Canadiens avec déficiences: Nous ne sommes pas encore morts

Présentation au Comité parlementaire des soins palliatifs et des soins prodigués avec compassion *

Le 16 juin 2010

Ottawa (Ontario)

Participants : Rhonda Wiebe, vice-présidente du Comité sur l’éthique en fin de vie du CCD
Jim Derksen, membre du Comité sur l’éthique en fin de vie du CCD
 

(*  CCD reconnaît que le titre du présent mémoire est une adaptation du nom du groupe américain Not Dead Yet, un groupe de défense des droits des handicapés qui s’oppose à l’euthanasie et à la légalisation du suicide assisté. )

Sommaire

« J’aimerais mieux être mort que de vivre avec un handicap » sont des réflexions que les personnes handicapées, surtout celles qui souffrent d’un handicap grave, entendent souvent de la part de personnes non handicapées. De tels commentaires reposent sur une fausse prémisse selon laquelle les personnes handicapées ont une piètre qualité de vie. Ces fausses prémisses à propos de la qualité de vie ont le pouvoir de déclencher des réactions préjudiciables aux personnes handicapées. L’utilisation d’une approche simpliste pour élaborer une politique de fin de vie entraînera une discrimination généralisée envers les personnes handicapées qui sont gravement malades ou à la fin de vie.

En 1996, le CCD a adopté une résolution énonçant : « Le CCD s'oppose à toute mesure gouvernementale visant à décriminaliser le suicide assisté, à cause des graves potentialités d'abus et de l'image négative qui se dégagerait si le meurtre des personnes handicapées était légalement sanctionné. » Le CCD y explique les raisons de son opposition à la légalisation du suicide assisté et partage ses recommandations dont l’objectif est de combattre l’idée des Canadiens voulant que le suicide assistée soit l’unique option.

 

 

Introduction

Le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD), une organisation nationale des droits de l’homme, œuvre pour un Canada accessible et inclusif. Rhonda Wiebe et Dean Richert sont vice-présidents du Comité sur l’éthique en fin de vie du CCD, et Jim Derksen, ancien président du CCD, est un membre du Comité.

Georges Minois dans History of Suicide: Voluntary Death in Western Culture étudie la réaction de la société au suicide, en démontrant que le suicide a tout autant été proscrit qu’approuvé en certaines circonstances (c.-à-d. des soldats patriotiques qui combattent jusqu’à la mort dans des situations désespérées). Le suicide chez les élites entraîne une réaction différente du suicide chez les classes défavorisées. Comme l’explique M. Minois, la signification attribuée au suicide, et par extension au suicide assisté, est le produit de relations sociales.

Le milieu des droits des personnes handicapées essaie de modifier les relations sociales ayant une influence sur le suicide assisté. Étant donné que la politique publique contribue au développement de la signification sociale, le CCD profite de l’occasion pour s’adresser au Comité. Nous nous réjouissons de la collaboration des députés de différents partis à ces questions importantes, mais difficiles. Le CCD recommande une approche non partisane envers les questions touchant les personnes handicapées. La même approche peut être adoptée pour les questions de fin de vie parce que, tout comme les déficiences, la fin de vie est inévitable. La politique publique canadienne en matière de fin de vie aura des incidences sur chacun de nous.

Le CCD reconnaît que les Canadiens handicapés n’ont pas tous le même point de vue sur le suicide assisté. En effet, certaines personnes handicapées s’identifient à la cause de la légalisation du suicide assisté (LSA). Au Canada, le nom de Sue Rodriguez nous vient immédiatement à l’esprit. Certains chercheurs en milieu universitaire ont étudié les points de vue de personnes handicapées sur la LSA. Les chercheurs américains Gill et Voss (2005) ont découvert que bien que les participants à la recherche handicapés soient divisés à part égale en ce qui concerne les pours et les contres la LSA pour les personnes en phase terminale, la majorité était contre la LSA pour les personnes handicapées. Les femmes, les afro-américains et les Latinos étaient les plus susceptibles de ne pas soutenir la LSA (Gill et Voss, 2005). En s’appuyant sur des expériences antérieures, les personnes défavorisées comprennent beaucoup mieux la façon dont elles pourraient être victimisées. Contrairement aux individus, le CCD a effectué une analyse prolongée de la LSA, évaluant ses impacts potentiels par rapport à nos principes. Nous avons conclu que la LSA violerait nos principes d’égalité, de dignité et d’autodétermination pour les personnes handicapées. Voilà pourquoi le Conseil s’insurge contre la LSA.

Dans le présent mémoire, le CCD traite d’une variété de sujets – demande de traitements, refus de traitement, abstention et retrait de traitement, suicide assisté, homicide par « compassion ». Lorsqu’on traite de la fin de vie dans un contexte de déficience, voilà les pratiques qui affectent les expériences des personnes handicapées gravement malade ou en phase terminale. Par conséquent, le CCD a adopté une approche inclusive sur la façon d’aborder les domaines sous enquête par le Comité. Plusieurs personnes dans la collectivité des personnes handicapées ont de l’expérience sur ces questions, et le CCD serait heureux d’aider les députés à prendre contact avec leur collectivité de personnes handicapées locale qui connaît bien les questions abordées dans le présent mémoire.

En résumé, le CCD partage sa compréhension de la façon dont le modèle des droits de la personne /modèle social des personnes handicapées peut contribuer à mieux saisir les questions à l’étude par le Comité, offrir un aperçu des ses initiatives antérieures pertinentes et de ses leçons apprises et apporter des recommandations au Comité.

Modèle des droits de la personne / modèle social de l’incapacité et questions de fin de vie — Les Canadiens handicapés ont un seul point de vue concernant les questions de fin de vie qui provient de notre expérience vécue avec des corps qui fonctionnent plutôt différemment de la norme. M. Gill énumère les expériences des personnes handicapées qui donne de la valeur ajoutée aux discussions sur la LSA : institutionnalisation, négligence, abus, traitement discriminatoire, dévaluation sociale, appauvrissement des ressources (Gill, 2010, p. 32).

Au CCD, les connaissances expérientielles en matière de déficience ont servi à élaborer un modèle d’analyse des questions de politique publique qui fusionne deux cadres d’analyse : les droits de la personne et le modèle social de la déficience. Les théoriciens du mouvement des droits de la personne et du monde universitaire ont élaboré un modèle social de la déficience. Le modèle, tel qu’utilisé par le CCD, se concentre sur l’élimination des obstacles créés par la société qui empêchent la participation équitable des personnes handicapées. En appliquant de tels concepts, comme la dignité et le devoir d’accommoder, la théorie des droits de la personne écarte les obstacles que notre culture place sur la route des personnes handicapées.

