initiatives visant les personnes avec des déficiences. Ainsi, toutes les composantes des règlements, incluant les niveaux minima de service, étaient sujettes à un «plafond» ridiculement bas des dépenses.

C'est alors que la collectivité des personnes handicapées décida à son tour d'intenter une contestation judiciaire. Les Americans Disabled for Accessible Public Transportation (ADAPT) est une organisation de personnes handicapées, célèbre pour ses gestes très médiatisés de désobéissance civile, comme s'enchaîner à des autobus inaccessibles. Se basant sur une stratégie analogue à celle utilisée par l'APTA, elle porta plainte auprès des tribunaux. L'ADAPT contesta directement les règlements du DOT. Mais cette fois, ce furent les règlements dilués de 1986 qu'ils contestaient pour leur non-conformité au Rehabilitation Act et à l'UMTA. L'ADAPT alléguait fondamentalement que l'Act prévoyait un accès général et que l'approbation de l'option de transport adapté comme alternative à la pleine accessibilité enfreignait ces actes législatifs. La U.S. Third Circuit Court of Appeals28 rejeta l'argument fondamental de l'ADAPT, statuant que le DOT avait le pouvoir d'autoriser que le choix entre la pleine accessibilité et le transport adapté soit effectué au niveau local. Néanmoins, la Cour accepta la solution de rechange de l'ADAPT et décréta que le «plafond» de 3% sur dépenses enfreignait la loi. Soutenant que plusieurs fournisseurs de services de transport n'offriraient pas de minimum de niveaux acceptables de service pour les personnes handicapées, la Cour invalida le plafond comme «arbitraire et capricieux».

Cette année-là, l'ADAPT perdit la bataille judiciaire sur la question de la pleine accessibilité, mais l'année suivante, de concert avec d'autres groupes de personnes handicapées, elle remporta brillamment la guerre lorsque le Congrès promulgua l'Americans with Disabilities Act of 1990(ADA). L'ADA exigeait que les besoins d'accommodement de la majorité des personnes handicapées soient satisfaits par la prestation d'un système de transport public entièrement accessible.

À l'instar du Rehabilitation Act qu'elle complète, l'ADA est une loi de droits de la personne ou anti-discriminatoire. Certaines exigences du Title II: Public Transportation au titre de l'Act, sont passibles d'une défense de « fardeaux financiers et administratifs excessifs ». Dans de telles situations (notamment dans le transport adapté), les modifications ou services requis doivent être implantés à condition de ne pas fondamentalement altérer la nature du service fourni. Ainsi, pour bénéficier d'une certaine souplesse, sans que l'exception ne devienne la règle, les fournisseurs doivent demander des exemptions à l'avance. Si les fournisseurs étaient autorisés à présenter une défense après coup, cette défense serait appliquée dans chaque cas, ce qui rendrait les litiges excessivement onéreux. Si les fournisseurs doivent soumettre une requête à l'avance, le fardeau de la preuve incombe à ceux qui doivent le démontrer: eux. Ils sont en effet responsable de fournir les renseignements requis pour justifier leur plainte. Et plus important encore, s'ils doivent obtenir l'approbation avant d'entamer des dépenses, les fournisseurs ne peuvent provoquer de fardeau financier par leurs actions unilatérales, comme VIA Rail a été capable de le faire en achetant les wagons Renaissance et en effectuant leur réfection. Il y a eu certes au début, plusieurs demandes d'exemption pour motif de «fardeau excessif.» Toutes ces demandes étaient déboutées. Il est évident que les conditions fixées par le DOT étaient si rigoureuses que les fournisseurs comprirent rapidement qu'il ne s'agissait pas d'une brèche par laquelle ils pourraient faire passer leurs autobus inaccessibles. En raison de la source publique de financement, les fournisseurs tentent rarement aujourd'hui d'utiliser cette défense. Notons toutefois que sous d'autres titres de l'ADA (par ex: ceux régissant les autobus routiers et les trains de passagers intercités), des défenses analogues sont disponibles et plus fructueuses, sur une base ex post facto. Bien que ce ne soit qu'à priori, il semble que les fournisseurs redoutent que les organes de réglementation et les tribunaux ne soumettent leurs opérations à un examen rigoureux. Ils redoutent également la nature temporaire du sursis accordé puisqu'il est présumé aux États-Unis que la conformité deviendra la norme. Au moins, dans le secteur des transports publics urbains, l'existence de l'argument de «fardeau excessif» n'a pas sapé les progrès vers la pleine accessibilité et la comparabilité. La clé de ce succès: L'insistance de la loi sur la demande préalable d'exemption au lieu d'un litige ex post facto.

Le cadre de réglementation de l'ADA comporte une éventuelle brèche: l'exemption du «mécanisme équivalent» en vertu de l'article 508. Internationalement, l'ADA est critiquée pour son manque de flexibilité à cause de l'utilisation de normes prescriptibles au lieu de normes basées sur la performance. Les critiques soulignent ce qui est perçu comme une croyance obsessive, à savoir une «taille unique». Les partisans de l'ADA réfutent cette critique en mettant en évidence l'existence de cette exemption. En pratique, cette exemption doit une fois de plus être demandée au préalable. Au cas où les exceptions s'appliqueraient à des solutions particulières visées par l'Act, le DOT fournit des critères de rendement que doivent satisfaire les technologies alternatives. Là encore, les demandes préalables semblent susciter beaucoup d'hésitation, ce qui ne serait pas le cas si la défense pouvait être effectuée au cours des litiges ex post facto.

Les commentateurs résument le sentiment général relatif au «fardeau excessif» et à l'exemption pour «mécanisme équivalent», par le commentaire suivant:

«la flexibilité est extraordinaire jusqu'au moment où vous essayez de l'appliquer». La stratégie du DOT, en ce qui a trait à l'octroi d'exemptions, a remarquablement été conforme aux objectifs d'accessibilité de l'ADA. Ceci ne serait sans doute pas survenu sans la claire orientation législative fournie par l'Act et par les règlements.

Les règlements adoptés conformément à l'ADA régissent l'achat des véhicules neufs ou usagés et le re-conditionnement des anciens véhicules. Tous les nouveaux véhicules doivent être entièrement accessibles. En cas d'achat de véhicules usagés ou de location de véhicules, des efforts bien documentés doivent être effectués pour s'assurer que ces véhicules sont accessibles et encore, ces efforts peuvent être contestés. Les véhicules existants dont la durée de fonctionnement serait prolongée de plus de cinq ans par des réparations, doivent être immédiatement rendus accessibles. En pratique, cela signifie qu'ils doivent être équipés de dispositifs de levage. Seuls les véhicules ayant un caractère historique sont exemptés et uniquement si les modifications altèrent cette particularité de manière significative.

Outre les règlements29 très détaillés, des «Manuals on Transportation Design», produits par l'Architectural and Transportation Barriers Compliance Board («Access Board») ont été légalement mandatés pour fournir dans les moindres details les caractéristiques exigées d'un véhicule accessible. Le Board a acquis une énorme crédibilité au cours des ans, notamment à cause du talent et de l'énergie de personnes comme Dennis Cannon et David Capozzi. Ce sont deux hommes handicapés, ayant des antécédents dans le mouvement des consommateurs, et la capacité de fournir d'importants détails inhérents au concept d'accès facile. Les fournisseurs et les consommateurs respectent le travail du Board et s'y fient. Nul ne semble contester son autorité en la matière puisque ses interprétations n'ont jamais été contestées auprès des tribunaux.

L'Act traite également de l'accessibilité de toutes les installations de transport, incluant les stations de métro et les gares d'autobus. Les nouvelles installations doivent être totalement accessibles. Les grandes réfections effectuées dans des installations existantes doivent également se conformer aux normes. L'accessibilité regroupe non seulement des dispositions détaillées relatives à l'accès des personnes en fauteuil roulant aux services de transport, mais également des facteurs généralement cités comme paramètres «d'utilisabilité», à savoir les toilettes, les téléphones et les distributeurs d'eau (fontaines). Les «stations principales» devaient être adaptées conformément aux normes dans les trois ans suivant la mise en vigueur des règlements. Toutes les stations doivent devenir accessibles, à moins que l'on puisse prouver que le système a été jugé totalement accessible aux personnes handicapées.

Échappant à la brèche des «soit - ou», creusée par les règlements précédents, l'ADA exige la prestation de services par un système de transport adapté et par un système conventionnel totalement accessible. Les critères d'admissibilité au transport parallèle ne doivent exercer aucune distinction illicite pour motif d'incapacité physique ou mentale. L'envergure du transport adapté va bien au-delà de la précédente présomption selon laquelle ce service ne visait que les personnes ayant une incapacité physique.

Le mot magique en manière de transport adapté est la comparabilité, à savoir: s'assurer que les personnes dépendant du paratransit obtiennent des niveaux de service comparables en tous points à ceux qu'obtiennent les passagers des réseaux conventionnels. Les fournisseurs qui veulent donner l'impression de se conformer mais qui veulent en même temps réduire leurs dépenses, abandonneront les normes de service. Prouver que la comparabilité n'a pas été atteinte est difficile. Quoiqu'il en soit, les règlements prescriptibles détaillés précisent la signification de la comparabilité et semblent aller aussi loin que possible pour interdire, sans un besoin constant de litiges, des services inférieurs et discriminatoires.

En ce qui a trait au secteur conventionnel, le défaut de tenir les caractéristiques d'accessibilité en bon état de fonctionnement traduisait la réticence envers la conformité dans un effort de compression. Comme l'avait observé la TAN avec la TTC, vous pouvez obliger un fournisseur à installer des ascenseurs et des escaliers mécaniques dans des stations de métro ou des dispositifs de levage sur des autobus, mais rien ne garantit qu'ils dépenseront les sommes nécessaires pour les maintenir en bon état de fonctionnement. Lorsque les fournisseurs dont obligés d'assurer l'accessibilité, ils ne vont, de plein gré, pas effectuer les réparations y afférent. Reconnaissant ce fait, les rédacteurs de l'ADA inclurent des normes de réparation précisant la durée de réfection de dispositifs d'accessibilité comme les ascenseurs.

