Mémoire au Comité permanent des finances lors de la consultation pré-budgétaire: La déficience n'est pas une question partisane

Mémoire soumis par le Conseil des Canadiens avec déficiences

Decembre 2010

Contexte

Le 11 mars 2011, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Ce nouveau traité international vise à protéger et à promouvoir les droits humains des personnes avec des déficiences. Pour les Canadiens handicapés, cette ratification est un événement historique et marquant, engageant tous les gouvernements à faire avancer les droits et la condition des personnes avec des limitations fonctionnelles.

En tant qu'organisation de défense des droits des personnes à multi-déficiences, le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) estime que la CDPH crée le cadre requis pour la réalisation de ces droits. La CDPH est un document général énonçant les obligations des gouvernements quant au règlement des questions touchant les personnes handicapées dans une vaste gamme de secteurs. En ayant ratifié la Convention, le gouvernement du Canada est forcé d'élaborer un plan de mise en vigueur et d'instaurer un mécanisme de suivi pour évaluer la progression du plan. Et toujours selon la ratification, ces mesures doivent également se baser sur l'active participation des Canadiens handicapés et de leurs organisations. Si cela ne peut décemment être réalisé à court terme, des mesures soutenues et viables doivent néanmoins être prises pour aborder la traditionnelle inégalité subie par les personnes avec des déficiences. Le CCD rappelle à tous les députés fédéraux que les questions liées aux déficiences ne sont pas des questions partisanes. Elles touchent toutes les Canadiennes et tous les Canadiens; et la plupart d'entre eux, à un moment donné ou à un autre, auront accès aux services et soutiens instaurés pour créer un Canada plus accessible et plus inclusif.

Priorités

1. Mesures pour atténuer la pauvreté

Article 28
Niveau de vie adéquat et protection sociale

  1. Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et pour leur famille, notamment une alimentation, un habillement et un logement adéquats, et à une amélioration constante de leurs conditions de vie et prennent des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l'exercice de ce droit sans discrimination fondée sur le handicap.
  2. Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à la protection sociale et à la jouissance de ce droit sans discrimination fondée sur le handicap et prennent des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l'exercice de ce droit, y compris des mesures destinées à :

    a) Assurer aux personnes handicapées l'égalité d'accès aux services d'eau salubre et leur assurer l'accès à des services, appareils et accessoires et autres aides répondant aux besoins créés par leur handicap qui soient appropriés et abordables;

    b) Assurer aux personnes handicapées, en particulier aux femmes et aux filles et aux personnes âgées, l'accès aux programmes de protection sociale et aux programmes de réduction de la pauvreté;

    c) Assurer aux personnes handicapées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pauvreté, l'accès à l'aide publique pour couvrir les frais liés au handicap, notamment les frais permettant d'assurer adéquatement une formation, un soutien psychologique, une aide financière ou une prise en charge de répit;

    d) Assurer aux personnes handicapées l'accès aux programmes de logements sociaux;

    e) Assurer aux personnes handicapées l'égalité d'accès aux programmes et prestations de retraite.

S'attaquer à la pauvreté disproportionnée subie par les Canadiens avec des déficiences

Le CCD recommande que:

Le crédit d'impôt pour personne handicapée (CIPH) soit remboursé aux Canadiens handicapés sans revenu imposable. À l'heure actuelle, de nombreuses personnes avec des déficiences éventuellement admissibles au CIPH n'en retirent aucun avantage puisqu'ils n'ont pas de revenu imposable. Plusieurs d'entre elles vivent avec moins de 10 000 $ par an. Cette recommandation a été endossée par le Comité sénatorial dans son rapport de décembre 2009 « Pauvreté, logement, itinérance : Les trois fronts de la lutte contre l'exclusion »

Le gouvernement du Canada crée un Groupe de travail pour examiner la pauvreté chez les Canadiens handicapés et proposer des recommandations aux fins d'atténuation. Le Régime enregistré d'épargne-invalidité, établi dans le budget de 2007, est une excellente mesure mais les Canadiens handicapés n'en bénéficieront concrètement que dans de nombreuses années.

En conséquence de sa ratification de la CDPH, le gouvernement du Canada doit prioriser l'atténuation de la pauvreté vécue par les Canadiens avec des déficiences et, dans une série de dialogues avec les personnes handicapées et leurs organisations, élaborer d'importantes mesures visant à réduire l'incidence disproportionnée de la pauvreté chez les Canadiens avec des limitations fonctionnelles.