En mars, le Canada a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH) des Nations-Unies, qui exprime la façon dont les États Parties à la CRDPH doivent s’assurer que les personnes handicapées ont la complète jouissance de leurs droits. L’article 10 de la CRDPH indique ce qui suit : « Droit à la vie – Les États Parties réaffirment que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et prennent toutes les mesures nécessaires pour en assurer aux personnes handicapées la jouissance effective, sur la base de l’égalité avec les autres. » L’article 14 oblige les États Parties à assurer aux personnes handicapées le droit à la liberté et la sûreté de leur personne. L’article 25 sur la santé indique que : « … les États Parties … prennent toutes les mesures appropriées pour assurer (aux personnes handicapées) l’accès à des services de santé … En particulier, les États Parties doivent … (f) empêcher tout refus discriminatoire de fournir des soins ou services médicaux ou des aliments ou des liquides en raison d’un handicap. » Le CCD est d’avis que ces articles, combinés à des garanties en matière d’égalité et de droits de la personne faites aux Canadiens handicapées dans la Chartre canadienne des droits et libertés ainsi que dans les lois sur les droits de la personne des provinces et du fédéral, imposent au Canada l’obligation rigoureuse de s’assurer que les personnes handicapées ne sont pas les victimes de politiques et de pratiques visant à accélérer la mort. Le CCD incite les membres du Comité à collaborer avec la collectivité des personnes handicapées dans le but d’implanter une stratégie de CRDPH canadien qui confirmera les engagements énoncés aux articles 10, 14 et 25. La première exigence du Canada en vertu de la CRDPH sera de présenter un rapport de base au comité d’experts de la CRDPH. Nous invitons le Comité à exercer son influence pour garantir que le rapport du Canada reflète suffisamment la façon dont le Canada assume ses responsabilités envers les Canadiens handicapés à propos des questions sur lesquelles se penche actuellement le Comité.

La responsabilité sociale, plutôt que le vitalisme, constitue la motivation derrière l’opposition à la LSA du mouvement pour les droits des personnes handicapées, et à d’autres pratiques et politiques visant à accélérer la mort. La responsabilité sociale motive nos actions. D’après nos analyses, les impacts de la LSA modifieraient négativement les comportements culturels et les pratiques sociales des Canadiens envers les personnes handicapées et les personnes atteintes de maladies terminales. Ces impacts négatifs seraient préjudiciables à tous étant donné que tous les Canadiens auront à affronter la fin de la vie et la plupart, des déficiences.

La situation des personnes handicapées

Dans les années 1970, les Canadiens handicapés ont commencé à organiser des groupes du genre du CCD consacrés à améliorer notre statut social et économique. Les désavantages et l’isolation sociale sont toujours des facteurs présents dans la vie d’un trop grand nombre de Canadiens handicapés. Selon l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) effectuée en 2006, les personnes handicapées représentent 16,5 % de la population adulte âgée de 15 ans et plus au Canada, ou près de 4,2 millions de personnes. Nous constatons que :

  • Les Canadiens handicapés sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté.
  • Plus de deux millions d’adultes canadiens handicapés n’ont pas accès à un soutien ou plus en matière d’éducation, de travail, d’aide, de modifications apportées au domicile, etc.
  • Plus de 56 % des adultes handicapés en âge de travailler sont actuellement sans emploi ou ne font pas partie du marché du travail. Pour les femmes, le taux est d’environ 60 %.
  • Plus de 10 000 personnes atteintes de déficience intellectuelle sont en institution.
  • Les taux de violence et d’abus envers les personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées, sont les plus élevés de n’importe quel groupe de la société canadienne.

Expériences partagées — Les attitudes négatives envers les personnes handicapées, combinées à la pauvreté et à l’isolation sociale, augmentent la vulnérabilité des personnes handicapées, gravement malades ou mourantes à la discrimination et aux mesures d’accélération de la mort dans le système de santé. Les préjugés négatifs et fondés sur la capacité physique englobent l’idée que les personnes handicapées n’ont pas de qualité de vie, que leur vie n’est pas digne d’être protégée et qu’elles sont un fardeau. Des personnes ont partagé leurs expériences publiquement pour promouvoir des réformes sur la discrimination fondée sur la capacité physique qui réduit l’accès des personnes handicapées aux soins de santé.

Voici une anecdote intéressante concernant le juge Sam Filer.

En janvier 1989, le juge Filer est admis à l’hôpital pour une complication mineure due à la SLA. Durant son hospitalisation, il est victime d’une insuffisance respiratoire. À la demande du juge Filer, une infirmière communique avec sa femme, Tony Silberman. À son arrivée, les médecins présents demandent à Mme Silberman de sortir de la chambre. Ils lui disent que son mari fait une insuffisance respiratoire et que la fin est proche. Elle insiste pour qu’on prenne des mesures pour l’empêcher de mourir. Les médecins lui disent alors que la seule option est de le mettre sous ventilation, option qu’ils déconseillent. On lui dit alors qu’une fois sous ventilation, il devra toujours être sous ventilation et que, par conséquent, il n’aura pas de qualité de vie, que cela serait désastreux financièrement, que cela serait inhumain de ne pas le laisser mourir dans la dignité et que son devoir est de se consacrer à sa fille, qui n’était qu’un bébé à l’époque. Elle n’a que dix minutes pour prendre une décision. Mme Silberman insiste pour qu’on le mettre sous ventilation et, finalement, c’est ce qu’on fait. Quatre ans plus tard, le juge Filer mène une vie heureuse et bien remplie avec sa famille, et il est toujours juge, à temps partiel toutefois. Il est quadraplégique, sous ventilation 24 heures par jour et on le nourrit au moyen d’un tube de gastrostomie. Il a fait part de son expérience lors d’un discours à une conférence tenue en avril 1991, parrainée par l’Association for Independence in Breathing. Il convient de noter particulièrement les extraits suivants :

« Je crois que la maladie seule n’est pas ce qui m’afflige, mais plutôt la maladie et la façon dont les spécialistes considèrent la SLA et d’autres maladies évolutives. Nous avons senti et expérimenté, jusqu’à un certain point, que le personnel médical hésite à nous offrir des traitements, héroïques ou autres, nous laissant ainsi avec l’impression qu’on ponctionne le système et que nous n’avons pas le droit d’être assez égoïste pour vouloir vivre. Ils ont raison dans les deux cas, mais je m’en fous. Aussi longtemps que je pourrai apporter une contribution, peu importe laquelle, j’aurai le droit de profiter de la vie, et c’est ce que j’entends bien faire (page 10) - (CCD, 1993, p. 17). » [traduction]

Un de nos collègues handicapés, maintenant décédé, Mike Rosner, a partagé avec l’auteure Ruth Enns son expérience négative en raison de la mentalité du système médical. L’auteure a inclus cette expérience dans son livre sur Tracy Latimer, A Voice Unheard:

« En 1992, Mike Rosner a été admis dans un hôpital de Winnipeg en raison d’une pneumonie grave. Peu après son arrivée à l’unité des soins intensifs, les médecins lui ont dit qu’il n’en avait que pour quelques heures à vivre, ou quelques jours au plus. « Ils m’ont demandé si je voulais qu’ils me donnent des traitements » a-t-il dit. Mike était surpris. Selon lui, la raison pour laquelle on se rendait à l’hôpital était justement pour recevoir des traitements agressifs. Environ quatre ou cinq médecins ont essayé de le convaincre qu’il devait laisser la nature suivre son cours. Ils lui ont dit que s’il survivait, sa qualité de vie serait tellement mauvaise qu’elle n’en vaudrait pas la peine. Ils lui ont tracé un portrait très noir de la vie qui l’attendait (Enns, 1999, p. 100). » [traduction]

Des amis sont intervenus en sa faveur afin qu’il reçoive le traitement dont il avait besoin. Il a survécu et a continué à mener une vie productive dans la communauté. Ses collègues ont été capables de faire fi des stéréotypes simplistes à propos des personnes handicapées. Ils n’ont pas présumé que sa mort était préférable à la vie avec un handicap.

Certaines affaires judiciaires indiquent aussi comment des attitudes négatives envers les personnes handicapées peuvent avoir des impacts négatifs sur les traitements médicaux que reçoivent les personnes handicapées. En 1991 - 1992, en Ontario, il y a eu une enquête du coroner sur le décès de 15 enfants handicapés à la Christopher Robin Home. L’enquête a démontré que, dans certains cas, le personnel médical de la Home n’avait pas consulté les parents à propos de soins à apporter à leurs enfants, et qu’il avait pris unilatéralement la décision de ne pas faire de tests diagnostiques, de ne pas donner de traitement pour des maladies traitables ou mettant la vie en danger, comme la pneumonie, d’indiquer « Décision de ne pas réanimer » dans le dossier des patients, d’administrer des doses de morphine excessives allant bien au-delà des recommandations émises pour les enfants (CCD, 1993, p. 18). Le jury a recommandé ce qui suit : « on doit adhérer de façon constante aux normes de soins médicaux pour tous les enfants, peu importe leurs capacités … aucun enfant ne soit subir de discrimination en fonction de son handicap lorsqu’il s’agit de traitements médicaux (CCD, 1993, p. 18). » [traduction]


Aperçu du travail du CCD sur les questions de fin de vie et les leçons apprises

Le CCD a commencé à s’intéresser aux questions de la fin de vie dans les années 1990. (Les documents de la CCD sur les questions de la fin de vie sont disponibles sur son site Web à http://www.ccdonline.ca.)

La question personnelle est une question politique – Officieusement et au niveau expérentiel, un grand nombre de membres du CCD et de ses organisations membres ont une compréhension personnelle profonde du point où se recoupe la réflexion de la société à propos de l’incapacité et de la mort. Les personnes handicapées entendent souvent les personnes non handicapées dire qu’elles aimeraient mieux mourir que de vivre avec un handicap. Les personnes handicapées au Canada et ailleurs font état d’expériences assez similaires. Par conséquent, certaines personnes handicapées en sont venues à penser comment de tels sentiments pouvaient être préjudiciables à la sécurité des personnes handicapées à différentes étapes du cycle de vie. Kevin Irvine écrit ce qui suit :

« Not Dead Yet, un groupe de défense des droits des personnes handicapées, est grandement préoccupé des dangers de la légalisation du suicide assisté. Depuis plus de deux ans, le groupe apporte un éclairage nouveau au débat, ignoré auparavant. Se faisant, nous nous sommes retrouvés avec d’étranges compagnons de lit, comme l’American Medical Association (AMA), et des groupes pour le « droit à la vie ». Toutefois, contrairement à certains d’entre eux, nos motivations ne découlent pas de croyances religieuses qui reconnaissent le caractère sacré de la vie, mais d’un sentiment plus profond : la peur. Nous craignons que la discrimination à laquelle sont confrontées tous les jours les personnes handicapées n’entraîne l’abus généralisé du suicide assisté. De nombreuses personnes, y compris nos amis, des membres de nos familles et des médecins, croient toujours (et le disent haut et fort) qu’il est préférable de mourir que d’être handicapé (Irvine, 2002, p. 55). » [traduction]

Dans son article, M. Irvine avoue qu’il est atteint du VIH et qu’il souffre d’hémophilie. Il fait remarquer que bien que les personnes atteintes du VIH/sida ont plutôt tendance à être en faveur du suicide assisté, il a changé d’idée lorsqu’il s’est intéressé à la communauté des personnes handicapées en général. Il a alors compris les menaces que laisse planer le suicide assisté sur les personnes dont le handicap est différent du sien, comme les handicaps évolutifs. Les bénévoles faisant partie du CCD ont exprimé des sentiments semblables.

L’affaire Nancy B. — L’affaire Nancy B. a été un cri d’alarme pour un grand nombre de personnes handicapées. Pour certaines personnes, l’idée de vivre branché à une machine est odieuse, même lorsqu’ils dépendent de la technologie pour vivre. Nancy B., qui vivait dans un hôpital du Québec et était branché sur un respirateur, est allée en cour pour qu’on débranche le respirateur, et elle a gagné son point. Cette affaire a aidé à consolider le droit des patients canadiens de refuser le maintien de traitements qu’ils ne veulent pas. Ainsi, il n’est pas nécessaire que les Canadiens appuient le suicide assisté parce qu’ils ne veulent pas être obligé d’accepter dans l’avenir un traitement qu’ils considèrent inacceptable.

Bien que pour plusieurs personnes de la communauté des personnes handicapées cette affaire représentait une défaite amère, le CCD n’a pas participé au débat. Certaines personnes de la communauté étaient sincèrement convaincues que Nancy B. n’avait pas pris une décision éclairée, parce qu’elle ne connaissait pas suffisamment les options de vie communautaire où les utilisateurs d’un respirateur vivent une vie pleinement satisfaisante et favorisant l’habilitation dans la communauté. Les dispositions sociales qui prévoient la façon dont les services sont offerts rendent la mort séduisante. Des affaires comme celles de Nancy B. ont influencé la façon dont les personnes handicapées perçoivent l’autonomie.

L’affaire Tracy Latimer — Le CCD est intervenu dans l’affaire Tracy Latimer en demandant avec instance que le handicap de la victime ne soit pas traité comme un facteur d’atténuation afin de réduire la sentence de Robert Latimer, le tueur. La Cour suprême du Canada a accueilli les exigences du Code criminel. Bien que la Cour suprême ait bien compris les droits des personnes handicapées, il n’en a pas été de même pour le grand public. Durant toute la durée du procès, le CCD a été atterré par les sentiments négatifs exprimés par le grand public sur la vie avec un handicap.