L'exécution de l'ADA varie de titre en titre. Les chapitres du Title II sur le transport public sont exécutoires soit par le biais de procès particuliers auprès d'un tribunal fédéral, soit par le dépôt d'une plainte auprès de l'Office of Civil Rights de la Federal Transit Administration, Department of Transportation. Contrairement au Canada où les bureaucrates chargés de l'accessibilité des transports sont soit bienveillants mais sans pouvoir, soit d'indifférents carriéristes, l'exécution des actes législatifs pré-cités a été dirigée par Robert Ashby, un puissant avocat qui a consacré sa carrière à ce domaine et qui, loyalement, a maintenu l'orientation politique déterminée par l'Access Board. À l'heure actuelle, la plus grande préoccupation des personnes chargées de l'application de l'ADA est de savoir si le Title II sera jugé entièrement inconstitutionnel par la Cour suprême des États-Unis. Avec la plupart des nominations à la Cour effectuées par les successifs gouvernements néo-conservateurs, les droits des États prennent de l'ascendant. N'oublions pas que derrière l'ADA s'est développé un réseau comparable de lois d'États sur les droits humains qui poursuivront leur bonhomme de chemin, en dépit d'un éventuel jugement de la Cour.

Les transports exploités en entreprise privées (par ex les trains et les autobus intercités) sont visés par le Title III. Les plaintes de violations du Title III peuvent être déposées auprès du Department of Justice, Civil Rights Division, dirigé pendant des années par un autre avocat, John Wodatch, qui a consacré sa carrière aux questions d'accessibilité. Le ministère est autorisé à intenter un procès en cas de schème ou pratique de discrimination ou lorsqu'un acte de discrimination soulève un enjeu d'intérêt public. Le ministère a toute autorité pour efficacement mener les causes dont le règlement exige des ressources supplémentaires. Les causes individuelles peuvent être estées sous formes de poursuites privées. Il n'est plus nécessaire d'obtenir du ministère une lettre de «droit de poursuivre» avant d'intenter personnellement des poursuites. Ce mécanisme avait été utilisé par le ministère.

Les poursuites privées sont pratiquement pas discutables. Elles font honneur à la capacité de l'avocat du DOT et du DOJ de représenter efficacement les intérêts des personnes handicapées. De toute évidence, s'ils ne représentaient pas les intérêts des personnes avec des déficiences, les avocats privés se seraient efforcés de rassembler toutes les ressources pour entreprendre des poursuites de nature privée. Parmi les autres facteurs influençant le faible taux de litiges dans ce domaine, notons le coût excessivement élevé des experts et les petites indemnisations financières obtenues par les particuliers. Les recours collectifs n'ont pas avantagé les personnes avec des déficiences puisqu'on présume que les besoins d'accessibilité diffèrent selon les personnes et ce, même si les obstacles affrontés sont un souci très répandu. Comme le notait un commentateur, «en matière de transports, l'ADA ne s'est pas révélée excellente pour les avocats».

La façon la plus simple de résumer l'impact de l'ADA serait de raconter qu'après quelques années, l'ADAPT, groupe établi et entièrement dévoué à l'accessibilité des transports, s'est totalement retiré du dossier transports et travaille désormais sur les questions de soins d'auxiliaires.

La vaste acceptation de l'accessibilité générale au sein de la direction de l'UMTA, incluant le président Bill Miller, est un autre paramètre du succès de l'ADA. Au lieu d'instiguer des contestations judiciaires, les leaders de l'UMTA sont désormais perçus comme des partisans des Règlements de l'ADA et ce, malgré quelques inquiétudes occasionnelles vis-à-vis du déclin du niveau de financement fédéral. Il n'y a plus de menaces et les échéances ont été constamment observées à travers le pays. Selon les personnes que j'ai consultées, la plus grande préoccupation actuelle des fournisseurs est d'améliorer la qualité du service sur les lignes établies afin d'amener les usagers du transport adapté à utiliser le système conventionnel le plus souvent possible. À cette fin, ils excèdent les normes de l'ADA en assurant de la formation en transport pour les personnes avec des troubles de développement ainsi qu'en accordant aux voyageurs admissibles au transport adapté des tarifs gratuits sur les modes de transports conventionnels, en autorisant les personnes handicapées à demander des arrêts entre les arrêts réguliers des autobus conventionnels et en utilisant le transport adapté pour investir dans les réseaux généraux. Ils espèrent ainsi minimiser les demandes de transport adapté sans toutefois occulter le fait que parfois certains passagers dépendent de l'admissibilité du paratransit pour rendre le transport accessible.

Les critiques de l'ADA formulées par les consommateurs dérivent d'une perception exacte, à savoir que les droits aux transports accessibles sont basés sur des principes d'équité par rapport aux niveaux de services offerts aux personnes non handicapées30. C'est un cadre de fonctionnement étroit, surtout dans un pays qui ne dépendant pas intensément des transports publics. L'Amérique est un pays de compressions budgétaires gouvernementales; l'automobile y est reine. Par conséquent, les services extérieurs au transport conventionnel sont sous-développés et ce, même si toutes les personnes handicapées n'ont pas accès à des voitures privées. Si les usagers de transports conventionnels bénéficient d'autres options en cas de compressions dans les transports, les personnes handicapées elles, risquent de se retrouver confinées à domicile ou institutionnalisées.

Ces critiques mises à part, il est impossible de ne pas reconnaître le leadership mondial que l'ADA a attribué aux Américains handicapés qui ont besoin de transport urbain. Avant d'examiner comment les autres pays développés, avec la notable exception du Canada, ont tardivement tenté à émuler ce succès, je vais rapidement évaluer la situation des autres modes de transports.

Le transport aérien

Le Air Carrier Access Act (ACAA) fut adopté en 1988, juste avant que le Président Ronald Reagan ne quitte la Maison blanche. Il interdit dans les transports aériens nationaux et étrangers, fonctionnant sous la compétence des USA, toute discrimination pour motif d'incapacité physique ou mentale envers les personnes par ailleurs qualifiées. Il ne s'applique qu'aux transporteurs aériens qui fournissent des services réguliers au public. Les exigences visent une vaste gamme de caractéristiques d'accessibilité dans les nouveaux aéronefs ainsi que dans les installations aéroportuaires, nouvelles ou modifiées. Parmi les caractéristiques obligatoires on retrouve les accoudoirs amovibles, les toilettes accessibles, les fauteuils roulants à bord, l'embarquement de niveau ou par dispositif de levage et même le sous-titrage des vidéos de sécurité. À cause des faibles indemnisations payées dans de telles causes, la loi a récemment été modifiée pour permettre à la FAA d'intenter un procès pour l'imposition d'importantes sanctions civiles traduisant l'ampleur des dommages à l'intérêt public provoqués par les violations. Le DOT, qui reçoit les amendes, est alors autorisé à rendre l'argent à condition que le transporteur aérien accepte de se conformer aux conditions systémiques qui visent à répondre aux besoins des futurs passagers handicapés.

Comme au Canada, l'accessibilité des aéronefs de trente (30) sièges ou moins est largement déréglementée. Les organes de réglementation avouent qu'ils sont assez perplexes, tout comme l'ont été les Canadiens, quant aux réfections du Beech 19 aux fins d'accessibilité. Le problème semble principalement dériver des difficultés rencontrées pour adapter les dispositifs de levage aux portes étroites ainsi que des angles étroits des sièges des passagers. D'ailleurs, un récent écrasement d'avion en Caroline du Nord, toujours sous enquête, semblerait avoir été provoqué par le déréglage de l'équilibration du poids d'un fauteuil roulant. De ce fait, les progrès sont ralentis dans ce secteur.

Peut-être parce qu'elles sont antérieures aux règlements de l'ADA, les modalités relevant de l'ACAC sont considérées comme plus générale et par conséquent, provoquent davantage de litiges. Les personnes peuvent exercer leurs droits en portant plainte auprès de l'Aviation Consumer Protection Division du DOT ou auprès d'une Cour fédérale. Le National Council of the Disabled (NCD) entreprit une étude approfondie de l'application dans ce secteur. Il conclut que l'exécution n'avait pas été effectuée de manière efficace et qu'elle traînait derrière celles des autres secteurs des transports visés par l'ADA. Plusieurs plaintes n'ont pas été traitées. Les plaignants n'avaient donc d'autre recours que celui d'intenter une poursuite privée. Le niveau d'exécution était si minime que de nombreuses personnes handicapées étaient prêtes à conclure des ententes de conciliation avec les transporteurs aériens plutôt que de chercher à exercer leurs droits. Le manque de ressources et le nombre élevé de litiges furent cités comme facteurs sous-jacents de cette crise d'exécution. Nancy McFadden, General Counsel de la Federal Aviation Autority (FAA), se servit de ce rapport pour justifier une importante augmentation du financement et ce, nonobstant l'orientation politique du gouvernement Bush et la crise financière des transporteurs aériens. Selon mes informateurs, de la pire agence fédérale d'exécution des droits civils, son cabinet est devenu l'agence la mieux nantie et la plus efficace en la matière. Les représentants des consommateurs se réjouissent du fait que de pair avec le nouveau pouvoir d'imposer des sanctions civiles, les ressources supplémentaires ont accru l'efficacité du mécanisme d'exécution.

