Enjeux actuels

Le 30 septembre 2009

L’ Hon. John Baird
Ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6

Monsieur Le Ministre


Le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) est reconnu pour ses nombreuses interventions en faveur de l’accessibilité des transports. En fait, le problème de l’accès aux systèmes de transports canadiens a galvanisé la création de notre organisation, il y a plus de trente (30) ans. Pourtant, de nombreux obstacles subsistent encore malgré les améliorations apportées; pire encore, de nouvelles entraves ont été créées.

Les ministres des transports fédéral, provinciaux et territoriaux se réuniront à Vancouver le 22 octobre prochain. Comme vous le savez, la compagnie Greyhound a annoncé la suspension de ses services au Manitoba et dans le nord-ouest ontarien. Nous avons appris qu’une entente à court terme avait été conclue quant au maintien de ces opérations et qu’une solution à long terme serait discutée lors de votre rencontre à Vancouver.

Pour de nombreuses personnes handicapées, les services d’autobus accessibles constituent le seul mode de transport pancanadien et intra-provincial. Ces services sont particulièrement cruciaux dans les régions rurales et éloignées. Nous vous exhortons donc à trouver une solution à long terme pour un service entièrement accessible aux personnes avec des limitations fonctionnelles.

Au cours des dernières années, le ministère fédéral des Transports ne s’est pas montré pas particulièrement ouvert aux discussions sur l’accessibilité et sur les transporteurs réglementés par le gouvernement canadien. Puisque Transport Canada ne manifestait aucune envie d’entreprendre un dialogue sur la création d’un plan d’action visant à améliorer l’accessibilité, nous avons été forcés de porter plainte ou d’entamer des procédures afin de garantir l’accessibilité des systèmes de transports nationaux. Pendant sept ans, nous nous sommes battus contre VIA Rail pour contester l’achat de wagons inaccessibles et la Cour suprême du Canada a finalement tranché en notre faveur en ordonnant à VIA de modifier les fameux wagons. Tout aussi ardu fut notre combat contre Air Canada et Westjet dans la célèbre affaire «une personne/un tarif». Les personnes handicapées ayant besoin d’auxiliaires pour des services non fournis pas le personnel de bord ne seront plus obligées de payer deux billets. Certes, nous avons gagné mais un cessez-le-feu aurait pu être conclu par une politique et une réforme du droit.

À partir de leurs expériences passées et devant la création de nouveaux obstacles, les Canadiennes et les Canadiens handicapés ont conclu que le seul moyen de garantir l’accès était d’instaurer des règlements qui forceraient les transporteurs à se conformer aux normes d’accès. En Ontario, la Loi sur l’accessibilité des personnes handicapées de l’Ontario pallie à ce besoin.

Le CCD estime que les forces du marché n’ont pas garanti l’accès aux transports et ne le garantiront pas et que seuls des règlements permettront aux Canadiens avec des déficiences d’accéder aux transports publics sur le même pied d’égalité que les autres personnes non handicapées. Le CCD ne croit pas que la création de tels règlements dépende de l’adoption d’une «loi nationale pour les personnes handicapées». Les lois actuelles régissant les transports fédéraux peuvent parfaitement y pourvoir.

Nous enjoignons les ministres des Transports à trouver une solution à long terme pour la prestation de services d’autobus pancanadiens, entièrement accessibles aux personnes avec des limitations fonctionnelles. Nous vous exhortons personnellement et collectivement à inscrire l’accessibilité des personnes handicapées à l’ordre du jour de vos prochaines réunions. Le CCD et ses membres sont prêts à travailler avec vous afin de vous éclairer davantage sur les enjeux actuels. Et à cette fin, nous avons annexé une brève vue d’ensemble des questions d’accès, identifiées aux niveaux national, provincial et territorial.

Nous vous prions d’affirmer dans les communiqués émis à la fin de vos délibérations, le droit fondamental des personnes handicapées à des transports accessibles. Ensemble, nous pouvons bâtir un Canada plus accessible et plus inclusif.

Veuillez agréer, madame la Ministre, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.


Marie White
Présidente nationale

Enjeux actuels:
Au niveau national

1. Les petits aéronefs CRJ d’Air Canada ne sont pas toujours accessibles aux personnes ayant des limitations fonctionnelles: leur soute ne peut contenir les fauteuils roulants. Puisqu’il n’y a pas toujours assez de portes pour accommoder ces petits avions, l’embarquement et le débarquement doivent quelquefois s’effectuer sur la piste et dans ce cas, des escaliers doivent être ajoutés. Voilà que réapparaissent les obstacles d’il y a trente ans.

2. Les aéroports continuent à installer des bornes d’enregistrement électronique. Ces «cracheurs de billets» ne sont pas accessibles aux malvoyants ni aux personnes à mobilité réduite.

3. Suite au jugement de l’affaire VIA Rail, trente-trois (33) wagons ont dû être réaménagés mais les wagons-lits sont toujours inaccessibles.

4. Une personne sourde/aveugle a dû voyager avec un accompagnateur. Aucune évaluation personnelle de sa capacité de voyager de manière autonome n’a été demandée. Le cas est toujours devant les tribunaux.

5. L’Office des transports du Canada (OTC) n’a pas été capable d’instaurer un mécanisme de règlement systémique des plaintes ni des solutions trans-réseau. Résultats, les mêmes plaintes sont sans cesse déposées.

6. Les transporteurs fédéraux se prévalent des Codes de pratiques volontaires. Les Canadiennes et Canadiens handicapés ont empiriquement constaté que ces codes n’assuraient pas la pleine accessibilité. Des règlements s’imposent à cette fin.