L’affaire Sue Rodriguez — Le CCD est intervenu dans l’affaire Sue Rodriguez. Mme Rodgriguez a demandé une révision de la Constitution qui lui aurait donné le droit légal au suicide assisté. Dans son intervention, le CCD a allégué que la légalisation du suicide assisté aurait des effets négatifs sur les personnes handicapées. Le CCD a demandé avec instance qu’il y ait une période de discussion publique sur la LSA, et d’importantes mesures de protection pour accompagner la LSA. Les Canadiens non handicapés ont apporté leur appui à Mme Rodriguez. Svend Robinson, député à l’époque, était présent lors du suicide assisté de Mme Rodriguez, risquant ainsi des accusations criminelles. L’immense soutien aux personnes handicapées désireuses de mettre fin à leur vie a amené la collectivité des personnes handicapées à se demander pourquoi les efforts pour assurer l’aide aux personnes handicapées, les transports accessibles et un revenu adéquat n’éveillaient pas autant l’imagination des Canadiens non handicapés, et ne les motivaient pas assez pour soutenir des initiatives visant à améliorer la vie des personnes handicapées.

L’affaire Genereux — Le CCD est intervenu dans l’affaire Genereux pour qu’on rende une sentence dissuasive envers le docteur Genereux. Le CCD était d’avis qu’une sentence dissuasive était nécessaire pour préserver la vie et protéger les personnes vulnérables. Le docteur Genereux a aidé deux de ses patients, atteint de VIH / sida et de dépression, à se suicider. Au moment de l’affaire, Hugh Scher, avocat en pratique privée et président du Comité des droits de la personne du CCD à l’époque, a été interviewé pour le bulletin CCD Latimer Watch, auquel il a déclaré ce qui suit : « Cette affaire implique le docteur Genereux, une personne en position de confiance et d’autorité auprès de ces personnes [qu’il a aidées à se suicider] qui a abusé de cette confiance et de cette autorité. Il a menti au médecin du Collège des médecins et chirurgiens chargé de le superviser. Il a menti aux spécialistes et psychiatres à propos des traitements qu’il administrait à ses patients. Lorsqu’il a reçu un appel d’un ami de M. McGinn, le docteur Genereux lui a dit qu’il devrait laisser M. McGinn mourir et il a refusé de faire quoi que ce soit pour aider M. McGinn. Cela (cette affaire) démontre clairement combien il serait difficile d’établir des mesures de protection. En outre, si on n’empêche pas légalement le suicide assisté, il est clair que la vie des personnes handicapées, ainsi que la vie d’autres personnes, seraient en danger (CCD, 1998). » [traduction]

Comité sénatorial sur l’euthanasie et le suicide assisté — Une majorité des membres du Comité sont en faveur d’une peine moindre pour un homicide par compassion. Le CCD s’est présenté devant le Comité bien décidé à faire le suivi des recommandations originales du Comité. Il a allégué que cette recommandation aurait des effets négatifs sur les personnes handicapées. Il n’est pas rare de constater que les concepts de compassion des tueurs de personnes handicapées soient erronés. Bien que les personnes handicapées soient aussi satisfaits de leur vie que les personnes non handicapées, ces dernières assument souvent à tort que les personnes handicapées n’ont pas une belle qualité de vie.

Projet de loi d’initiative parlementaire — Le CCD s’est opposé à la présentation de projets de lois d’initiative parlementaire de Svend Robinson, de Sharon Carstairs et de Francine Lalonde qui, s’ils avaient été adoptés, auraient fait avancer les pratiques d’accélération de la mort. Bien que les adeptes du suicide assisté en parlent comme si elles étaient destinées à des personnes en phase terminale et prête à mourir, leurs mesures d’intérêt public comprennent souvent des critères d’admissibilité assez étendus pour y inclure des personnes handicapées (Wolbring). Le dernier projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-384 en est un exemple. Selon le projet de loi de Mme Lalonde, les personnes handicapées auraient été admissibles au suicide assisté.

Contribution au débat sur les mesures de protection : Le CCD a publié en 2002 le rapport Legalizing Physician-Assisted Death: Can Safeguards Protect the Interests of Vulnerable Persons. L’auteur, Orville Endicott, avocat ontarien, concluait dans cette analyse que « jusqu’à ce qu’il puisse être démontré de façon convaincante que tous les Canadiens bénéficient de la pleine égalité et de l’entière sécurité de leur personne, qu’ils soient handicapés ou non, comme le garantit la Charte canadienne des droits et libertés, il faudrait résister aux efforts de légalisation de l’aide aux personnes qui désirent mourir » (Endicott, 2002, p. 72). [traduction] Selon les défenseurs de la légalisation du suicide assisté (LSA), en adoptant des mesures de protection, on répondrait aux préoccupations soulevées par le CCD et autres entités. Les États où le suicide assisté est légal n’ont pas adopté de mesures de protection rigoureuses. Ils ont plutôt établi une obligation de déclarer les suicides assistés après le fait. Endicott mentionne qu’il serait très difficile de respecter les deux mesures de protection présentant une très grande importance pour les personnes handicapées. Il faudrait créer un tribunal indépendant 1) qui attesterait qu’une personne demandant une aide au suicide comprend les solutions de rechange s’offrant à elle et qu’elle n’est pas manipulée par d’autres personnes et 2) qui veillerait à ce que toutes les avenues raisonnables aient été examinées, l’exercice rendant la mort une solution moins attrayante. Endicott souligne l’importance de respecter ces critères en fournissant des preuves claires et convaincantes et il concède que cette exigence serait très difficile à satisfaire. Il cite la chercheuse Catherine Frazee, qui fait partie d’un programme universitaire d’études de la situation des personnes handicapées :

Nous devrons déployer de nombreux autres efforts pour lutter contre le mythe que « ce qu’une personne veut » est clair, compréhensible et absolu. Franchement, chez les êtres humains, le phénomène du « ce qu’une personne veut » me semble entièrement fluide, capricieux et transitoire; sa description n’est invariablement rien de plus qu’une approximation (Endicott, 2002, p. 71). [traduction]

Réseau de personnes vulnérables : Le CCD a été pendant deux ans partenaire d’un projet de recherche sur les soins palliatifs et les personnes vulnérables contrôlé par des universitaires et réunissant des universitaires et des membres de la collectivité des personnes handicapées. Le CCD a appris dans le cadre de ce projet que les praticiens en soins palliatifs ont besoin de plus d’information qu’ils n’en ont actuellement à leur disposition sur les problèmes et les préoccupations des personnes handicapées et sur les obstacles à l’accès aux soins en fin de vie. Ces spécialistes constituent d’importants alliés de la collectivité des personnes handicapées; il faut toutefois accroître le nombre d’occasions de favoriser la compréhension entre les deux collectivités. Le CCD estime nécessaire que des projets de recherche soient contrôlés par la collectivité des personnes handicapées; celle-ci peut ainsi avoir un droit de regard sur le programme de recherche.