Les chemins de fer

Comme l'a reconnu le CCD dans le litige contre VIA Rail, les règlements de l'ADA prévoient de claires et rigoureuses exigences obligatoires d'accessibilité, nettement supérieures aux inefficaces normes d'application volontaires adoptées par l'OTC. Bien que les règlements et les manuels aient été élaborés par l'Access Board, l'exécution relève du Department of Justice et non du DOT. L'industrie, dominée par le transporteur national AMTRAK, a choisi de rechercher les subventions gouvernementales au lieu de tenter de défier les conditions de réglementation, de demander des exemptions ou d'entamer des litiges avec les passagers handicapés. Et cette approche s'est maintenue malgré la réduction de sa subvention de capital résultant des compressions de financement opérationnel imposées par le gouvernement en 2002.

AMTRAK a respecté les échéances en ce qui a trait à l'accessibilité des wagons et ses wagons-couchettes sur tous les trains ainsi qu'à l'accessibilité des principales gares. Selon l'Access Board et Rosalyn Simon, l'ancienne directrice de son Business Diversity Office, l'AMTRAK n'aura aucun problème à assurer, d'ici 2010, l'accessibilité de toutes ses gares au titre de l'ADA.

Tous les nouveaux autorails doivent respecter les conditions d'accessibilité de l'ADA (c'est-à-dire ne pas être limités à un wagon par train). Le nouveau matériel roulant, notamment le train Acela construit au Canada, non seulement se conforme aux normes de réglementation, mais encore les excède à plusieurs égards, paraît-il. La mise en marché envisagée de plus grands fauteuils roulants a été anticipée au point où les exigences visant les portes, les toilettes et les aires de tournage ont été dépassées. Des sièges pliables et amovibles sont utilisés pour accroître l'espace, lorsque requis.

Les clients handicapés de l'AMTRAK n'émettent que deux réserves. Certains estiment que la réfection des wagons plus anciens, bien que conforme aux dispositions de l'ADA, n'a pas été aussi rigoureuse qu'elle aurait pu l'être. Il semble que l'espace entre la plate-forme de la gare et le train soit beaucoup trop grand, que l'aire de tournage soit serrée et que les salles de bain ont été mal configurées. D'autres mentionnent une assurance excessive. Apparemment, après que la respectée Rosalyn Simon a quitté AMTRAK, la compagnie se croyait tellement en avance qu'elle n'avait plus besoin d'un Business Diversity Office, ni d'une employée possédant son expertise en accessibilité.

LE ROYAUME-UNI

À l'instar de l'Europe, le Royaume-Uni tarda à adopter le modèle américain de normes d'accessibilité et d'application publique de ces normes. Cela ne signifie pas qu'avant 1995, la question de l'accessibilité était totalement occultée. Au cours des premières années, c'est en versant de généreux subsides aux divers secteurs de transports ou en possédant une grande partie de ces compagnies que le gouvernement incita l'adoption de mesures d'accessibilité. Malgré les progrès constatés dans plusieurs sphères, aucun objectif à long terme ne visait l'accessibilité totale. En fait, les progrès étaient inégaux. Une stratégie à long terme s'imposait donc pour tout le système.

Le gouvernement travailliste du Premier Ministre Tony Blair fut le premier à s'intéresser au modèle américain et en 1995, promulgua le Disability Discrimination Act (DDA).

Cette loi est due à Ann Frye, directrice du Mobility and Inclusion Unit du Department of Transport du R-U. Son personnel regroupe plusieurs personnes handicapeés, notamment Andy Kirby, Secrétaire du Disabled Persons Transport Advisory Committe (DPTAC), organisme composée de personnes handicapées et de spécialistes en accessibilité, qui publie des rapports sur les meilleures pratiques des modes de transport. Ces documents servent de guide sur l'esprit de la loi et non sur la lettre.

Ces rapports peuvent constituer une décision sans appel, comme cela a été jusqu'à présent le cas pour les traversiers ou encore servir de base à des règlements au titre du DDA. La première série de règlements a été adoptée en 1998. L'exigence légale de «modifications raisonnables aux services» est entrée en vigueur en 1998. L'infrastructure des transports doit avoir supprimé les obstacles d'ici octobre 2004. Les trains actuellement en service doivent être totalement accessibles d'ici 2035. Cette date a été fixée en fonction de la durée de fonctionnement prévue du matériel roulant en service lors de la promulgation de la Loi. Des dispositions visant à accélérer l'accessibilité des trains existants ont été stipulées afin qu'en cas de remise à neuf, les caractéristiques conceptuelles inhérentes à l'accessibilité soient intégrées. Tous les nouveaux véhicules ferroviaires doivent respecter les Rail Vehicle Accessibilité Regulations (RVAR). Avant d'être mis en service, ils doivent obtenir un permis attestant leur conformité aux dispositions des RVAR. Par exemple, les trains inaccessibles récemment achetés par VIA Rail ont été conçus avant l'adoption du DDA en 1995, et assemblés avant le parachèvement des règlements ferroviaires en 1998. Mais quand le constructeur a demandé un permis pour la mise en service de ces trains sur les chemins de fer anglais, ce permis lui a été refusé.

Le Mobility and Inclusion Unit du ministère britannique des Transports fut chargé de transposer les codes de «meilleures pratiques» en règlements. Ainsi, tout comme aux États-Unis, des normes régissent la conception des autobus de plus de vingt-deux (22) passagers ainsi que celle des trains. En vertu de la puissante sanction juridique appliquée, tous les nouveaux véhicules doivent, avant d'être mis en service, obtenir un permis de l'Inclusion Unit attestant la conformité aux dispositions du DDA.

Bien que la majorité des gares soient à présent accessibles, les petites gares (avec leur concept centenaire de «promenades») ont jusqu'en 2024 pour se conformer aux normes. En attendant, les fournisseurs doivent effectuer «des adaptations raisonnables à leurs services de transport», (ce qui est comparable au concept canadien «d'accommodement jusqu'au point de contrainte excessive»).

La Loi autorise le Department à accorder des exemptions, sur l'avis du DPTAC. Bien que cette disposition semble créer des brèches assez grandes pour y faire passer des trains, elle a néanmoins permis de remporter et de maintenir l'appui public envers la loi. Étant donné l'envergure de la confidentialité imposée, l'intégrité de la loi exige que le Department fasse preuve d'un très bon jugement. Ainsi, l'une des rares exemptions à être accordée l'a été au Welsh Heritage Railway. Cette compagnie n'aura pu réussir à maintenir le caractère historique de son matériel roulant (raison d'être de son existence) si la Loi avait été rigoureusement appliquée. Ann Frye a indiqué que la partie exemption avait été utilisée avec succès pour empêcher les tentatives visant à réduire les exigences au minimum. Après avoir, au début, répondu à un déluge de demandes d'exemptions, le Department a appliqué une approche beaucoup plus stricte, transformant le ruisseau en filet d'eau.

Les constructeurs britanniques sont notoirement partagés entre les normes prescriptibles et les normes basées sur le rendement. Ils veulent de la flexibilité certes mais puisque l'octroi de permis est un pré-requis pour la mise en service, ils semblent préférer la certitude, à condition qu'un avis équitable leur soit fourni en ce qui a trait aux normes. La préférence du ministère pour les règlements prescriptibles au détriment des règlements fonctionnels émane tout aussi bien de la requête des constructeurs que de celles des personnes avec des déficiences.

La réglementation des taxis a suscité une totale conformité avant le 1 er janvier 2000, sans qu'aucune exception n'ait dû être accordée. Les chauffeurs de taxi qui refusent de consacrer un peu de temps supplémentaire pour embarquer un passager handicapé risquent de perdre leur licence. Il est intéressant de noter, qu'historiquement, les taxis britanniques devaient avoir des planchers plats et être d'une hauteur suffisante à l'intérieur pour accommoder les hommes portant des hauts-de forme. Faisant fond sur leur mode de transport le plus accessible, les Britanniques comme les Australiens utilisent, dans la plupart des communautés, les taxis subventionnés comme alternative au transport adapté ou à la «course sur appel». Le métro londonien est très profond et inaccessible. Les taxis sont donc priés de se déplacer dans pratiquement toutes les régions de Londres pendant que la réfection du métro aux fins d'accessibilité est progressivement effectuée. 90 % de la métropole londonienne sont accessibles. La conduite des personnes impliquées dans la prestation de services est régie par les Public Service Vehicles Accessibility Regulations, 2000 (modifiés en 2002). Ils s'appliquent aux autobus des services réguliers ou locaux transportant plus de 22 passagers. Les plus petits autobus sont visés par les lignes directrices du DPTAC. Les règlements s'appliquent aussi aux nouveaux autobus alors que les plus vieux autobus sont visés par une clause d'antériorité pendant le reste de leur vie économique (entre 2015 et 2020).

Chaque municipalité doit, au titre du DDA, soumettre un Plan décennal de transport avec une échéance et l'atteinte de l'accessibilité totale avant 2010. Tout organe dépensant des fonds publics dans le domaine des transports doit soumettre au DOT, aux fins d'approbation, un plan décennal précisant les mesures qui seront prises pour accroître l'accessibilité. Par conséquent, le R.U. ne dépend pas entièrement des normes légales, même si ces dernières constituent la base des attentes. Le processus de planification vise à garantir une compatibilité inter-modale et une attention aux détails. La recherche effectuée par Ann Frye prouve que si l'accès est fiable (c'est-à-dire que des trajets sélectionnés soient totalement accessibles), l'utilisation des transports publics augmentera de 18%. Le processus de planification est donc rigoureusement surveillé; l'étape en voie de planification est soumise à un examen approfondi afin d'assurer la survenance de l'accès provisoire au lieu d'un accès progressif qui ne tiendrait pas compte des besoins des personnes handicapées. Le Department travaille actuellement sur des normes visant l'accès des piétons, des voitures de location et les «pannes et récupérations» afin de s'assurer que les automobilistes handicapées ont la priorité en ce qui a trait aux réparations routières et aux taxis accessibles pour retourner chez eux le cas échéant.

