Réponse du Conseil des Canadiens avec déficiences au blogue «Taking Mercy»

À: Jennifer Tyron
     Jennifer.tyron@globalnational.com

Cc: tips@global16X9.com

De: Rhonda Wiebe et Dean Richert (Comité sur l’éthique en fin de vie, Conseil des Canadiens avec déficiences), en consultation avec le Dr Heidi Janz ((John Dossetor Health Ethics Centre, University of Alberta) et Krista Flint (Inclusive Humanity.)

Objet:  Réponse du Conseil des Canadiens avec déficiences au blogue «Taking Mercy»
(Global 16x9; 16 mars 2012)


Votre émission cybercarnet « Taking Mercy » (16 mars 2012), a stupéfié de nombreuses Canadiennes et de nombreux Canadiens.  Désinformation, crainte et stigmate en constituaient la trame.  Ceux qui d’entre nous vivent avec des déficiences auraient pu facilement partager des chambres d’hôpital ou des services de soutien avec Tracy Latimer et d’autres enfants comme elle, assassinés par leurs parents.  Nous aurions pu être dans la même classe ou dans le même voisinage.  Lorsque nous sommes  catégorisés comme des êtres de souffrance dont la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, nous nous demandons combien de secteurs de notre société – représentés par les panélistes de votre émission –nous refusent notre place.  Vos invités, incluant le « parent » Robert Latimer et l’éthicien Arthur Schafer, n’ont fait qu’alimenter le cauchemar existentialiste qui terrorise de nombreux Canadiens handicapés parce qu’il perpétue l’idée qu’il vaut mieux être mort qu’handicapé.  Certains d’entre nous ne sont peut-être pas capables de parler, de marcher, d’entendre ou de voir,  mais cela ne nous empêche pas d’avoir notre place.  Même si nous souffrons ou si nous avons besoin d’aide pour aller aux toilettes, nous sommes toujours des Canadiens, protégés par la Charte des droits et libertés et nul n’a le droit de nous tuer.

Votre blogue n’a pas reconnu que nous sommes bien plus que la somme de nos limitations fonctionnelles.  Nous assassiner n’est ni un signe de compassion ni un signe de raison.   Plusieurs d’entre nous n’ont pas oublié  le cauchemar qui nous a terrorisés dans notre enfance quant Tracy Latimer, une enfant comme nous, a été tuée par son père. Et ce cauchemar s’est intensifié quand nous avons vu que c’était l’assassin et non la victime plaignaient tant de Canadiens. 

Nous ne comprenons pas que vous puissiez employer le mot « compassion » pour justifier et classifier le meurtre de personnes handicapées.  Notre existence ne doit pas dépendre du degré de valeur que l’on pourrait subjectivement nous accorder.  Qu’il est réducteur d’utiliser des clichés pour décrire la vie si riche et si déterminée des personnes handicapées, la comparant à celle des animaux ou des plantes,  la qualifiant de fardeau ou adoptant des stéréotypes simplistes. Vous nous peignez comme des êtres sous-humains, pétris de souffrance.

Où étaient les citoyens ayant  de graves déficiences?  Où étaient les membres de familles et les intervenants pour qui les accommodements et l’inclusion sont des réponses appropriées aux besoins des personnes handicapées?  Nous n’avons pas entendu leurs voix.  Nous avons été exclus de votre émission.  Quand avez-vous animé des émissions portant sur les enjeux des groupes marginalisés comme les personnes des Premières nations, les femmes, les nouveaux arrivants ou autres, sans inclure des représentants dans votre discussion en groupe? 

Nous demandons donc à Global, au nom de l’impartialité journalistique, de produire une émission complémentaire mettant en vedette des personnes handicapées qui veulent vivre et qui s’inquiètent de ce voir réapparaître ce débat sur l’euthanasie.   Doter  le discours public d’une plus grande équité et lui donner  une plus vaste portée, ne peut être que positif.