Surveillance des médias et participation au débat public : Le CCD est très préoccupé par la façon dont la précipitation de la mort a été décrite dans les médias. La mort est en effet trop souvent présentée comme un choix logique et acceptable pour une personne handicapée et la solution de rechange, une vie active et libre dans la collectivité, n’est pas évoquée. La trame du film Million Dollar Baby primé par l’Académie des arts et sciences du cinéma constitue un bon exemple de cet état de fait. Le CCD cherche à contester les portraits des médias qui renforcent les stéréotypes négatifs. Nous écrivons des lettres au courrier des lecteurs, nous rencontrons les comités de rédaction et nous discutons de nos préoccupations avec les membres des médias.

La première semaine de juin 2010, au cours de laquelle le menu télévisuel de l’automne a été annoncé, les membres de l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists protestaient, soutenant que les Canadiens désirent voir leurs propres histoires à la télévision. À ce stade, le CCD ajouterait que les médias n’offrent pas suffisamment d’histoires réalistes de Canadiens handicapés incarnés par des acteurs ayant une déficience; des émissions suffisamment inclusives pourraient contribuer à surmonter les stéréotypes défavorables et les attitudes négatives dont il est question dans le présent mémoire. Les organismes publics qui appuient la création de produits culturels canadiens doivent veiller à ce que les producteurs culturels handicapés reçoivent une part équitable des fonds disponibles.

Recommandations du CCD au sujet des questions examinées par le Comité

Pénuries de ressources : Le Comité a cité des propos du député Joe Comartin dans lesquels celui-ci parle d’« une grave pénurie nationale de compétences spécialisées et de ressources matérielles dans les domaines des soins palliatifs, des soins palliatifs en établissement et des soins à domicile ». [traduction]. Le CCD convient qu’il existe une pénurie de ressources. Tandis que certains Canadiens commencent à peine à utiliser des services de soins à domicile lorsqu’ils sont rendus en fin de vie, des personnes handicapées ont dû recourir à ce genre de services leur vie durant. Le CCD a publié en 2005 le rapport A National Snapshot of Home Support from the Consumer Perspective, dans lequel des personnes handicapées ont soulevé un large éventail de préoccupations quant à la prestation des soins à domicile au Canada. Parmi ces préoccupations figuraient l’évaluation, l’admissibilité, la régionalisation, la transférabilité, les frais d’utilisation, les mécanismes d’appel, la formation du personnel, les programmes de financement direct, la syndicalisation et la privatisation. Ce rapport ne portait pas sur les préoccupations des utilisateurs de soins à domicile ayant une déficience en fin de vie. Il semble cependant tout simplement logique de supposer que ces problèmes ne seraient qu’exacerbés à ce stade où les personnes ont moins d’énergie pour négocier leurs besoins en matière de soins à domicile et où elles doivent faire face à des limitations physiques et à des difficultés propres à leurs problèmes de santé aigus les ayant mené en fin de vie. Tout au long de l’histoire du mouvement pour les droits des personnes handicapées, les militants ont demandé que des mesures d’aide à domicile soient offertes avec suffisamment de souplesse pour répondre aux besoins des utilisateurs ayant une déficience.

En raison des stéréotypes au sujet des personnes handicapées, on suppose que c’est toujours la personne handicapées qui est la bénéficiaire des soins. Les personnes handicapées sont cependant aussi des fournisseurs de soins; elles aident des personnes handicapées ou non à traverser la période de leur fin de leur vie en leur fournissant des soins à domicile non structurés. D’autres personnes handicapées qui désirent fournir des soins à des membres de leur famille en fin de vie rencontrent des obstacles : elles ne peuvent accéder soit au matériel dont elles ont besoin pour jouer ce rôle, soit à l’aide d’autres personnes pour l’exécution de certaines tâches. Ces obstacles engendrent de la détresse pour le fournisseur de soins handicapé et pour la personne en fin de vie. Les personnes handicapées qui fournissent des soins doivent être présentes à la table lorsque les services et les politiques d’aide aux aidants naturels canadiens sont élaborés.

Prévention du suicide : Les conditions sociales qui mènent au suicide constituent une source de préoccupations dans la collectivité des personnes handicapées. Les chercheurs du milieu universitaire et de la collectivité des personnes handicapées ont étudié la question du suicide chez les personnes handicapées. Ainsi, les chercheurs américains Berkman et collaborateurs ont établi que « les personnes atteintes de sclérose en plaques présentent un taux de suicide de deux à treize fois plus élevé que celui de la population générale, soit un taux supérieur à celui des patients ayant d’autres problèmes de santé physique chroniques ». [traduction] Ils ont trouvé que « de plus, le taux des tentatives de suicide et des suicides réussis est plus élevé chez les personnes atteintes de sclérose en plaques que chez les personnes ayant d’autres troubles neurologiques courants » (Berkman et coll., 1999, p. 52). [traduction] Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada (RAFH Canada) a étudié en 1996 la relation entre les mauvais traitements et les pensées suicidaires et tentatives de suicide. Des 371 femmes qui ont répondu au sondage, 225 avaient eu des pensées suicidaires et 45,3 % d’entre elles avaient fait une tentative de suicide (RAFH Canada, 1996). Les répondantes du RAFH Canada ont défini certains problèmes liés aux services de prévention du suicide, particulièrement l’absence d’options accessibles pour le suivi et l’inconfort des conseillers à l’égard des questions qui touchent les personnes handicapées.

Carol J. Gill, dans son article « Suicide intervention for people with disabilities : A lesson in inequality », soutient que les personnes handicapées font l’objet d’un traitement discriminatoire lorsqu’elles expriment des pensées suicidaires. Elle souligne que lorsque des personnes non handicapées expriment leur désir de mourir, ce désir est défini comme un indicateur de comportement suicidaire et des mesures de prévention du suicide sont prises. Par contre, lorsque des personnes handicapées expriment leur volonté de mourir, leurs propos ne suscitent pas la même réponse. Ils sont plutôt définis comme une réponse raisonnable à une situation pénible. Selon Gill :

Pour les personnes gravement handicapées, toutefois, particulièrement les personnes qui utilisent un respirateur, qui reçoivent de l’aide pour se nourrir ou d’autres formes d’aide, le désir de mourir a été étiqueté comme le « refus de traitement », le désir d’éviter des souffrances ou une agonie prolongées ou le désir de laisser une maladie fatale suivre son cours naturel (utilisé dans les cas d’invalidité de longue durée où il manque de preuves d’une maladie fatale!) et non de commettre le suicide (Gill, 1992, p.2 de 14). [traduction]

Gill affirme que la discrimination fondée sur la capacité physique empêche la remise en question rigoureuse des affirmations des personnes handicapées qui déclarent vouloir mourir.