Bien que les normes britanniques régissant les nouveaux véhicules soient rigoureux et que l'exigence de réfection soit intégrée dans l'obligation d'apporter des ajustements raisonnables, les anciens trains non entièrement accessibles peuvent continuer de rouler jusqu'en 2035. Les avancées sont plus importantes en ce qui a trait aux autobus. On estime en effet que 90% des autobus du Grand Londres sont déjà conformes aux normes d'accessibilité.

L'organe chargé de faire respecter la loi et les règlements (par opposition à l'élaboration des règlements et à l'émission de permis) est la toute nouvelle Disability Rights Commission, entrée en vigueur en l'an 2000. En nommant Bert Massie, célèbre défenseur des droits des personnes handicapées, comme premier président de cette Commission, le gouvernement a manifesté sa volonté d'obtenir une totale conformité à la loi.

Créé par la loi (Disability Rights Commission Act, 1999), la Commission est entrée en vigueur et a commencé à fonctionner en l'an 2000. Le fait qu'il s'agisse d'une entité distincte de la commission générique des droits humains pose un véritable dilemme aux agences spécialisées. C'est la raison pour laquelle la fusion avec la commission générique est actuellement en cours d'examen. Mais on craint, au sein de la DRC, que l'incapacité n'a pas encore été bien établie, comme l'ont été les autres formes plus traditionnelles de discrimination.

En matière de politique, la DRC a déclaré que les normes à application volontaire ne fonctionnaient pas et, par conséquent, a fortement réclamé des règlements pour tous les secteurs. Son mandat est de revendiquer, promouvoir et conseiller le gouvernement mais elle détient également le pouvoir exécutoire pour les causes individuelles. Elle sera responsable, au titre du Disability Discrimination Act 2003, préliminaire, d'établir un nouveau Code des transports. Contrairement aux causes fondées sur l'éducation et l'emploi qui sont référées à des tribunaux administratifs, les procès de transports sont intentés auprès des Cours, où il est jugé plus difficile d'argumenter et de gagner. Le comité juridique de la DRC est chargé de faire l'examen initial des cas et d'établir la stratégie de litige. La DRC est l'hôte du Transport Consumer Forum.

La DRC a déjà obtenu des résultats judiciaires largement médiatisés, notamment en remportant le procès intenté contre la compagnie aérienne de vente à rabais Ryanair31 pour défaut d'ajustements raisonnables. Le juge Crawford Lyndsay, CR, a ordonné à Ryanair de «faire les ajustements nécessaires» et de permettre à Ross de voyager pour le même tarif. Les deux parties ont indiqué que la question est loin d'être terminée. La Disability Rights Commission a annoncé son intention d'intenter un recours collectif contre la compagnie aérienne, fondé sur sa décision initiale. Au lieu d'interjeter appel, la compagnie réagi en incluant une redevance dans chaque billet, mettant en évidence un coût imputé et contesté pour tous les passagers et attribuable, a-t-elle déclaré, aux coûts liés aux incapacités. Il est important de noter que dans son jugement, le juge a déclaré qu'il incombait à la compagnie et non aux autorités aéroportuaires d'assurer un embarquement sécuritaire et digne des passagers handicapés. Il est alors difficile de ne pas conclure que la décision de l'E.U. de transférer, en vertu des règlements proposés (discutés ci-après) la responsabilité des compagnies aériennes aux autorités aéroportuaires, résulte directement du fait que l'on ne peut absolument pas se fier aux transporteurs à rabais «vols de nuit» comme Ryanair pour assurer des niveaux adéquats de services puisque leur but incontestable est de décourager les passagers handicapés de voyager avec eux.

Le R.U. est très fort en processus et mise beaucoup sur la participation des organisations de personnes handicapées. D'ailleurs, le gouvernement accorde des ressources aux personnes handicapées, dont plusieurs possèdent des compétences professionnelles dans le domaine, afin de s'assurer que leurs aptitudes et leur expérience sont pleinement utilisées dans la recherche et dans les consultations visant l'établissement de normes.

Ces mesures d'accessibilité britanniques, basées sur le modèle américain, ont été rapidement imitées par la communauté européenne. En général, les normes européennes ont préséance sur les normes nationales. Comme nous le verrons ultérieurement, les normes européennes ont été fondées sur le modèle britannique et c'est Ann Frye, directrice du Mobility and Inclusion Unit du Royaume-Uni, qui en a assuré le leadership au sein de l'Union européenne.

Ann Frye redoute l'impact des nouvelles normes européennes sur les normes nationales britanniques, notamment dans le secteur de l'adaptation sensorielle (par ex: vision, ouie.) Elle estime en effet que dans ce domaine, les normes britanniques sont nettement supérieures à celles élaborées par l'U.E. Si ses craintes sont justifiées, cela aura un effet de nivellement puisque les lignes directrices européennes prévalent en cas de conflit.

LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

La Communauté européenne a renforcé l'intégration de ses États membres afin de consolider l'union économique. En raison de leurs implications économiques et trans-frontalières, les transports ont été priorisés en matière de normalisation. On tente également de s'assurer que tous les produits fabriqués en Europe n'affrontent aucun obstacle non-tarifaire et puissent être vendus et utilisés dans tous les pays membres. Les normes d'accès émergeant dans les pays membres, R-U compris, risquaient de constituer des obstacles non-tarifaires. S'étant fixé comme objectif d'atteindre, d'ici 2010, un taux d'emploi de 70% pour les personnes handicapées, la Communauté s'est également demandée comment les normes d'accès pourraient contribuer à l'atteinte de cet objectif. Tous ces facteurs ont alors poussé l'Union européenne à établir des normes d'accès obligatoires et applicables dans toute la Communauté.

En 1985, le Conseil européen créa le Comité d'accessibilité et d'inclusion, présidé par Ann Frye, du Department of Transportation du R.U. Dans le cadre du processus COST (Coopération scientifique et technique au niveau de l'Union impliquant des représentants de plusieurs pays européens), Mme Frye a aussi dirigé plusieurs groupes de travail sur les meilleures pratiques et les normes techniques pour les technologies de transport produites en Europe.

Comme il fallait s'y attendre, les recommandations formulées dans le cadre du processus COST traduisent assez fidèlement les normes britanniques pour les autorails et pour les autobus routiers. Ces recommandations ont ensuite donné naissance aux Directives européennes que les États membres doivent enchâsser dans leurs lois nationales et appliquer. L'Union européenne a le droit de prendre unilatéralement des mesures contre tout État qui ne respecte pas les Directives de la Communauté. Par conséquent, des normes européennes, basées sur les normes britanniques, elles-mêmes assez semblables aux normes américaines, ont été établies dans les deux secteurs précités: autobus et autorails.

L'Europe a deux mécanismes pour imposer une réglementation à tous ses États membres: les lignes directrices et les règlements. Les premières sont imposées à toute l'Union européenne mais chaque État membre doit ensuite intégrer ces normes dans ses normes nationales, et selon un échéancier précisé. Les lois basées sur les directives sont appliquées par des tribunaux et des cours nationales. En revanche, les règlements sont des instruments législatifs de toute l'U.E. Ils doivent être exécutés par des tribunaux nationaux, mais en cas d'échec le seront par la Cour européenne.

Pour la majorité des pays, notamment ceux du sud de l'Europe qui n'ont pas d'histoire de financement ou de réglementation de l'accessibilité, les normes européennes sont une avancée par rapport à ce qui existait chez eux au préalable. Mais pour d'autres pays, ces normes ont, dans certains secteurs, un effet de nivellement. Ainsi, l'Irlande et l'Angleterre étaient les deux seuls pays à garantir l'accès aux trains niveau-gare. Cela a été perdu dans le processus. Cette norme a été occultée dans la directive européenne régissant le concept des trains. Le R-U n'a pu, non plus, faire enchâsser dans la directive sur les trains ses normes supérieures visant les personnes ayant une déficience visuelle et les personnes ambulatoires à mobilité réduite.

Bien que le Royaume-Uni ait fait preuve de leadership en ce qui a trait à l'adoption des lois de droits humains et de normes d'accessibilité, en matière d'accessibilité réelle, il traîne vraiment la patte derrière plusieurs autres États membres de l'U.E. dont l'engagement gouvernemental envers l'accessibilité remonte aux années soixante-dix. C'est notamment le cas de l'Allemagne, de la Suède et des Pays-Bas. À l'exception de l'innovateur Act on Facililties for the Disabled on Public Transport (1979) de la Suède, le leadership de ces pays peut être attribué à un mélange de financement gouvernemental servant à susciter la coopération de l'industrie et un désir d'instaurer des technologies innovatrices qui permettront à leurs secteurs manufacturiers respectifs de faire preuve d'avant-gardisme. Cet engagement envers l'innovation technologique fut exploité afin de généraliser les tentatives entreprises dans ces pays relativement aux directives et règlements de l'U.E.

Bien que la volonté d'agir semble pas mal claire, le gouvernement européen commence lentement à élaborer des structures pour rassembler les diverses initiatives. Il utilise à cette fin un processus intitulé COST, sous les auspices du Conseil européen des ministres des Transports. En 1985, le CEMT a créé le Comité d'accès et d'inclusion, présidé par Ann Frye du Royaume-Uni. Le COST est un processus bénévole auquel les États membres ont le choix de participer ou non (et de financer) une recherche pour la publication d'un rapport technique incluant les «meilleures pratiques» des normes proposées ainsi qu'une justification économique de l'imposition des normes pan-européennes comme règlements des directives. Le processus a été assez fructueux parce que, non seulement il tient compte des difficultés affrontées par certains pays (largement reconnus comme étant les «pays du Sud» qui ont progressé encore plus lentement vers l'accessibilité de leurs systèmes de transports, mais encore il met en évidence l'impact économique des normes traduisant les normes existantes (notamment au Royaume-Uni) et les pratiques des «pays nordiques» qui ont fait preuve de leadership en matière d'accessibilité.

