Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

Faits

Cet appel portait sur l’interprétation du sous alinéa 97(1)b)(iv) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), qui prévoit que ne peuvent avoir la qualité de personnes à protéger les demandeurs d’asile qui sont exposés à une menace à leur vie causée par « l’incapacité du pays [de leur nationalité] de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats ».

Les Covarrubias ont demandé l’asile mais avant la tenue de leur audience, on a diagnostiqué chez l’appelant une insuffisance rénale en phase terminale et on lui a immédiatement prescrit l’hémodialyse, un traitement médical de survie. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile des appelants, ayant conclu que la preuve démontrait qu’ils n’étaient pas personnellement exposés au risque d’être persécutés et qu’ils pouvaient se réclamer de la protection de l’État. La Commission a également refusé de reconnaître à M. Covarrubias la qualité de personne à protéger du fait de ses problèmes médicaux.

Décision

Les Covarrubias ont tenté d’établir la distinction entre le refus d’un pays d’offrir des soins de santé et la véritable incapacité de ce même pays à fournir des soins médicaux. Tout pays qui, bien que financièrement apte à assurer des soins d’urgence, décide, à titre de politique publique, de ne pas dispenser librement ces soins à des citoyens démunis, viole en fait les normes internationales et expose les appelants à une menace de vie visée par l’article 97.

Citoyenneté et Immigration Canada a plaidé pour une interprétation large de l’exception contenue au sous-alinéa 97(1)b)(iv), interprétation qui exclurait pratiquement toute menace à la vie imputable aux besoins de l’intéressé en matière de santé. Il soutient d’autre part qu’il n’existe aucune distinction entre le refus ou l’incapacité d’un pays de fournir des soins de santé.

La Cour a conclu que le sous-alinéa 97(1)b)(iv) devait être largement interprété de telle sorte que le demandeur d’asile ne pourra que rarement se décharger du fardeau qui lui incombe. Il doit démontrer que le pays n’est pas incapable de fournir des soins de santé qui sont adéquats pour le demandeur ou, en d’autres mots, que le pays est capable de fournir des soins de santé mais décide de ne pas les assurer.

Ce n’est pas parce qu’un pays décide, pour des raisons d’ordre public, de ne pas fournir certains soins de santé qu’on doive nécessairement en conclure qu’il « n’est pas disposé » à fournir ces mêmes soins de santé à ses ressortissants. La preuve sera apportée lorsque le demandeur pourra démontrer qu’il serait personnellement exposé à une menace à sa vie en raison du refus injustifié du pays de lui fournir des soins de santé adéquats lorsque ce pays a la capacité financière de les lui offrir. Par exemple, lorsqu’un pays cherche délibérément à persécuter une personne ou agit de façon discriminatoire à son égard en allouant sciemment des ressources insuffisantes pour traiter et soigner la maladie ou l’invalidité dont souffre cette personne, comme certains pays l’ont fait dans le cas de patients atteints du VIH/SIDA, cette personne peut bénéficier de cet article, car il s’agit en pareil cas d’un refus et non d’une incapacité de fournir des soins.