Gill expose un raisonnement axé sur les droits des personnes handicapées pour justifier la mise en œuvre de la recommandation. Toute société qui offre des programmes de prévention du suicide à ses citoyens doit faire face à l’obligation morale et juridique d’offrir aussi ces services aux personnes handicapées. Il ne faudrait pas s’étonner du fait qu’il existe des barrières systémiques qui empêchent les personnes handicapées de bénéficier pleinement des services de prévention du suicide. Les militants du mouvement pour les droits des personnes handicapées ont rencontré des obstacles à leur participation à de nombreux autres systèmes. Gill recommande de faire participer à des activités de prévention du suicide des personnes handicapées membres du mouvement pour les droits des personnes handicapées; cette recommandation est conforme à l’approche du CCD qui consiste à créer un Canada inclusif et accessible. Le mouvement pour les droits des personnes handicapées a établi deux importantes devises : « Cette voix qui est la nôtre » et « Rien pour nous sans nous ».

Puisque RAFH Canada a défini le suicide comme une question particulièrement préoccupante pour les femmes handicapées, le CCD recommande que le Comité consulte cet organisme. Il lui recommande également de consulter le Réseau national pour la santé mentale. Ces deux organismes sont membres du CCD.

Légalisation du suicide assisté (LSA) : Le Comité indique qu’il examinera les cas de violence. Les militants du mouvement pour les droits des personnes handicapées se préoccupent du risque de violence et de discrimination systémique que pourrait entraîner la légalisation du suicide assisté au Canada.

Réponse des partisans de la LSA aux arguments en faveur des droits des personnes handicapées : Les préoccupations des membres de la collectivité des personnes handicapées ont été banalisées par une reformulation inexacte de leurs arguments par les partisans de la LSA. Le Comité peut entendre des partisans de la LSA mal interpréter la position des défenseurs des droits des personnes handicapées. L’universitaire Carol J. Gill spécialisée en études sur la situation des personnes handicapées reformule ces raisonnements erronés en les présentant sous forme d’arguments « vides » pour aider le Comité à distinguer les messages valides et les cas de désinformation au sujet des droits des personnes handicapées (Gill, 2010). Gill classe ces affirmations inexactes sous deux catégories : « Ils nous en veulent! » [traduction] et « Vous ne comprenez pas ». [traduction]

Ils nous en veulent : Faux argument numéro un : La légalisation du suicide assisté encouragera les médecins à tuer des personnes handicapées. Gill explique que ce ne sont pas les inquiétudes au sujet de « tueurs compatissants » [traduction] mal guidés de la profession médicale qui sont à l’origine de l’opposition des praticiens défenseurs des droits des personnes handicapées à la LSA. C’est plutôt le parti pris en faveur de la limitation des services de santé devant les préoccupations grandissantes quant à la hausse des coûts des soins de santé. Les attitudes négatives à l’égard de la qualité de la vie avec une déficience influent sur les décisions de traitement prises pour les patients handicapés : une personne qui vit avec une déficience n’est pas toujours considérée comme méritant des services médicaux en forte pénurie. Gill décrit comment on demande de façon répétée, dans les hôpitaux, aux personnes handicapées si elles ont signé une ordonnance de non réanimation (Gill, 2010).

Le droit de refuser un traitement a été renforcé, mais les patients n’ont pas encore obtenu le droit de demander un traitement (Gill, 2010). L’alimentation et l’hydratation sont maintenant considérées un traitement. Nancy B., qui demandait le débranchement de son respirateur, a remporté sa cause, mais le Britannique Leslie Burke, que l’incapacité qui s’aggravait constamment a en fin de compte empêché d’avaler, a échoué dans sa tentative pour obtenir « l’affirmation légale du droit de recevoir une alimentation et une hydratation assistées jusqu’à sa mort naturelle » (Gill, 2010, p. 33). La collectivité des personnes handicapées du Manitoba est très préoccupée par la déclaration du Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba sur le maintien et le retrait des traitements de survie. Dans cette déclaration, le Collège accorde aux médecins le pouvoir exclusif de décider du moment de l’abandon ou de la cessation des traitements visant à garder le patient en vie. La Manitoba League of Persons with Disabilities membre du CCD a défini la notion de testament pour la vie; les citoyens indiquent dans cette déclaration les services médicaux qu’ils désirent recevoir en cas d’hospitalisation (Wiebe, 2005).

Faux argument numéro deux : Si le suicide assisté est légalisé, les personnes handicapées seront victimisées par les membres de la famille avares qui désirent toucher leur héritage ou par des membres de la famille qui désirent se libérer du fardeau des soins. Selon Gill, cet argument est irrespectueux à l’égard des familles des personnes handicapées et ne tient pas compte de la dynamique économique et sociale de la maladie chronique et de l’invalidité de longue durée. Les défenseurs des droits des personnes handicapées craignent que la LSA encourage la société à réduire l’aide fournie aux citoyens ayant des problèmes de santé ou une invalidité chroniques. Il sera considéré raisonnable de précipiter le décès de certaines personnes, plutôt que leur fournir les services dont elles ont besoin pour leur confort et leur dignité. Les militants du mouvement pour les droits des personnes handicapées craignent un abandon de la responsabilité sociale à l’égard des personnes handicapées et de l’ensemble des citoyens (Gill, 2010).

Vous ne comprenez pas : Faux argument numéro trois : Les personnes handicapées ne font pas la différence entre l’eugénisme pratiqué par les Allemands nazis et les offres contemporaines de suicide assisté. Comme le reconnaît Gill, le meurtre des personnes handicapées par les nazis, dans le cadre d’une campagne contre les personnes non productives, était associé au programme de purification raciale d’Hitler et l’ampleur de ces atrocités combinées démontre pour la plupart des gens l’illégitimité de l’eugénisme nazi. Les tenants du mouvement pour les droits des personnes handicapées soulèvent l’histoire de l’eugénisme, parce qu’il y a des enseignements à tirer au sujet des facteurs qui influent sur la définition par une société de ce qui constitue une citoyenneté valide et non parce que nous craignons une résurgence du programme T4 nazi. Comme l’explique Gill, l’interaction des problèmes économiques, de la compétition pour les ressources et des attitudes au sujet de la déficience, de la productivité et de la qualité de vie ont eu pour effet de réduire au minimum le soutien des Allemands aux personnes ayant besoin d’aide sociale et de ressources pour vivre (Gill, 2010, p. 34). Il est utile de connaître l’influence que ces facteurs ont exercé sur la prise de décisions touchant les personnes handicapées dans le passé pour la surveillance des débats actuels en matière de politiques publiques.