La première Directive émise par U.E visait les autobus urbains et régionaux. Elle était fondée sur l'étude COST 322 sur les autobus à plancher surbaissé et adoptée le 13 février 2002. Les États membres avaient jusqu'au 13 août 2003 pour l'enchâsser dans leurs lois nationales respectives. La Directive exigeait l'installation obligatoire de rampes ou de dispositifs de levage sur tous les autobus urbains, des places assises accordées prioritairement aux personnes ayant une mobilité réduite, une aire désignée pour les fauteuils roulants et pour un chien-guide et enfin des couleurs contrastantes pour les personnes ayant une déficience visuelle.

L'étude COST 349 se penche sur la construction des autobus interurbains et internationaux. Elle sera terminée en 2005 et on s'attend à ce qu'une Directive soit émise peu de temps après.

Contrairement aux autobus, les deux Directives de l'U.E. relatives aux trains ne visent que les trains internationaux, à savoir les trains à haute vitesse et les trains conventionnels. Elles énoncent des caractéristiques techniques très détaillées d'inter-opérabilité (TSI) afin d'assurer à travers l'Europe une comparabilité entre les trains et leur infrastructure (à savoir les quais et les gares. Les normes formulées dans cette Directive sont basées sur la recherche publiée dans le rapport COST 335.

Contrairement aux autobus et aux trains pour lesquels le R-U a promulgué des normes légiférées, les transports aériens n'étaient pas soumis à aucune norme légale. L'U.E. a tout d'abord déclaré que des mesures volontaires suffiraient. Tel que mentionné plus avant, l'industrie a eu d'énormes difficultés à établir des normes valables et les ministres des Transports manifestaient un engagement variable envers l'application des normes. Comme ce fut le cas pour les trains, à cause du marché unique européen, aucune uniformité ne pouvait être garantie aux voyageurs en traversant les frontières. L'U.E. effectua plusieurs consultations sur une période de trois ans. Il en émergea un consensus envers l'interdiction de refuser un passager, sous réserve toutefois d'exception en cas de danger pour la sécurité des passagers. De plus, une décision consensuelle fut adoptée pour qu'aucun montant supplémentaire pour motif d'assistance liée à l'incapacité, ne soit imposé aux voyageurs à mobilité réduite. La question du concept des aéronefs n'a pas été incluse dans les consultations parce que le marché des avions est mondial et non continental, comme c'est le cas pour la plupart des autres véhicules de transport. Dans son rapport, le Groupe de travail suggère que ces enjeux soit réglementés internationalement.

Le transport aérien fournit le classique exemple de l'échec des normes d'application bénévole, déboutant les tentatives des compagnies et des aéroports fonctionnant sous les auspices de l'organisation parapluie la Conférence européenne de l'aviation civile. (CEAC), de conjurer l'imposition des normes exécutoires. En 2001, elle émit son Engagement de services pour les passagers des compagnies aériennes et son Engagement volontaire des aéroports envers les services aux passagers. Les membres de la CEAC avaient d'énormes difficultés à accepter des engagements de fond. Et Ryanair a rapidement brisé le seul engagement qu'ils aient été capables de faire (à savoir que les personnes handicapées n'auraient pas à payer de redevance pour bénéficier de l'égalité d'accès.) Par conséquent, le Parlement a alors décidé en 2003 que les Règlements proposés établissant des règles communes pour l'indemnisation et l'aide aux passagers des transports aériens, soient promulgués. Suite à cette résolution, un document rédigé par un Groupe de travail et intitulé Droits des personnes à mobilité réduite lors des voyages aériens a été publié Les règlements sont paraît-il imminents. Il existe une différence notable avec les normes aériennes nord-américaines, à savoir que l'U.E propose que la responsabilité de l'embarquement et des services d'accessibilité incombe aux autorités aéroportuaires et non aux compagnies aériennes. Mais ces dernières s'opposent à cette directive, redoutant l'augmentation des taxes d'atterrissage. Mais avec l'arrêt Ryanair, leurs objectifs seront probablement écartés. Contrairement aux directives régissant la conceptualisation des trains et des autobus, ces règlements, une fois finalisés, auront immédiatement force de loi et seront mis en exécution par la Cour européenne et non pas par des tribunaux nationaux.

Les normes de l'Autorité européenne de l'aviation civile sont paraît-il comparables aux normes américaines. Mais à l'heure actuelle, cette Autorité n'a pas l'intention d'accorder aux passagers les droits individuels obtenus en vertu de la loi américaine. Le grand débat émanant des consultations semble tourner autour de la responsabilité des services dans les terminaux et lors de l'embarquement. Dilemme: compagnies aériennes ou autorités aéroportuaires? En vertu de la politique proposée, cette responsabilité incombera aux aéroports parce que l'exigence de service s'applique même avant que le passager n'ait atteint le comptoir d'enregistrement. La nécessité de services décents lors des escales entre deux vols de compagnies différentes risque d'être centrée sur de virtuels incitatifs financiers (liés à ce que l'on appelle «les pressions concurrentielles») pour décourager fortement les personnes handicapées à voyager avec eux et par conséquent, se révèle davantage résistant aux règlements. Anticipant des changements soutenus du marché, la Commission appuya l'imposition d'obligations aux aéroports, espérant imposer des taxes équitables aux transporteurs à rabais et à pleins tarifs. Les aéroports peuvent inclure des redevances dans les taxes d'atterrissage imposées aux transporteurs aériens mais toute taxe différentiée imposée pour l'utilisation devra l'être au prorata du nombre total des passagers et non du nombre de voyageurs handicapés. Cette modification créera quelques défis aux personnes voyageant à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Europe; et engendrera peut-être une obligation simultanée pour le transporteur (à savoir, comme les aéroports, pour garantir que les aéroports européens assurent les services) avec lequel un passager a une connexité contractuelle ainsi que des recours nationaux auprès des cours ou tribunaux nationaux (par ex: l'OTC au Canada.) Les normes européennes semblent exiger un très haut niveau de coordination et de communication entre les aéroports et les compagnies aériennes. Les normes d'accommodement auxquelles ont droit gratuitement les passagers handicapés pendant le vol, seront très faibles, probablement parce que les agents de bord seront obligés de fournir des services en vol. Aucune disposition particulière ne vise les agents. Toutes les parties impliquées estimaient avec une énorme confiance que la réglementation imposée sera en vigueur d'ici 15 à 24 mois.

Les revendications de l'AEIF, association européenne pour l'inter-opératibilité des chemins de fer, pour une étude plus poussée des coûts bénéfices avant la réglementation et de la Commission des chemins de fer européens (CCFE) qui est en train d'élaborer une «Charte» préconisant l'auto réglementation, répondent aux tentatives des fournisseurs de transport de faire dérailler la proposition de réglementation.

L'Union européenne a nettement priorisé la réglementation de l'accessibilité. Le Forum européen des personnes handicapées (FEPH), organe composé de représentants de conseils nationaux de personnes handicapées de tous les États membres, appuie fortement l'orientation politique prise par le Conseil des Ministres. Cette initiative a également reçu l'appui de plusieurs membres du Parlement européen.

Le FEPH a été créé en 1996 afin de donner aux 37 millions de personnes handicapées de la Communauté une voix forte dans l'élaboration des politiques de l'U.E. Il est composé, à part égales, de représentants des conseils nationaux des personnes handicapées de la Communauté et des représentants de plus de 70 ONG représentant des personnes handicapées et des parents de personnes handicapées probablement incapables de se représenter elles-mêmes.

Conformément à l'article 13 du Traité établissant l'Union européenne (qui dote la Communauté d'un très fort rôle anti-discriminatoire), le FEPH a pour mission de promouvoir l'égalité des chances et la non-discrimination, par une participation active à l'élaboration des politiques. Le mandat du FEPH est semblable et conforme à celui de la plupart des organisations nord-américaines de défense des droits des personnes handicapées. Dans leur Déclaration de Madrid émise en 2003, l'Année européenne des personnes avec une incapacité, le FEPH demande que l'accès et l'intégration soient reconnus comme des droits humains.

De façon concluante, le FEPH a rejeté les normes d'application volontaire. Il estime, de manière avisée, que l'industrie ne bougera pas tant qu'il n'aura obtenu des exigences claires et cohérentes, stipulées par des normes obligatoires. On note en Europe l'influence grandissante de AGE, groupe paneuropéen de personnes âgées ayant une influence de plus en plus grande sur les politiques de transports. La population européenne des personnes âgées excède celle de l'Amérique du nord. La force politique qu'elle dégage est importante car AGE agira aussi aux noms des personnes handicapées ambulatoires, et revendiquera dans des secteurs comme les déplacements des piétons.

La question de l'accessibilité dans l'U.E. se résume à un désir d'ouvrir le marché européen à des véhicules de transport construits n'importe où en Europe et de permettre aux passagers de voyager librement sans subir des variations d'accessibilité, ce qui découragerait un pourcentage important du marché à entreprendre des voyages continentaux. En ce qui a trait aux normes ferroviaires, il semblait logique de lier la question de l'accessibilité à une initiative générale exigeant un volume important de réfections pour combattre des normes largement divergentes (par ex: l'écartement des rails) et ce, dans l'intention d'élaborer des normes d'interopérabilité à travers les frontières, fortement appuyées par des arguments économiques généralement acceptés.

À l'heure actuelle, cette initiative est assumée à l'occasion par divers services, chacun semblant dépendre de la bonne volonté et des ressources des autres pour remplir son mandat. On ne sait pas exactement qui, au sein de la bureaucratie de l'U.E., est chargé de faire progresser le Plan d'action européen pour les personnes handicapées, entré en vigueur en décembre 2003. Nonobstant cette confusion bureaucratique, il semble que de nombreux services veulent relever le défi de l'accessibilité. Cela traduit sans aucun doute la perception selon laquelle l'accès des personnes handicapées est un sujet brûlant pour les bureaucrates patronaux de l'Europe, un sujet auquel pourraient se rattacher des ambitions de carrière.