2. Mesures de création d'emploi, y compris pour les personnes les plus marginalisées

Article 27
Travail et emploi

  1. Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l'inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l'exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d'emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment :

    a) Interdire la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l'emploi sous toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d'embauche et d'emploi, le maintien dans l'emploi, l'avancement et les conditions de sécurité et d'hygiène au travail;

    b) Protéger le droit des personnes handicapées à bénéficier, sur la base de l'égalité avec les autres, de conditions de travail justes et favorables, y compris l'égalité des chances et l'égalité de rémunération à travail égal, la sécurité et l'hygiène sur les lieux de travail, la protection contre le harcèlement et des procédures de règlement des griefs;

    c) Faire en sorte que les personnes handicapées puissent exercer leurs droits professionnels et syndicaux sur la base de l'égalité avec les autres;

    d) Permettre aux personnes handicapées d'avoir effectivement accès aux programmes d'orientation technique et professionnel, aux services de placement et aux services de formation professionnelle et continue offerts à la population en général;

    e) Promouvoir les possibilités d'emploi et d'avancement des personnes handicapées sur le marché du travail, ainsi que l'aide à la recherche et à l'obtention d'un emploi, au maintien dans l'emploi et au retour à l'emploi;

    f) Promouvoir les possibilités d'exercice d'une activité indépendante, l'esprit d'entreprise, et l'organisation de coopératives et la création d'entreprise;

    g) Employer des personnes handicapées dans le secteur public;

    h) Favoriser l'emploi de personnes handicapées dans le secteur privé en mettant en ouvre des politiques et mesures appropriées, y compris le cas échéant des programmes d'action positive, des incitations et d'autres mesures;

    i) Faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en faveur des personnes handicapées;

    j) Favoriser l'acquisition par les personnes handicapées d'une expérience professionnelle sur le marché du travail général;

    k) Promouvoir des programmes de réadaptation technique et professionnelle, de maintien dans l'emploi et de retour à l'emploi pour les personnes handicapées.
  2. Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées ne soient tenues ni en esclavage ni en servitude, et à ce qu'elles soient protégées, sur la base de l'égalité avec les autres, contre le travail forcé ou obligatoire.

Obtenir un emploi

Cet automne, dans sa réponse au rapport « Pauvreté, logement, itinérance : Les trois fronts de la lutte contre l'exclusion », le gouvernement du Canada a déclaré « L'emploi durable est, en fin de compte, la meilleure source de sécurité de revenu pour les personnes et leurs familles. » Le CCD en convient mais malheureusement, nombreuses sont les personnes qui désireuses de travailler, sont exclues du marché du travail à cause de divers obstacles.

Nous recommandons que :

Des allocations spécifiquement attribuées et des cibles pour les personnes handicapées soient inclues dans les Ententes sur le développement du marché du travail, négociées avec les provinces

Les financements du Fonds d'intégration (FI), d'une stratégie de marché du travail pour les personnes avec des déficiences et de l'Entente de développement de la main d'œuvre à l'intention des personnes handicapées soient doublés. Le F.I. est resté fixé à trente (30) millions de dollars pendant quinze ans et les EDMPH n'ont pas été bonifiées depuis une décennie.

Le gouvernement du Canada devienne un « employeur modèle » et, qu'au cours des deux prochaines années, augmente de un pour cent (1%) la participation des personnes handicapées dans la Fonction publique.

3. Investissements pour éliminer les obstacles à la pleine et égale participation dans la communauté

Article 9
Accessibilité

  1. Afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie, les États Parties prennent des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l'égalité avec les autres, l'accès à l'environnement physique, aux transports, à l'information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l'information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales. Ces mesures, parmi lesquelles figurent l'identification et l'élimination des obstacles et barrières à l'accessibilité, s'appliquent, entre autres :

    a) Aux bâtiments, à la voirie, aux transports et autres équipements intérieurs ou extérieurs, y compris les écoles, les logements, les installations médicales et les lieux de travail;

    b) Aux services d'information, de communication et autres services, y compris les services électroniques et les services d'urgence.
  2. Les États Parties prennent également des mesures appropriées pour:

    a) Élaborer et promulguer des normes nationales minimales et des directives relatives à l'accessibilité des installations et services ouverts ou fournis au public et contrôler l'application de ces normes et directives;

    b) Faire en sorte que les organismes privés qui offrent des installations ou des services qui sont ouverts ou fournis au public prennent en compte tous les aspects de l'accessibilité par les personnes handicapées;

    c) Assurer aux parties concernées une formation concernant les problèmes d'accès auxquels les personnes handicapées sont confrontées;

    d) Faire mettre en place dans les bâtiments et autres installations ouverts au public une signalisation en braille et sous des formes faciles à lire et à comprendre;

    e) Mettre à disposition des formes d'aide humaine ou animalière et les services de médiateurs, notamment de guides, de lecteurs et d'interprètes professionnels en langue des signes, afin de faciliter l'accès des bâtiments et autres installations ouverts au public;

    f) Promouvoir d'autres formes appropriées d'aide et d'accompagnement des personnes handicapées afin de leur assurer l'accès à l'information;

    g) Promouvoir l'accès des personnes handicapées aux nouveaux systèmes et technologies de l'information et de la communication, y compris l'Internet;

    h) Promouvoir l'étude, la mise au point, la production et la diffusion de systèmes et technologies de l'information et de la communication à un stade précoce, de façon à en assurer l'accessibilité à un coût minimal.