Faux argument numéro quatre : Lorsque nous soulevons des préoccupations au sujet du risque que la légalisation du suicide assisté entraîne le décès non désiré de personnes handicapées, les défenseurs de la LSA soutiennent que nous confondons suicide assisté et euthanasie involontaire. Nous répondons que ceux-ci n’ont pas suffisamment examiné les véritables choix volontaires qui s’offrent en fin de vie. Ils supposent à tort que les personnes en fin de vie ont toujours accès à différentes avenues. Des facteurs personnels comme la race, l’âge, l’invalidité, la classe et le sexe ont toutefois une incidence sur l’éventail des choix qui s’offrent à une personne. À titre de collectivité qui vit avec un approvisionnement insuffisant et parfois inexistant en services nécessaires pour les personnes handicapées, nous savons que ces avenues ne sont pas toujours disponibles (Gill, 2010, p. 35). Dans un examen de la question du suicide assisté en Oregon, Gill pose la question théorique suivante : « Si les demandeurs meurent en pensant que leurs seuls choix sont la maison de soins infirmiers, l’imposition humiliante de l’obligation de répondre à leurs besoins intimes à leur famille ou la prise du risque de dépendre de l’aide d’étrangers, en quoi leur décision Estelle volontaire? » (Gill, 2010, p. 35)

Faux argument numéro cinq : Les personnes handicapées pensent qu’elles savent ce que vivent les personnes en fin de vie. Gill reconnaît que même si tous n’ont pas la même expérience de l’invalidité ni d’aucune autre expérience de vie, il existe toutefois des points communs dans la façon dont certaines personnes se trouvant dans une situation semblable sont traitées par la société. Comme l’universitaire le souligne, ce sont l’économie et l’organisation sociale de l’invalidité qui transforment les personnes malades en fardeau pour leur famille ou en résidents d’établissements (Gill, 2010, p. 36). Lorsque l’affaire Sue Rodriguez a fait les manchettes, certains de ses porte-parole ont déclaré soutenir sa cause parce qu’ils disaient comprendre son désir d’éviter l’état de non dignité que représente la dépendance envers les autres pour sa toilette.

Faux argument numéro six : La légalisation du suicide assisté ouvrira la porte à une avalanche de demandes de personnes handicapées. Selon Gill, les membres du mouvement pour les droits des personnes handicapées ne craignent pas une contagion du suicide. Ils craignent plutôt que la LSA n’empire notre réponse sociale culturelle à la déficience, un effet qui accentuerait l’exclusion sociale des personnes handicapées. Avec la LSA, l’État approuve le meurtre de personnes handicapées; pour le CCD, cette mesure renforcerait les images négatives et les stéréotypes au sujet des personnes handicapées.

Arguments contre la légalisation du suicide assisté

Le suicide assisté est devenu pour certains une option de traitement qu’il est nécessaire d’offrir en fin de vie. Ce n’est pas la position du CCD, qui expose dans la présente partie les motifs de son opposition.

Illusion d’une maîtrise accrue par les patients : Les défenseurs de la LSA font la promotion du suicide assisté comme moyen pour une personne de maîtriser sa fin de vie. Il pourrait s’agir d’une promesse plutôt que de la réalité. Des personnes sont capables de demander le suicide, mais les mandataires peuvent aussi se voir accorder ce pouvoir pour les patients qui ne sont plus capables de formuler une demande eux-mêmes.

Le déséquilibre du rapport de force qui existe entre les patients et les médecins a un effet important sur la maîtrise des patients. L’anthropologue Robert Pool décrit dans son étude Negotiating a Good Death: Euthanasia in the Netherlands le rôle clé que les médecins jouent dans la prise de décision en matière de suicide assisté légal. À titre de contrôleurs de l’accès au suicidé assisté légal, ce sont les médecins qui exercent la plus grande maîtrise. Ce qu’un médecin définit comme un suicide assisté légal peut varier en fonction de la situation. Pool écrit ce qui suit :

Cependant, parce que les diverses interventions médicales qui abrègent la vie sont continues dans la pratique, il est souvent possible pour les auteurs de ces interventions de rajuster leurs définitions et leurs interprétations de sorte que leurs actes ne soient pas visés par les définitions officielles. Ils ne le font pas nécessairement de façon consciente, pour camoufler des cas d’euthanasie ou pour éviter les contrôles, mais plutôt de façon inconsciente, en raison d’ambigüités inhérentes à certaines situations concrètes. Si une situation est équivoque, les intervenants choisiront probablement l’interprétation la plus favorable pour eux, pour des raisons purement pragmatiques (Pool, 2000, p. 230). [traduction]

Pool souligne que les mécanismes de surveillance du suicide assisté légal dépendent de la façon dont les médecins, plus particulièrement, définissent leurs interventions. Il fait remarquer qu’« [...] aussi longtemps qu’il y aura d’importantes variations dans ces définitions, la surveillance ne sera pas efficace » (Poole, 2000, p. 237). [traduction] Le CCD se préoccupe au sujet du point d’intersection des définitions du suicide assisté légal et de la qualité de vie avec une déficience. C’est à ce point d’intersection que le danger de violence survient. Les régimes axés sur la surveillance après le fait sont peu efficaces pour protéger les personnes handicapées d’un acte de violence.

Fardeau indu pour les personnes handicapées : La rédaction de lois et de politiques en matière de suicide assisté légal visant à offrir le suicide assisté aux personnes ayant des limitations fonctionnelles entraînerait une dépréciation de la vie des personnes handicapées. Il est difficile d’imaginer un État qui envisagerait la LSA pour d’autres groupes marginalisés et défavorisés (Krahn, 2010). Imaginons par exemple qu’une société dise à ses citoyens sans abri ayant des problèmes de toxicomanie : « Si la vie devient si difficile que vous deviez vivre dans la rue et mendier pour votre consommation de drogues et d’alcool, l’État vous aidera à vous suicider pour ne plus souffrir. »

Mesures de protection inefficaces : Des mesures de protection sont souvent présentées comme la réponse aux préoccupations au sujet des conséquences de la LSA. Dans la pratique, le suicide assisté légal n’a souvent été accompagné que de très faibles mesures de protection procédurales, comme la déclaration après le fait. La seule mesure de protection efficace consisterait à effectuer une enquête approfondie pour établir si chaque décision a été prise de façon véritablement autonome. Elle serait exagérément difficile à mettre en œuvre, particulièrement dans le cas des personnes handicapées. Les messages négatifs de notre culture au sujet de la déficience sont si puissants que certaines personnes handicapées les ont internalisés et ne peuvent surmonter le stéréotype selon lequel la vie avec une déficience ne vaut pas la peine d’être vécue. Au moment du suicide assisté du Canadien Austin Bastable, Catherine Frazee a tenu les propos suivants dans un article du bulletin CCD Latimer Watch :