AUSTRALIE

Ce n'est que tout récemment que l'Australie s'est intéressée à la question de l'accessibilité et elle a encore beaucoup de chemin à parcourir, tel que facilement reconnu. En 1992, le Commonwealth promulgua le Disability Discrimination Act (DDAA). La plupart des états avaient déjà leurs lois anti-discriminatoires mais la loi fédérale avait préséance en cas d'incompatibilité.

La prestation de services de taxis accessibles pour les personnes handicapées, basée sur de stricts critères d'admissibilité, est une mesure innovatrice adoptée bien avant l'AADA. Les personnes admissibles pouvaient effectuer un nombre illimité de voyages à moitié prix, pour un montant maximal de 30 $( Aus.). Les conditions budgétaires semblaient être satisfaites par l'application des critères d'admissibilité. Cela fonctionne dans certains états (à savoir que les critères traduisent les besoins des personnes qui ne peuvent utiliser les services de transport conventionnels.) Mais dans d'autres, c'est beaucoup plus restreint, semblables aux limites imposées au Wheeltrans de Toronto lors des compressions budgétaires. Ainsi, l'état de Victoria compte trois fois plus de personnes admissibles aux subventions de taxis que l'état du New South Wales qui a une plus forte population. Dans l'état de Victoria, les personnes incapables de marcher jusqu'à l'arrêt d'autobus et certaines personnes aveugles sont admissibles, ce qui n'est pas le cas dans l'état de New South Wales.

Les taxis accessibles sont entrés en service grâce à un ensemble d'incitatifs gouvernementaux, incluant des prêts sans intérêt de 30 000 $ (Aus) pour une durée maximale de dix (10) ans, la prolongation de la période de mise en service des véhicules accessibles (dix ans au lieu des 6 à 8 ans habituels pour els véhicules conventionnels), l'émission de permis gratuits (ce qui peut valoir jusqu'à 250 000 $ (Aus). En échange, le chauffeur de taxi doit prioriser les demandes de taxis accessibles et fournir gratuitement certains services supplémentaires requis (par ex, fixer les dispositifs d'arrimage. Ces conditions sont intégrées dans le permis de taxis et sont contrôlées par le Department of Transportation.

Cette énorme dépendance sur les taxis explique le manque de pressions pour la mise sur pied d'un réseau de transport parallèle, porte à porte. Elle absorbe en outre la majorité des pressions exercées pour l'accessibilité des autobus scolaires. En vertu des règlements du DDAA, la période d'attente( à savoir le temps entre le placement de la demande d'un taxi accessible et l'arrivée du taxi) est l'une des questions les plus litigieuses. Il n'existe aucune norme prescrivant le nombre ou le pourcentage de taxis qui doivent être accessibles. D'ici décembre 2007, la période d'attente pour les taxis accessibles devra être la même que celle des taxis conventionnels. Ceci pourra être réalisé parce qu'à travers le pays, même si les permis sont individuellement accordés aux chauffeurs, la plupart des taxis fonctionnent selon des services de réservations et que de tels services sont soumis aux exigences du DDAA. Notons que le nombre de taxis accessibles par habitant des régions rurales de New South Wales est plus du double que celui d'une région urbaine comme Sydney. Selon les Autorités de transport de l'état, la cible de 2007 sera atteinte dès 2005 dans plusieurs régions du pays. On semble croire avec énormément de confiance que les taxis atteindront leur cible et qu'ils règlent plusieurs préoccupations relatives au transport urbain inaccessible.

Le mouvement des consommateurs sait que les tarifs des taxis (même à demi prix) sont prohibitifs par rapport aux tarifs des transports municipaux. Mais cela ne semble pas constituer un vecteur suffisant pour remplacer les taxis subventionnés par un système de transport adapté. On estime qu'un système plus élaboré de subventions est en train d'émerger (par ex., les programmes sociaux et de santé octroyant des subventions supplémentaires). Par conséquent, de pair avec le système conventionnel de transport totalement accessible, les taxis permettent d'atteindre l'objectif d'égalité d'accès sans avoir besoin d'un système de transport parallèle.

Après l'adoption du Disability Discrimination Act de 1992 (DDA) mais avant l'adoption de normes d'accès obligatoires, plusieurs causes notoires ont captivé la population et prouvé que les tribunaux et commissions des droits de la personne étaient déterminés à instaurer une efficace accessibilité. La plus importante de ces causes impliquait l'émission d'ordonnances judiciaires qui finirent par déboucher sur des règlements assurant une accessibilité accrue. L'achat de nouveaux véhicules de transports fut stoppé par une ordonnance judiciaire en attendant que soit rendu un jugement sur leur conformité ou non-conformité aux exigences législatives d'accessibilité. Mais avant que ces causes ne soient jugées (dans ces cas-là, les délais semblèrent favoriser l'application de l'accessibilité), les transporteurs décidèrent d'acheter des véhicules accessibles au lieu des véhicules inaccessibles proposés au préalable. Le pouvoir d'émettre des ordonnances provisoires est un pré requis pour la prise de décisions systémiques dans le domaine de l'accessibilité car il est en général «trop tard» une fois que d'importants montants ont été dépensés et que des véhicules inaccessibles ont été achetés.

Les résultats de ces causes d'ordonnance provisoire prouvent donc que les fournisseurs et non les personnes handicapées proposèrent des normes d'accès comme alternative aux litiges. Afin de doter ce processus de facteurs de prévisibilité et de planification, l'Australian Transportation Council of Ministers (regroupant des représentants du gouvernement fédéral et de tous les États) décida d'appuyer l'adoption de règles d'accessibilité. En 2002, suite à des consultations intégrées et respectées, coordonnées par la Human Right and Equal Opportunity (HREOC), les Disability Standards for Accessible Public Transportation entrèrent en vigueur en 2002. Elles énoncent des objectifs «fonctionnels» d'accessibilité et tous les modes de transports sont régis par une norme commune. En ce sens, elles diffèrent des normes prescriptibles appliquées par d'autres instances. Les normes fonctionnelles stipulent les résultats anticipés au lieu de prescrire les moyens et les paramètres requis pour atteindre ces objectifs. Ainsi, les transporteurs ont toute latitude pour choisir les moyens afférents. L'Australie, a-t-on expliqué, désirait avoir suffisamment de flexibilité pour se permettre des technologies de transports en Asie, en Europe et en Amérique du nord. C'est la raison pour laquelle des normes fondées sur les résultats anticipés furent préférées à des mesures précises.

En Australie, le réseau ferroviaire est principalement conçu pour ce qui, au Canada, serait appelé les voyages régionaux. La plupart des déplacements entre les États s'effectuent par avion ou en voiture personnelle. Par conséquent, il existe plusieurs vieilles stations qui posent des problèmes d'accessibilité. Les grandes variations d'écartement des rails d'un État à l'autre (comme en Europe) ne posent pas de problèmes puisque les passagers n'ont pas à changer de train; ils n'ont pas de transfert à faire ni de frontières à traverser.

Grâce surtout aux Olympiques, Sydney a pu atteindre, il y a cinq ans, sa cible d'accessibilité des trains au titre du DSAPT. Les politiciens perçurent cette réussite comme un tel succès qu'ils réduisirent pratiquement de moitié les fonds alloués pour l'accessibilité, garantissant pratiquement l'échec de l'atteinte des futures cibles. Ils ne semblent pas reconnaître (ou ont vraisemblablement décidé de ne pas reconnaître) qu'en raison du délai prescrit pour atteindre l'accessibilité, la cible de cinq ans qu'ils se vantent d'avoir atteint, a en fait été atteinte grâce à des mesures réalisées sur plus de onze ans.

Ce qui prouve que les cibles provisoires et les rapports de progrès annuels sont un pré requis pour la mise en vigueur éventuelle de programmes d'accessibilité comme le programme australien d'accessibilité des trains, qui s'est réalisé sur plus de trente(30) ans (les gares doivent devenir totalement accessibles d'ici quinze (15) ans.) Ces rapports dénonceront sans doute ces compressions peu clairvoyantes et provoqueront peut-être le rétablissement des fonds coupés, suffisamment à temps pour les progrès continuent de manière interrompue et que les buts soient atteints. Dans l'absence d'un plan à long terme, les politiciens ne sont pas capables de fixer des buts provisoires (par exemple, prioriser les gares principales). Fixer des cibles provisoires à l'avance est le seul moyen de ne pas terminer la période de trente (30) avec peu de progrès réalisés, voire aucun.

Jusqu'à présent, les gouvernements fédéraux et des États ont accordé les fonds requis pour que les services publics, comme les traversiers, les chemins de fer et les taxis privés subventionnés (le principal mode de transport public) respectent les échéances imposées par les règlements. Certaines instances comme New South Wales (qui fut récemment l'hôte des Jeux Olympiques) sont, à bien des égards, très en avance sur les délais prescrits. Une telle conformité implique que les règlements n'ont pas fait l'objet de contestations judiciaires. La réduction du financement d'importantes initiatives, récemment annoncée, n'a pas encore provoqué un non-respect des échéances. Elle signale plutôt que l'ère de l'application du mécanisme d'exécution va bientôt commencer. Les échéances non respectées engendreront des litiges, incluant des différends sur la signification précises des normes «fonctionnelles» au libellé courant. Avec des normes aussi vagues et une application abandonnée à des pourvois judiciaires intentés par des particuliers, il est difficile pour un observateur externe d'être optimiste quant aux résultats anticipés.

Les leaders de la collectivité des personnes handicapées sont toujours convaincus de l'efficacité des normes fonctionnelles du modèle australien, par contre on leur prévient de faire preuve de circonspection à cause de la généralité de ces normes et de la dépendance sur les litiges pour leur exécution. Et si les progrès vers la pleine accessibilité n'étaient plus financés par les deniers publics, les Australiens verraient si leurs tribunaux sont capables de relever le défi.