Obstacles provinciaux/territoriaux

1. À travers le pays, les personnes avec des déficiences ont fortement réclamé que les arrêts d’autobus et de métro soient annoncés de manière distincte. Des plaintes fondées sur les droits de la personne ont été déposées mais aucun redressement systémique n’a été appliqué.

2. Créés il y a quelques années, les réseaux de transport adaptés sont de plus en plus sollicités par les personnes handicapées et les personnes âgées. Mais l’offre ne suit pas la demande, laquelle continuera à augmenter avec le vieillissement de la population. Les services sont quelquefois suspendus ou davantage limités.

3. L’installation des signaux sonores pour piétons s’effectue très lentement; certains centres n’en ont même pas. Rien n’indique aux niveaux national, provincial et local que cela soit une priorité.

4. Même avec une réservation préalable de quarante-huit (48) heures, les autobus accessibles interurbains ou interprovinciaux arrivent souvent au terminal sans aucun dispositif de levage ou avec un dispositif brisé.

5. Il est même arrivé que l’autobus accessible, pourtant réservé, n’ait pas été mis en service et que le transporteur soit obligé de fournir un service de taxi au voyageur (par ex:, de Winnipeg à Brandon)

6. De plus en plus de taxis accessibles sont mis en service certes. Mais dans certains centres, importants pourtant, ce service est limité ou carrément inexistant.

7. Dans les régions rurales, l’accessibilité des services de transport et des aérogares est toujours problématique.


L’accessibilité des personnes handicapées dans d’autres pays


L’Americans with Disabilties Act (ADA): Une réussite en matière de transport

Aux États-Unis, les trains sont conformes aux règlements d’accessibilité stipulés dans l’ADA. Les aéroports et les avions américains sont des champions internationaux en matière d’accessibilité. Grâce à leur influence sur les marchés mondiaux, les normes de conception des aéronefs américains deviennent des normes internationales.

Title II: En matière de transports publics, l’ADA édicte la prestation de transports accessibles. L’achat des véhicules neufs ou usagés et la remise en état des anciens véhicules sont assujettis aux règlements adoptés en vertu de l’ADA. Outre ces règlements très détaillés, des Manuals on Transportation Design, produits par l’Architectural and Transportation Barriers Board ont été légalement mandatés pour fournir dans les moindres détails es caractéristiques exigées d’un véhicule accessible. Les chapitres du Title II sur le transport public sont exécutoires soit par le biais de procès particuliers, soit par le dépôt d’une plainte auprès de l’Office of Civil Rights de la Federal Transit Administration, Department of Transportation (DOT). Les transports exploités en entreprise privées (par ex les trains et les autobus interurbains) sont visés par le Title III. Les plaintes de violations du Title III peuvent être déposées auprès de la Civil Rights Division du Department of Justice (DOJ). Le ministère est autorisé à intenter un procès en cas de pratique de discrimination. Les procès privés sont rares. Cela illustre bien la capacité de l’avocat du DOT et du DOJ de représenter efficacement les intérêts des personnes handicapées. Ainsi, grâce à ce cadre de réglementation, l’accessibilité des transports américains est supérieure à celle du Canada



Le Disability Discrimination Act du Royaume-Uni (1995)

Le Mobility and Inclusion Unit du Department of Transport du R-U est responsable de la réglementation de l’accessibilité. Avant de mettre des véhicules en service, les transporteurs doivent obtenir un permis de l’Inclusion Unit.

Les wagons inaccessibles achetés par VIA Rail en l’an 2000 de VIA étaient initialement destinés au Royaume-Uni. Mais parce qu’ils n’étaient pas conformes aux normes d’accessibilité, le constructeur n’a pu obtenir de permis pour les mettre en service sur le réseau ferroviaire anglais.

Au Canada, les voyageurs handicapés espèrent que le gouvernement créera un organe capable de refuser un permis à tout transporteur cherchant à faire fonctionner de l’équipement roulant inaccessible.


Recommandations du CCD pour l’établissement d’un système fédéral de transport, accessible et inclusif

Que le ministre des transports élabore immédiatement, pour tous les modes de transports réglementés par le gouvernement fédéral, des règlements d’accessibilité analogues au modèle américain de réglementation.

1. Que le ministre des Transports établisse un Comité consultatif d’organisations de personnes handicapées sur le transport accessible. Ce comité sera doté des ressources requises pour entreprendre des recherches et conseiller le ministre pour l’avancement de l’accès et de l’inclusion des personnes handicapées dans tous les modes de transports réglementés par le fédéral.

2. Que le ministre des Transports renforce la capacité de l’Unité du transport accessible, au sein de Transport Canada, afin qu’elle puisse élaborer un plan d’action national, effectuer des recherches sur les réussites dans d’autres juridictions, soumettre annuellement des rapports sur les objectifs convenus, surveiller le genre et le focus des plaintes déposées auprès de l’OTC et garantir une consultation appropriée de la collectivité des personnes handicapées.

3. Que le gouvernement du Canada impose un très rigoureux principe de normalisation à toute initiative d’infrastructure.

4. Que l’Unité du transport accessible, au sein de Transport Canada, publie un plan d’action pour l’établissement d’un système de transports nationaux accessibles et inclusifs et soumette chaque année un rapport sur les objectifs et les réalisations.

5. Que l’Office des transports du Canada élabore un plan d’action pour l’éradication des obstacles systémiques qu’affrontent les personnes handicapées.