L’élément que je considère particulièrement important au sujet de l’affaire Bastable est le fait que dans notre collectivité, nous devons savoir que certaines personnes handicapées appuient Latimer et ont certainement appuyé Austin Bastable, estimant qu’il a le droit de choisir le moment où il mettra fin à ses jours et la façon dont il le fera. Une personne très très vulnérable et très très déprimée qui a été conditionnée, comme cela a été le cas, à penser qu’avec une déficience, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, fait le genre de « choix » qu’Austin Bastable a fait. Nous devons prendre conscience que comme membres d’un groupe opprimé dans la société, nous sommes bombardés de messages, non seulement par les médias électroniques, mais par pratiquement toutes les personnes que nous rencontrons dans notre vie courante : avoir une déficience est une tragédie, un phénomène qui comporte une forte charge négative. Sincèrement, la plupart d’entre nous passons une grande partie de notre vie à croire ces messages. Nous devons nous rappeler qu’il n’existe pas réellement de choix lorsque celui-ci est défini par un ensemble si envahissant de messages, valeurs et conditions à caractère négatif dans la société. Je suis fermement convaincue qu’une personne comme Austin Bastable n’avait simplement pas le soutien, les expériences positives et le temps de régler ces questions et de se retrouver sur l’autre rive et pouvoir déclarer, comme bon nombre d’entre nous, que notre vie est extrêmement riche et gratifiante et que nous n’avons aucun désir d’y mettre fin seulement en raison de notre déficience. Cet exercice exige du temps, de l’aide et une bonne mesure de chance, la chance de bénéficier des ressources nécessaires pour mener une vie confortable malgré la déficience. Nous ne connaissons pas tous les détails de la vie d’Austin Bastable, mais je pense, selon les renseignements que j’ai pu glaner au sujet de sa vie, qu’il n’a essentiellement eu d’autre choix que de penser en fin de compte que sa vie ne valait pas la peine d’être vécue.

Il peut sembler incohérent que notre collectivité s’oppose au suicide assisté, étant donné sa tradition de promotion du libre choix pour les personnes handicapées. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’incohérence. C’est une interprétation très superficielle de la notion du choix qui sous-tend les arguments en faveur de la légalisation du suicide assisté. Dans notre contexte social actuel, il n’est pas possible de faire un tel choix librement (Frazee, 1997, p. 2). [traduction]

Conséquences négatives sur la fourniture de services aux personnes ayant besoin d’aide : Certains craignent que la LSA ne mine la volonté de la société de fournir des mesures d’aide et des services aux citoyens qui ont besoin de soins. Le principe éthique qui sous-tend la LSA est l’individualisme. Selon les tenants du mouvement pour les droits des personnes handicapées, les membres de la société sont interdépendants. Le besoin d’aide n’est pas considéré une chose négative. La valeur du soutien de la société aux personnes ayant une déficience a été reconnue par la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Lacunes des modèles existants : L’expérience pratique en matière de LSA ne rassure pas du tout le CCD. Nos collègues américains handicapés ont défini un certain nombre de problèmes liés au modèle de l’Oregon. Golden et Zoanni ont décelé les lacunes suivantes : « Les exigences en matière de rapport manquent de mordant; la conformité ne fait pas l’objet d’une surveillance, d’importantes questions ne sont pas posées; les cas de violence ne font pas l’objet d’une enquête; le secret entoure la mise en œuvre du suicide assisté légal; les données sur le suicide assisté légal sont détruites chaque année » (Golden et Zoanni, 2010, p. 24 et 25). [traduction] Le format du présent rapport ne permet pas une étude en profondeur des lacunes des régimes du suicide assisté légal existants. Disons simplement que les chefs de file du mouvement pour les droits des personnes handicapées n’ont pas été rassurés par la façon dont les États ont mis en œuvre le suicide assisté légal.

Conclusion

Le CCD conclut le présent rapport en citant la résolution suivante de son Conseil national des représentants. Le message essentiel du CCD sur la LSA y est exposé : il n’est pas encore temps de légaliser le suicide assisté.

Attendu que le CCD a pour mandat d’améliorer la situation des personnes handicapées au Canada et dans le monde;[traduction]

Il EST RÉSOLU QUE : [traduction]

Le CCD s’oppose à toute mesure risquant de dévaloriser davantage la vie des Canadiens avec des déficiences ou d’encourager des stéréotypes décrivant les personnes handicapées comme des êtres perclus, [en] souffrance et ayant besoin d’une aide réglementée pour mettre fin à leurs jours;

Le CCD s’oppose à toute réduction budgétaire gouvernementale nuisant à la vie des personnes handicapées ou pouvant mettre leur vie en danger en ayant pour conséquence le refus de services essentiels, y compris des services de santé nécessaires à la survie; [traduction]

Le CCD s’oppose à toute mesure gouvernementale niant les droits constitutionnels des personnes handicapées à l’égalité, la sécurité personnelle et la dignité humaine;

Le CCD souscrit à des mesures visant à promouvoir une image positive des personnes handicapées;

Le CCD s’oppose aux recommandations du Comité sénatorial sur l'euthanasie et le suicide assisté en faveur de la réduction des peines prévues pour ceux qui tuent des personnes handicapées par compassion ou par pitié. Il reconnaît que ces recommandations ont pour effet de perpétuer le stéréotype selon lequel les personnes handicapées sont des personnes en souffrance qui ont besoin d’une aide réglementée par l’État pour mettre fin à leurs jour; [traduction]

Le CCD s’oppose à toute mesure gouvernementale visant à décriminaliser le suicide assisté, à cause des graves potentialités d’abus et de l’image négative qui se dégagerait si le meurtre des personnes handicapées était légalement sanctionné;

Le CCD s’oppose à toute action des médias risquant de dévaloriser davantage la vie des personnes handicapées aux yeux de la population ou d’encourager des stéréotypes décrivant les personnes handicapées sous un jour négatif. [traduction]

(Résolution sur le suicide assisté et l’euthanasie adoptée par le Conseil national des représentants du CCD le 8 juin 1996.)

Sources

Berkman, Cathy S.; Cavallo, Pamela F, Chestnut; Walda, Holland. Nancy J.1999. « Attitudes toward Physician-Assisted Suicide among Persons with Multiple Sclerosis » in Journal of Palliative Medicine, volume 2, numéro 1, p. 51 63.

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Enns, Ruth, 1999, A Voice Unheard. Winnipeg: The Latimer Case and People with Disabilities. Halifax, Fernwood Publishing.

Frazee, Catherine, 1997, « Catherine Frazee Speaks Out: A Wake Up Call » in CCD Latimer Watch, 9 octobre 1997.

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