Le modèle australien semble attirer fortement les partenaires commerciaux de l'Asie Pacifique, comme le Japon, la Malaisie, Singapour et la Nouvelle Zélande, tous ceux qui ont manifesté leur intention d'adopter et de respecter ce modèle. Ils s'engagent dans des réformes sans attendre les résultats des premiers litiges intentés au titre de ces règlements.

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

Règlements impératifs

1. Le CCD doit refuser que les normes d'application volontaire continuent à être utilisées comme méthode efficace d'avancement de l'accessibilité pour les personnes handicapées dans les divers modes de transports. Le cas VIA Rail démontre que les lignes de conduite volontaires deviennent des normes maximales au lieu d'être des normes minimales et que de plus, elles seront écartées lorsque cela deviendra nécessaire. L'expérience internationale prouve que tous les gouvernements européens et les États-Unis sont arrivés à la conclusion que des règlements prescriptibles, basés sur le modèle américain, constituent le seul moyen d'introduire l'accessibilité de manière efficace, équitable et ferme selon un échéancier raisonnable. L'objectif de la pleine accessibilité, les objectifs provisoires et les échéances d'élaboration des règlements qui permettront d'atteindre les objectifs devraient être légalement prescrits, selon un libellé qui résistera à un changement de régime.

Consolidation du consensus

2. Afin de contrecarrer les efforts gouvernementaux de diviser pour régner, le CCD doit rechercher la collaboration et l'appui d'autres organisations de personnes handicapées. Il doit faire circuler ce document ou un résumé de ses positions politiques et demander aux organisations de personnes handicapées de les endosser et d'accepter de collaborer à l'élaboration d'une stratégie concertée de changement.

Mesures requises

3. La stratégie doit inclure une déclaration stipulant que l'étude, l'analyse d'impact de la réglementation, la consultation avec les parties intéressées ou le dialogue avec les provinces ne sont pas nécessaires. Les initiatives de réglementation des autres gouvernements sont nettement plus avancées qu'au Canada. Les actions de tous les autres pays sont suffisamment révélatrices. Selon l'expérience canadienne et celle d'autres gouvernements, les processus déroutent au lieu de clarifier.

Coopérer c'est coopter

4. Le Comité consultatif du ministre sur les transports accessibles (CCTA) n'a pas été capable d'initier des normes de réglementation. De concert avec d'autres groupes de consommateurs, le CCD doit annoncer que si le nouveau ministre ne réfute pas la réticence manifestée par les précédents gouvernements envers la réglementation, il démissionnera du CCTA, boycottera les consultations et entreprendra d'autres gestes de désapprobation civile. Il suffit de regarder les faibles et déclinants niveaux d'accessibilité du pays alors qu'ils sont en pleine ascension dans le reste du monde, pour comprendre que cette position est justifiée.

Consulter sur les détails et non sur les objectifs

5. Le cas échéant, les consultations avec les parties intéressées doivent s'effectuer dans le but d'aviser le gouvernement sur la manière de formuler des règlements qui permettront le plus efficacement possible d'atteindre le but de la pleine accessibilité. Et à moins que ce but soit non négociable, les fournisseurs utiliseront ce processus de consultation pour contrecarrer l'atteinte dudit but.

Ce n'est pas le temps d'invoquer le nationalisme

6. Afin de minimiser les litiges et le refus, les règlements doivent être prescriptibles, inspirés des règlements de l'ADA, et non fonctionnels. Les normes prescriptibles doivent être basées sur celles en vigueur aux Etats-Unis. À l'heure actuelle, le Canada est tellement en retard par rapport au reste du monde qu'il ne peut se donner le luxe ou l'illusion, d'apporter un élément innovateur ou constructif. Les échéanciers imposés dans les autres pays devront être écourtés afin de traduire les avantages financiers dont ont bénéficié les transporteurs au détriment des Canadiens avec des déficiences. En basant ces normes sur celles appliquées aux États-Unis, le Canada sera sûr que (1) les fournisseurs n'ont pas encore dupé les organes de réglementation, (2) que la technologie requise est suffisamment disponible pour répondre à la demande du marché américain, (3) que l'Institut Fraser ne pourra alléguer que les concurrents américains obtiendront des avantages concurrentiels à cause de la sur-réglementation et (4) qu'afin de ne pas être battu au cours du processus par les experts grassement payés des fournisseurs, le CCD pourra retenir les services de consommateurs américains spécialisés et experts pour le conseiller, à coût modique. Les Américains ont prouvé que la réglementation n'est pas un mot à proscrire, même à l'heure où les transporteurs aériens font quotidiennement faillite. Le coût n'est pas une excuse.

Échec de la bureaucratie

7. Transport Canada doit savoir que les bureaucrates auxquels il a confié le dossier de l'accessibilité n'ont ni le pouvoir, ni l'expertise, ni l'engagement requis pour gérer efficacement leur portefeuille. Le CCD doit demander au gouvernement canadien de faire appel au gouvernement américain afin de pouvoir accéder à des spécialistes comme Dennis Cannon, David Capozzi et Robert Ashby. Ils devraient être chargés de recruter et former du personnel technique et légal qualifié afin que Transport Canada soit finalement capable de poursuivre le processus de réglementation.

Avant et non après

8. Transport Canada doit conserver le pouvoir d'accorder des exemptions pour «contrainte excessive» ou «mesure comparable» mais uniquement en cas de requête préalablement soumise et approuvée. Aucune tentative ex post facto d'utiliser les coûts engendrés par le non-respect des dispositions de la réglementation comme argument de défense pour défaut de conformité, ne sera tolérée. Des normes doivent être établies pour expliquer l'objet des exemptions accordées, les circonstances dans lesquelles elles seront disponibles ainsi que les conditions et échéanciers auxquels elles seront soumises. Ceci permettra de garantir que les buts de la loi seront atteints par le biais de la procédure administrative. Les décisions devront être publiques et des groupes comme le CCD seront autorisés à en commenter l'application. Le CCD tiendra Transport Canada politiquement responsable de la gestion des exemptions.

L'Office doit contrôler ses processus

9. La décision de l'OTC dans l'affaire VIA a été prise à une faible majorité de 2 à 1. Outre la faiblesse de cette majorité, il ne peut alléguer sa jurisprudence pour justifier sa capacité de prendre des décisions systémiques ou des décisions qui modifieront le comportement du fournisseur, surtout lorsque les fournisseurs estiment qu'ils ont financièrement intérêt à défier l'Office. LA Loi canadienne sur les Transports doit être modifiée afin de garantir qu'au moment de décider d'imposer ou non une injonction provisoire, l'Office tiendra dûment compte de l'impact qu'aura sur le processus de réglementation, la permission d'autoriser les fournisseurs de défier ou de retarder ledit processus. L'OTC est conçu pour travailler rapidement et de manière non informelle. Cela ne fonctionnera pas si les fournisseurs estiment qu'ils peuvent contrarier l'office ou le défier. Une injonction interdisant la mise en service des véhicules ou des gares forcera les fournisseurs à coopérer et à contribuer à l'accélération du processus.

Qui sera responsable d'intenter des poursuites? Dilemme!

10. Le plus grand défi du Canada sera peut-être de trouver un organe qui sera responsable d'engager des poursuites pour faire appliquer les règlements d'accès proposés. Dans le modèle actuel, en vertu de la Loi canadienne sur les transports, l'Office ne peut de son propre chef faire observer les règlements. Il doit attendre une «requête» avant de pouvoir commencer à enquêter et de soumettre un rapport des résultats. Il pourrait faire davantage mais jusqu'à présent il a été totalement passif. Le requérant doit assumer toute la poursuite. Comme l'a appris le CCD, c'est un rôle difficile à maintenir lorsque le fournisseur estime qu'il a tout intérêt à épuiser les ressources du requérant. Tel que mentionné au préalable, il a pleins pouvoirs sur les sentences arbitrales sans être responsable de surveiller les causes ou d'intenter des poursuites. Par analogie avec l'Australie, il pourrait confier une partie de cette fonction (surtout pas toute la fonction) à la Commission canadienne des droits de la personne. Voilà un autre organe qui, dans le contexte canadien, semble être dépassé par la gestion de ses responsabilités actuelles. Son homologue australienne a gagné sa crédibilité grâce au rôle qu'elle a joué dans un petit nombre de causes sur les transports systémiques ainsi que pour le leadership qu'elle a exercé lors de l'élaboration des Commonwealth Disability Standards for Accessible Public Transportation 2002. Alors que les consommateurs australiens sont certains que la Human Rights and Equal Opportunities Commission (HREOC) assumera ses responsabilités, il est encore trop tôt pour le dire et leur système, qui dépend toujours sur les plaintes, est encore plus antagoniste que notre procédure de droits humains. De plus, selon certains jugements judiciaires, les règlements accordant le rôle de procureur aux commissions des droits de la personne sont en contradiction avec leurs fonctions d'adjudicateurs et ce, même si elles assument la responsabilité d'engager des poursuites dès que leur présélection est terminée. Le frein le plus important est l'autonomie perçue de telles agences qui ne pourront être tenues responsables en cas d'échec dans l'accomplissement de leur mandat. Transport Canada ou le ministère de la Justice serait l'équivalent canadien. Le premier est de plus en plus perçu comme prisonnier des fournisseurs qu'il est chargé de réglementer. Le deuxième est autonome. Mais un bureau d'application des droits des personnes handicapées y serait comme orphelin, à moins d'être uniquement lié à la politique (par opposition aux litiges) de la Direction des droits humains. L'Ontario a entrepris un processus semblable d'établir la responsabilité de ministère public au titre de la récente LAPHO.