Bâtir un Canada plus accessible et plus inclusif

Les forces du marché n'ont pas réagi en ce qui a trait à l'accès des personnes handicapées. En fait, de nouveaux obstacles ont été créés. Le gouvernement du Canada doit réglementer l'accès aux transports et aux communications. Les Canadiens avec des déficiences ne pourront apporter d'exceptionnelles contributions à la société si de nouveaux obstacles à la participation continuent à être érigés.

Nous recommandons que:

Le gouvernement du Canada règlemente les industries des transports et des communications afin d'en garantir l'accès aux personnes handicapées.

Le gouvernement instaure une politique d'approvisionnement afin de garantir l'accessibilité de tous les biens et services achetés, notamment des technologies d'information.

4. Appui au secteur bénévole

Article 4
Obligations générales

  1. Dans l'élaboration et la mise en ouvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l'application de la présente Convention, ainsi que dans l'adoption de toute décision sur des questions relatives aux personnes handicapées, les États Parties consultent étroitement et font activement participer ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l'intermédiaire des organisations qui les représentent.

Article 33
Application et suivi au niveau national

  1. Les États Parties désignent, conformément à leur système de gouvernement, un ou plusieurs points de contact pour les questions relatives à l'application de la présente Convention et envisagent dûment de créer ou désigner, au sein de leur administration, un dispositif de coordination chargé de faciliter les actions liées à cette application dans différents secteurs et à différents niveaux.
  2. Les États Parties, conformément à leurs systèmes administratif et juridique, maintiennent, renforcent, désignent ou créent, au niveau interne, un dispositif, y compris un ou plusieurs mécanismes indépendants, selon qu'il conviendra, de promotion, de protection et de suivi de l'application de la présente Convention. En désignant ou en créant un tel mécanisme, ils tiennent compte des principes applicables au statut et au fonctionnement des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l'homme.
  3. La société civile - en particulier les personnes handicapées et les organisations qui les représentent - est associée et participe pleinement à la fonction de suivi.

Appuyer le secteur sans but lucratif

Les Canadiens handicapés doivent se battre pour que leurs besoins soient comblés. Lors de périodes plus difficiles, elles sont souvent les premières à subir les effets des compressions de services et de mesures de soutien ainsi que les pertes d'emploi.

Il est vrai que le secteur bénévole est sollicité non seulement pour soutenir la communauté mais encore pour créer des services destinés aux chômeurs et aux personnes ayant le plus de difficultés à s'en remettre. Au Canada, le secteur bénévole offre pratiquement tout, des banques alimentaires jusqu'aux refuges en passant par le counselling, la formation et l'aide individuelle. Il a donc une importance cruciale pour le maintien et la consolidation du filet de sécurité sociale. Dans ces périodes difficiles, les bénévoles et leurs associations s'acharnent à régler les problèmes qu'affrontent de nombreuses personnes. Leur rôle est primordial. Le gouvernement du Canada doit leur permettre de continuer à apporter leurs solides et efficaces contributions, comme elles seules sont capables de le faire.

Nous recommandons que :

Le gouvernement du Canada renouvelle et prolonge le Programme de partenariats pour le développement social qui aide la collectivité des personnes handicapées à conseiller et informer le gouvernement afin de bâtir un Canada plus accessible et plus inclusif. Ce fonds n'a pas augmenté depuis 1996; les personnes handicapées et leurs organisations ont sans cesse été priées d'agir davantage avec de moins en moins de ressources. Cela ne peut continuer. Si le gouvernement ne bonifie pas cette aide, la valeur ajoutée qu'engendre la participation des organisations sera perdue.

Le consensus est là : la déficience n'est pas une question partisane :

Le CCD sait pertinemment que l'autorité fédérale a des limites et que plusieurs de nos enjeux relèvent des champs de compétence provinciaux et territoriaux. Le CCD recommande donc au gouvernement fédéral de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux à la mise en vigueur de stratégies de main d'œuvre et d'initiatives de politique sociale, de vaste envergure visant à répondre aux besoins des personnes handicapées. Le CCD saisit toutes les occasions possibles pour demander au gouvernement fédéral d'exercer ses pouvoirs législatifs afin de veiller à ce que les personnes handicapées soient pleinement intégrées dans les programmes et services canadiens.