Financement des litiges d'intérêt public

11. L'OTC doit modifier son approche de refuser des coûts d'intérêt public à des groupes comme le CCD pour l'avancement de litiges ayant de vastes implications systémiques. Les tribunaux reconnaissent de plus en plus leur rôle public, notamment dans les cas fondés sur la Charte et lors de l'octroi de dommages-intérêts. La Cour suprême du Canada a récemment accordé de tels dommages et intérêts dans la cause Okanagan Indian Band. Le CRTC en a fait autant dans les cas d'anciens tarifs téléphoniques en autorisant l'intervention de groupes comme l'ONAP avec une représentation du CDIP. Il n'est pas toujours approprié de s'attable à ce que ces coûts incombent totalement à un fournisseur particulier, mais cela devrait être la norme. Au moins, tant que le dilemme de la responsabilité d'engage des procédures ne sera pas résolu, l'OTC devrait avoir le pouvoir d'octroyer des fonds publics à des requérants d'intérêt public pour leur permettre de donner suite à des causes systémiques. Le Programme de contestation judiciaire illustre parfaitement cette utilisation des fonds publics pour soutenir des litiges d'intérêt public. À l'heure actuelle, le CCD assume ce rôle au nom des Canadiens avec des déficiences, à des coûts considérables et au détriment de ses autres tâches. Si l'OTC n'accepte pas une telle responsabilité, ces fonds publics pourraient être transférés au Programme de contestation judiciaire, à condition qu'il en accepte la responsabilité.

Empêcher la non-conformité

12. Les litiges indiquent qu'un système de réglementation ne fonctionne pas comme il devrait. À l'OTC, les dommages sont intentionnellement minimisés, voire futiles. Les fournisseurs de services semblent considérer les causes individuelles comme une nuisance au lieu d'un avertissement. Suite à l'exemple de l'Air Carrier Access Act des Etats-Unis, l'OTC devrait avoir le pouvoir d'imposer des de lourdes sanctions en plus d'accorder les dommages et intérêts plutôt légers aux requérants particuliers. Les contraventions devraient être payées à Transport Canada qui pourrait ensuite rendre l'argent au fournisseur à condition que ce dernier accepte de conclure une entente l'engageant à respecter les exigences visant les secteurs à problèmes systémiques. De telles ententes devraient être publiques et le CCD devrait pouvoir forcer l'organe responsable d'intenter des poursuites à les faire appliquer. De plus d'importantes indemnisations compensatoires, soit le double ou le triple des dommages subis comme c'est le cas aux États-Unis, encourageraient la soumission de pertinentes requêtes individuelles et permettraient à l'OTC de superviser l'élimination des obstacles abusifs en se basant sur des situations réelles et factuelles.

POSTFACE

De nombreux événements sont survenus depuis la publication, le 1 er novembre 2004, de la première version de ce rapport intitulée: «Au Canada seulement dites-vous? …Pitoyable: La situation internationale de l'accessibilité des transports». Tout d'abord, et suite à une demande unanime, le titre du document a été modifié.

Un exemplaire pré-tirage du Résumé a été présenté, le 8 septembre 2004, au nouveau ministre des Transports, l'honorable Jean Lapierre. Le CCD voulait s'assurer que le ministre a la chance de se familiariser avec le contenu du rapport avant d'avoir à y répondre. Les principaux résultats illustrant le recul de l'accessibilité des transports ne devaient pas être déroutants puisque avant de devenir Premier Ministre, le Très Honorable Paul Martin avait demandé au recherchiste-auteur de ce rapport de le briefer à ce sujet. M. Lapierre a toutefois demandé un délai pour examiner les implications du rapport.

Puisque le ministre ne réagissait pas, son Cabinet fut avisé que le rapport serait discuté par les membres du CCTA lors de la réunion du 18 novembre. Présenté par son auteur, assisté de la présidente et du coordonnateur national du CCD, ce rapport fut extrêmement bien reçu par les membres du Comité, à l'exception du représentant de VIA Rail.

Après avis préalable, le ministre fut averti lors de la réunion du CCTA que s'il ne s'engageait pas à:

  1. remplacer les Codes de pratiques d'application volontaire par une réglementation de l'accessibilité,
  2. accroître les ressources de la Direction des transports accessibles
  3. s'attaquer à l'élaboration d'une nouvelle politique sur l'accessibilité des transports pour les personnes handicapées

avant la fin novembre, le CCD ne participerait plus au CCTA.

La réponse du ministre aux intentions du CCD fut loin d'être prometteuse. Il accusa le CCD de se lancer dans du «chantage» et refusa «d'être tenu responsable des décisions de son prédécesseur.»

Les 22 et 23 novembre 2004, la Cour fédérale d'appel a entendu l'affaire VIA Rail. Les arguments de l'avocat de la compagnie sont remarquables. Pour la première fois en effet, il a révélé que l'ex ministre des Transports David Collenette était parfaitement conscient de l'inaccessibilité des wagons Renaissance au moment de leur achat. Par conséquent, si cette déclaration est véridique, le ministre a délibérément menti aux membres de son CCTA en promettant que les wagons répondraient aux normes du Code ferroviaire.

Notons également qu'un nouveau Membre du Parlement a été directement et personnellement affecté par plusieurs des nouveaux obstacles répertoriés dans le rapport. Est-ce que son parti prendra fait et cause et l'autorisera à se prononcer au nom des Canadiens handicapés? C'est à voir!

Fin novembre, aucune autre réaction du ministre.

Le 6 janvier 2005, Marie White, présidente du CCD, a avisé le ministre par écrit que le CCD se retirait du CCTA. Elle a expliqué:

«Nous retirons notre participation au CCTA qui, pour nous, ne fait plus avancer la pleine intégration des personnes handicapées»

Mme White a réfuté l'allégation selon laquelle l'actuel ministre ne pouvait abroger une décision de son prédécesseur. Elle a souligné:

«Nous n'avançons pas: nous reculons! Le CCD est en train de consacrer son temps et son énergie à combattre ces mesures par des plaintes et des comparutions en cours.»

Le CCD estime, tout naturellement, que dans ce contexte d'érosion de leurs droits, les Canadiens avec des déficiences méritent bien mieux qu'un «sans commentaire» de la part du ministre responsable du système des transports au Canada.

Le mouvement des Canadiens handicapés vit un moment décisif. Les enjeux sont énormes.


11980, Arrêté de la CTC No. R-30742 conformément à l'article 281 de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. 1970
2Ruth Adelia c. Air Canada - Arrêté de la CTC No.10205 qui stipula que les voyageurs aériens avaient le droit de décider pour eux-même (à savoir le droit à «l'auto-détermination») qu'ils aient ou non besoin de l'aide d'un auxiliaire pendant le vol.
3Cette question a été référée en 1981 à la CTC par le ministre des Transports. Bien qu'il ait été suggéré dans la décision préliminaire que la politique nationale et la Charte des droits et libertés appuyaient la mise en vigueur de la Recommandation 88 d'Obstacles, la Loi fut abrogée par le gouvernement conservateur et remplacée par le Projet de Loi C-131, la Loi nationale sur les transports, avant même que le jugement final n'ait été publié.
4Buckholtz c. Air Canada, Arrêté de l'ONT No.1993-A-252
5Se référer à Lana Kerzner et David Baker, Une Loi canadienne sur les personnes handicapées?, 14 mai 1999 et Prendre les devants: Propositions du Conseil des Canadiens avec des déficiences pour modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne, octobre 1999.
6Smith c. Air Canada, Arrêté de l'OTC No. 290-AT-A-2000
7Textes réglementaires 1998, No.2456
8La municipalité métropolitaine de Toronto devint la Ville de Toronto. Aux fins de simplification, nous utiliserons le mot Toronto pour les deux.
9Le leadership vint tout d'abord de Action Awareness. Au fil du temps, le leadership fut confié à la Transaction Coalition.
10Cette procédure fut contestée sans succès dans l'affaire fondée sur la Charte Canella c. Toronto Transit Commission (1999), O.J. No.2282; rejet du pourvoi en appel auprès de la CSC (2000), S.C.C.A. No.31
11CODP, A Discussion Paper on Accessible Transit Service in Ontario
12CODP, Human Rights and Public Transit Services in Ontario, 2002.
13LPHO, S.O. 2001, c.32
14TTC 2003, Plan d'accessibilité, p.E-1
15Les documents du TAN peuvent être examinés sur son site web à l'adresse: www.icom.ca/tan
16Toute ma reconnaissance va à mon étudiant de la Faculté de droit de Toronto, Mark Colborne pour sa recherche sur l'histoire des lois d'accessibilité dans le domaine du transport public.
1749 U.S.C., 1612
1829 U.S.C.794
1923 U.S.C.142
2041 Règ.Féd. 18234 (1976)
21Décret-Loi No.11914, 41 Règ.Féd.17871 (1976)
2243 Règ.Féd. 2132
2344 Règ.Féd. 31442 (1979)
24American Public Transit Association c. Andrew L. Lewis, Secretary, United States Department of Transportation, 665 F.2 nd 1275 (1981)
25442 U.S.397
2649 U.S.C. 1601, 1612
2751 Règ.Féd.18994 (1986)
28Americans Disabled for Accessible Public Transportation c. Samuel K. Skinner, Secretary, DOT 881, F.2 nd 1184 (1989)
2936 CFR Part 1191 (Transportation Facilities) et Part 1192 (Transportation Vehicles), 6 septembre 1991
30Se référer par exemple à Michael Lewyn, «ThouShalt Not Put Stambling Block Before the Blind: The Americans with Disbilities Act and Transit for the Disbaled», 52 Hastings L.J. 1062 et Paul Stephen Dempsey, «The Civil Rights of the Handicapped in Transportation: The Americans with Disabilities Act and Related Legislation», 19 Transp. L.J. 315 (1991.
31Robert Ross c. RyanairLtd. And Stanstead Airport Ltd. Central London County Court , 29 janvier 04.